Neutralité carbone : les travaux publics estiment la facture entre 500 à 900 milliards d'euros d'ici à 2050

Jusqu'à aujourd'hui, la fédération nationale des travaux publics (8.000 adhérents, 300.000 salariés, 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France) savait qu'elle représentait 2% du PIB. Elle ignorait en revanche son empreinte carbone et le poids de ses émissions de gaz à effet de serre. Aussi, plutôt que de subir de futures normes, lois et autres réglementations, elle présentera deux scénarios de transition écologique aux candidats à l'élection présidentielle en février prochain. Le premier scénario est fondé sur la sobriété, coûterait 16,2 milliards d'euros par an d'ici à 2050, soit 486 milliards d'euros au total. Le seconde hypothèse, basé sur les technologies, coûterait le double. Explications.
César Armand
Chantier du métro Éole, porte Mailllot, Paris XVIIème
Chantier du métro Éole, porte Mailllot, Paris XVIIème (Crédits : C.A.)

La crise de la Covid-19 a eu un mérite : relancer l'investissement public avec les 100 milliards d'euros de France Relance débloqués d'ici à fin 2022. Et le BTP en profite largement.

Dans le bâtiment, près de 9 milliards ont été fléchés vers la rénovation : 4 milliards pour les bâtiments publics, 4 milliards pour les logements privés (dont 2 dans la loi de finances 2022) et 700 millions pour les logements sociaux auxquels s'ajoutent 350 millions d'aides pour les maires bâtisseurs et 650 millions pour le recyclage des friches.

Autrement dit, près de 10 milliards pour les constructions verticales, et surtout atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050.

Entre 250 et 450 fois le montant des aides de France Relance

Du côté des travaux publics (canalisations, ouvrages d'art type ponts, voies ferrées...), la fédération nationale (FNTP, 8.000 adhérents, 300.000 salariés, 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires en France, 32 à l'étranger) pensait percevoir 3,8 milliards d'euros au titre de France Relance. Elle a déjà touché 700 millions suite au projet de loi de finances 2021 et attend 1,2 milliard dans le cadre du projet de loi de finances 2022.

"Cela fait 1,9 milliard d'euros, soit la moitié de ce qui avait été annoncé, mais c'est toujours ça de pris", philosophe le directeur général de la FNTP, Julien Guez.

En réalité, cette somme représente surtout entre 250 et 450 fois moins que les montants prévus par la filière pour les infrastructures de la transition écologique. Et ainsi atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050. A la différence du bâtiment neuf qui devra obéir à une nouvelle réglementation environnementale dès le 1er janvier 2022, les travaux publics n'ont aucune contrainte à l'horizon pour respecter l'objectif gouvernemental de zéro carbone d'ici trente ans.

50% des émissions de gaz à effet de serre français

De son propre aveu, la fédération nationale a, même le plus souvent, adopté des positions défensives, notamment sur le dispositif fiscal sur le gazole non routier. Pour changer son image de consommateur d'énergies fossiles et plutôt que de subir de futures lois, normes et autres réglementations, elle a donc décidé de mesurer son empreinte carbone.

Elle a mandaté le cabinet de conseil Carbon4 "décroissant et pro-nucléaire", l'agence d'accompagnement au développement durable Utopies ainsi que l'Observatoire français des conjonctures économiques. La FNTP a ainsi découvert que l'acte de construire, dans les travaux publics, représentait 3,5% des émissions de gaz à effet de serre français. "C'est entre 1 et 1,5 fois ce que nous représentons en poids économique (2% du PIB, ndlr)", relève Julien Guez.

Plutôt que de s'en tenir à cette donnée, elle a décidé d'aller plus loin en demandant à ses prestataires de mesurer l'empreinte carbone des flux de biens, d'énergie et de personnes qui empruntent ses infrastructures. Surprise, ce "scope 3" représente 50% des émissions de gaz à effet de serre français.

Deux scénarios pour atteindre la neutralité carbone

Après avoir reçu ces résultats, la fédération nationale des travaux publics a réuni 200 experts pour identifier des réponses concrètes. Il en est ressorti un référentiel de 25 solutions concrètes dans les matériels, les matériaux, l'énergie ou encore le numérique, qui a vocation à être distribué aux entreprises comme aux donneurs d'ordre.

Pour ne pas rester dans la théorie et passer à la pratique dans une filière qui compte 80% de PME, elle va également bâtir des modules de formations, pour Internet et pour le terrain. De la même façon qu'un comité de suivi avec des experts indépendants sera mis sur pied.

Ce travail étant fait, la fédération a enfin demandé à Carbon4, à Utopies et à l'OFCE de réaliser un budget carbone selon deux scénarios.

Dans les deux cas, il s'agira de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de renaturer via la conversion de friches par exemple et de faire preuve de résilience en construisant des ouvrages qui permettent de lutter contre les catastrophes naturelles (inondations...) inhérentes au dérèglement climatique.

Ou encore de maintenir les infrastructures. Ne pas entretenir aujourd'hui, c'est surinvestir demain, a-t-on l'habitude de répéter dans les TP. "Rouler sur une route dégradée, c'est également émettre plus de CO2", souligne le directeur général de la fédération.

Le premier scénario est fondé sur la sobriété, c'est-à-dire la limitation des usages, des consommations et le développement des circuits courts et de la mobilité durable. Il coûterait 16,2 milliards d'euros par an d'ici à 2050, soit 486 milliards d'euros au total.

La seconde hypothèse, basée sur les technologies, fait, elle, le pari de l'innovation, de l'hydrogène et de l'électrification massive des routes et de la métropolisation. Cette dernière reviendrait à 29,9 milliards d'euros par au cours des trente prochaines années, soit 897 milliards d'euros.

Une création de 300.000 à 400.000 emplois

"Les investissements sont énormes, mais ils régleraient la moitié des émissions des gaz à effet de serre français", insiste le directeur général de la fédération nationale des travaux publics, Julien Guez.

"Quel que soit le scénario, il rapporterait entre 1,1 et 1,3 point de PIB supplémentaire par an et une création nette de 300.000 à 400.000 emplois", ajoute-t-il.

Pour autant, cela ne dit pas qui va régler la facture comprise entre 486 et 897 milliards d'euros. "Nous, nous prenons des engagements, mais ce n'est pas nous qui faisons la commande publique. L'effort devra être partagé entre les collectivités, l'Etat et le privé", estime Julien Guez. Autrement dit, la note sera partagée entre le contribuable, l'usager et la... dette publique.

 "L'idée c'est d'uniformiser la commande publique pour ne pas que chaque collectivité dicte ses propres règles du jeu", réplique Sophie Cahen, directrice influence de la FNTP. Les collectivités représentent en effet 45% des marchés des travaux publics - dont 33% les communes et intercommunalités, avant les départements -, suivies par les promoteurs immobiliers (35%) et à 20% par les grands opérateurs (EDF, Enedis, SNCF...)

Reste que cela reviendra aux candidats à l'élection présidentielle, reçus par la fédération nationale des travaux publics le 24 février prochain, d'en retenir, ou pas, les grandes orientations. Le cas échéant, seules les majors, Bouygues, Eiffage et Vinci, qui savent mettre des milliards d'euros sur la table, pourront se permettre de tels efforts financiers.

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ZOOM : Des résultats 2021 moyens, rebond attendu en 2022

Après un "printemps plutôt pas mal" qui laissait espérer une année aussi bonne qu'en 2019, l'automne 2021 a été "en berne", explique Julien Guez, directeur général de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP, 8.000 adhérents, 300.000 salariés). Résultat : +10% d'activité par rapport à 2020, mais 4% de moins par rapport à 2019, pour s'établir à plus ou moins 40 milliards d'euros de chiffre d'affaires fin 2021.

S'agissant de 2022, la FNTP s'attend à un premier semestre compliqué du fait d'une activité qui tournera toujours "au ralenti", mais a bon espoir pour le second semestre et le premier semestre 2023. "Nous arriverons alors dans la concrétisation des projets locaux, et au regard de leur niveau de trésorerie, la situation financière des collectivités est exceptionnelle", estime Julien Guez.

Lire aussi 4 mnDépenses et investissements des communes : le retour à la normale attendu d'ici deux à trois ans

César Armand

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Commentaires 5
à écrit le 21/12/2021 à 13:38
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Cette idéologie, exactement comme le fût le communisme au XXème siècle, s’achèvera de la même manière : un désastre ! Et un demi-siècle de perdu pour tous les pays qui auront été assez fous pour croire à ces délires. On dépense des centaines de Mill...

le 22/12/2021 à 10:50
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Tout à fait la France comme pour ses interventions unilatérales en Afrique a ce don de se tirer une balle dans le pied pendant que nos voisins regardent et se délectent de l'utopie verte pendant qu'ils produisent de l'électricité avec du charbon.

le 22/12/2021 à 12:19
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C'est votre monde qui est mort mais vous êtes obtus. Depuis 1970 l'américain moyen n'a pas gagné 1 dollar de plus. Étonnent non ? Pourtant c'est la réalité. Dis autrement pour être compréhensible, nous suivons les usa et que ce soit les usa ou autre ...

à écrit le 21/12/2021 à 11:07
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quand le batiment fait une estimation, le cout final est multiplie par 3; et 3*900 ca fait 2700 milliards soit plus que le pib de la france.......et tout ca, ca sera ' paye par personne ' avec des prets bce sans interet et non remboursables, et sans ...

à écrit le 21/12/2021 à 9:11
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La neutralité carbone n'existe pas. Toute activité humaine génère du CO2. On ne dérogera jamais à cette règle

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