A quatre jours du premier tour de l'élection présidentielle, les déclarations les plus étonnantes ne viennent pas forcément des candidats. Elles peuvent également être l'affaire des chefs d'entreprise. En clôture du 20ème anniversaire de la fondation d'entreprise "Vinci pour la cité", le PDG du géant du BTP a prononcé, le 6 avril, un discours très politique.
Réagissant à un sondage réalisé par Kantar Public sur la ville inclusive, Xavier Huillard s'est fait l'avocat de "l'autonomie", de la "confiance" et de la "décentralisation". Autant de termes habituellement utilisés et revendiqués par les collectivités territoriales dans leur relation avec le pouvoir central.
"Un monde en voie de fragmentation croissante"
Reprenant à son compte la conclusion de cette étude selon laquelle l'action sociale repose sur la coopération des associations, des collectivités et des entreprises pour être efficace, rapide et au plus proche des besoins, le patron de Vinci s'est ainsi alarmé d'un "monde en voie de fragmentation croissante".
"Avec 250.000 collaborateurs, c'est-à-dire le fait d'être grand, gros et profitable, cela nous confère une responsabilité supérieure. Nous avons la taille pour faire les choses en grand", a-t-il ajouté, présentant, en creux, sa stratégie RSE.
Xavier Huillard s'est par exemple félicité d'avoir répondu à l'appel du président Macron un samedi soir après une manifestation du mouvement des "Gilets jaunes". "Les gars, faut en faire plus pour les jeunes des quartiers défavorisés", l'interpelle alors l'actuel chef de l'Etat. Depuis, Vinci se targue d'accueillir 5.000 stagiaires de 3ème issus de ces "quartiers prioritaires de la ville" (QPV).
En cela, le PDG du géant du BTP ne fait qu'illustrer les enseignements du sondage commandé par "Vinci pour la cité" à Kantar Public. Ce dernier démontre, forts pourcentages à l'appui, que les entreprises sont très attendues des associations et des collectivités territoriales en matière d'accès à l'emploi et à la formation.
"On a peut-être eu tendance à négliger les maires"
Les communes sont, elles, considérées comme "légitimes" pour l'accès au logement et au soin et la gestion du vieillissement de la population. "Certes, c'est un peu moins le cas maintenant, mais on a peut-être eu tendance à négliger les maires alors qu'ils sont extrêmement importants", a relevé Xavier Huillard, avant de livrer un réquisitoire contre l'Etat central.
"Dans le champ sociétal, le rôle de l'Etat n'est pas d'impulser. L'Etat ne sait pas. Il doit juste écouter. Son rôle consiste à s'emparer du local pour le déployer au niveau national avec des moyens", a lâché le patron de Vinci.
"Notre Etat est encore dans un paradigme où c'est lui qui a l'intelligence, les moyens et le pouvoir de décider des détails. Non, il faut écouter ce qui se passe sur le terrain !", a poursuivi Xavier Huillard, décidément très en verve.
Des propos d'estrade qui ressemblent fort à ceux des associations d'élus locaux quand elles demandent davantage de pouvoir. Mais des mots qui ne surprennent pas ses équipes.
Celles-ci se souviennent de la réaction de leur PDG lors de l'abandon de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes en 2018. "On n'abandonne pas un tel projet depuis le palais de l'Elysée !", se serait alors exclamé Xavier Huillard, en référence à l'annonce du Premier ministre Edouard Philippe à la sortie du Conseil des ministres.
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