Mobilisation du foncier industriel : « Il faut s'occuper du stock, du flux et du caché ! » (Rollon Mouchel-Blaisot)

GRAND ENTRETIEN. Deux mois après la présentation à Bercy du projet de loi sur l'industrie verte, le préfet Rollon Mouchel-Blaisot vient d'être chargé par le gouvernement de la mobilisation du foncier industriel. En exclusivité pour La Tribune, le haut-fonctionnaire se confie sur sa méthode et son calendrier. Le texte est en effet censé en arriver en Conseil des ministres en juin prochain.
César Armand
Le préfet Rollon Mouchel-Blaisot est sous l’autorité directe des ministres de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires Christophe Béchu et de l’Industrie Roland Lescure.
Le préfet Rollon Mouchel-Blaisot est sous l’autorité directe des ministres de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires Christophe Béchu et de l’Industrie Roland Lescure. (Crédits : DR)

Les élus locaux le connaissent bien. Consul général de France à Melbourne, sous-préfet des Yvelines avant d'être nommé préfet en 2010, Rollon Mouchel-Blaisot a été directeur général de l'Association des maires de France (AMF) avant de diriger le programme de revitalisation des villes moyennes « Action Cœur de ville ». Depuis le 8 mars, il est chargé, par les ministres de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, et de l'Industrie, Roland Lescure, du pilotage de la Mission nationale de mobilisation pour le foncier industriel. Et ce, dans le cadre du projet de loi sur l'industrie verte.

Lire aussiIndustrie verte : Bercy promet un « choc de simplification » sur l'autorisation et l'extension des usines

 LA TRIBUNE- Vous devez proposer des mesures « concrètes et opérationnelles » pour « recenser l'offre disponible à destination des investisseurs », « qualifier la demande des entreprises » et « faciliter l'accueil des projets industriels ». Quelles sont vos premières pistes ?

ROLLON MOUCHEL-BLAISOT- Il ne s'agit pas d'un énième rapport mais d'une mission « flash » devant déboucher sur des mesures concrètes et opérationnelles. Beaucoup de choses existent ou sont dans les tuyaux ; aussi, il convient prioritairement de fédérer de nombreux acteurs et parties prenantes, les administrations, les opérateurs publics et privés, les entreprises industrielles (et logistiques), les réseaux professionnels, les experts et les collectivités territoriales au premier rang desquelles les régions et les intercommunalités.
En un mot, co-construire une feuille de route à la hauteur de l'ambition industrielle de notre pays. Dans le pilotage de cette mission, je serai épaulé par deux inspecteurs généraux - Inspections générale du développement durable (IGDD) et des Finances (IGF) - et animerai un comité de pilotage composé d'acteurs centraux sur ce sujet: direction générale des entreprises (DGE), direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), « Territoires d'industrie », Cerema (services du Premier ministre), Banque des Territoires (groupe Caisse des Dépôts) et Business France.

Qu'en est-il des élus locaux, en première ligne dans la mobilisation du foncier industriel ?

En parallèle, je vais travailler très étroitement avec les collectivités territoriales et leurs associations nationales représentatives. De même je vais coordonner plusieurs groupes de travail interministériels et partenariaux sur des points précis liés à l'un des trois objectifs de la mission. Ce sera un vrai travail d'équipe ! La méthode de travail que j'ai mise en œuvre en pilotant le programme national « Action Cœur de Ville » et qui a fait, me semble-t-il, ses preuves constituera le fil conducteur de ma nouvelle mission pour le foncier industriel. En effet, les études récentes témoignent d'une pénurie grandissante de foncier économique et d'une plus grande concurrence dans l'accès au foncier entre les différents usages. Cette tendance s'inscrit dans l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) portée par la loi Climat et Résilience de 2021, qui fait de la sobriété foncière un enjeu écologique majeur pour le développement durable pour nos territoires. Avec la démarche « Territoires pilotes de sobriété foncière » que j'ai portée avec le Plan Urbanisme Construction Architecture (PUCA), et le soutien de la Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), nous avons prouvé que développement urbain et sobriété foncière étaient parfaitement compatible.

Comment comptez-vous articuler votre mission avec le groupe de travail « Ouvrir des usines, réhabiliter des friches, mettre à disposition des terrains » mis en place par Bercy et co-piloté par la députée (Horizons) de Seine-Maritime Marie-Agnès Poussier-Winsback, la maire (Horizons) de Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) et présidente du Cerema Marie-Claude Jarrot ainsi que par la Pdg de Solvay Ilham Kadri ? Mais aussi avec le directeur général de la Banque des territoires Olivier Sichel ?

Dans l'objectif de mieux connaître le foncier disponible pour l'industrie, la Banque des territoires et le Cerema ont été effectivement mandatés pour concevoir et créer un portail foncier, d'abord à destination des investisseurs mais qui soit aussi utile aux collectivités concernées. Il faut également déterminer les caractéristiques et indicateurs pour harmoniser les données encore très disparates proposées par les différents outils existants.
Enfin, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) doivent recenser leur foncier économique depuis la Loi Climat et Résilience de 2021 - avec pour objectif l'été 2023 - mais beaucoup reste à faire. Il convient donc d'accompagner et d'aider les intercommunalités dans le recensement de leurs zones d'activités économiques.
C'est un chantier très important qui viendra compléter celui qu'il nous faut plus globalement mener auprès de nombreuses entités publiques comme privées pour débusquer le foncier « invisible ». En substance, la problématique consiste à identifier et valoriser de nouveaux gisements dans un contexte de réduction de l'artificialisation (trajectoire ZAN). Il faut donc s'occuper du stock, du flux et du caché !

Dans le cadre de cette consultation, les intercommunalités appellent déjà à « massifier le dispositif des sites ''clés en main'' et le transformer en ''parcours de montée en disponibilité et en gamme des sites'' ». Qu'en pensez-vous ?

Je vais travailler très étroitement avec les associations nationales d'élus locaux que je connais bien au demeurant. Inutile d'insister sur les compétences incontournables des collectivités territoriales et la nécessité de travailler davantage en réseau à tous les niveaux. Je ferai également des visites de travail - plusieurs sont programmées - dans chacune des régions car chaque situation est différente.
J'ai notamment beaucoup appris en me rendant dans de nombreuses villes « moyennes », la plupart industrielles d'ailleurs. Aussi je me réjouis de rencontrer à nouveau élus et d'acteurs de terrain qui trouvent des solutions, propres à chaque territoire mais sur lesquelles il est possible voire nécessaire de capitaliser, afin que ces bonnes pratiques se diffusent.

Le texte gouvernemental doit arriver en Conseil des ministres en juin prochain et au Parlement dans la foulée. Quel est votre calendrier ?

En raison des impératifs d'attractivité économique de notre pays et dans le cadre de la préparation du projet de loi sur l'industrie verte, les ministres m'ont demandé de faire le bilan de la mise en place de cette feuille de route dès cet été. Une contribution intermédiaire est attendue dans la perspective du Sommet « Choose France » qui se tiendra à Versailles le 15 mai prochain. Il s'agit donc d'une mission dense avec un calendrier resserré qui doit tous nous mobiliser. Je suis très heureux de poursuivre ainsi mon engagement pour le développement de nos territoires et motivé d'essayer de faire œuvre utile sur un enjeu majeur pour notre pays !

Un projet de loi annoncé en janvier par Bruno Le Maire

Annoncé début janvier par le ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle, Bruno Le Maire, le projet de loi sur l'industrie verte a vocation « à accélérer les processus d'autorisation des nouveaux sites industriels, à favoriser la commande publique nationale, à financer l'innovation industrielle avec France 2030, à réorienter l'épargne et à créer un environnement fiscal plus attractif pour l'industrie verte ».

César Armand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.