« Nous devons alléger le coût du logement pour les classes moyennes et les salariés » (Damien Robert, in'li)

ENTRETIEN EXCLUSIF. Entre le logement social, réservé aux foyers les plus modestes, et le parc privé, trop cher pour les classes moyennes, il existe le logement intermédiaire. Ce sont des habitats situés près des transports et des bassins d'emplois dont les loyers sont 15% inférieurs à ceux du marché. En Île-de-France, le besoin est estimé à 200.000, d'après un rapport de l'Inspection générale des Finances et du Conseil général de l'environnemental et du développement durable. Nouveau président du directoire d'in'li, la filiale dédiée au logement intermédiaire d'Action Logement en Île-de-France, Damien Robert dévoile sa feuille de route à La Tribune.
César Armand
Damien Robert
Damien Robert (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Vous venez d'être nommé président du directoire d'in'li, la filiale dédiée au logement intermédiaire d'Action Logement en Île-de-France. L'objectif de 2018 de livrer 80.000 logements intermédiaires d'ici à 2030, est-il toujours à l'ordre du jour ?

DAMIEN ROBERT - La stratégie du groupe Action Logement demeure : faire d'in'li le leader du logement intermédiaire en Île-de-France, en construisant, vous l'avez rappelé, 80.000 nouveaux logements intermédiaires en dix ans. La dynamique de production enclenchée dès 2017 est très forte : nous avons engagé près de 20.000 logements en cinq ans, et plus de 5.000 logements pour la seule année 2021.

Qu'en est-il des foncières de développement que vous deviez lancer en ce sens fin 2020 ?

Pour amplifier notre développement nous avons fait le choix de nous associer avec des grands investisseurs institutionnels, en créant deux foncières : une première avec Axa IMRA, et une seconde avec Primonial (racheté par le développeur-promoteur Altarea en juin 2021), Pro BTP et Midi2iCes partenariats de long terme, où nous demeurons minoritaires, nous permet de multiplier par quatre les moyens de notre développement tout en assurant la gestion et l'attribution des logements, en priorité à destination des salariés des entreprises cotisantes à la PEEC (Participation des Employeurs à l'Effort de Construction).

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Sera-ce suffisant ?

Pour atteindre 80.000 logements intermédiaires en 2030, il faudrait en effet en produire 8.000 par an. C'est notre objectif à moyen terme. Pour franchir ce palier tout en restant exigeant sur la qualité et la localisation de nos logements, c'est-à-dire dans les zones tendues et à proximité des transports en commun, nous devons renforcer nos efforts pour mieux promouvoir le logement intermédiaire, auprès des élus franciliens notamment.

La tâche n'est-elle pas compliquée entre la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments neufs dite « RE2020 » qui renchérit les coûts de construction et le zéro artificialisation nette des sols (ZAN)?

La réduction drastique de notre empreinte carbone est effectivement un impératif pour nous, mais aussi pour Action Logement, et les investisseurs privés qui nous accompagnent. C'est une exigence que je souhaite placer au cœur de mon mandat. Il faut en même temps garder notre objectif élevé de production. A nous, avec l'aide des promoteurs, constructeurs, architectes, mais aussi de nos locataires, d'être inventifs !

Comment ?

Nous devons établir des relations de confiance avec les élus et démontrer que le logement intermédiaire est une bonne chose pour leur territoire et ses habitants. Pour les communes carencées en logement social, c'est du logement abordable qui favorise la mixité et permet aux travailleurs-clés de se loger dans de bonnes conditions. Pour celles qui au contraire ont un taux de logement social élevé, le logement intermédiaire permet d'attirer des classes moyennes et des cadres. Pour les habitants au final, le logement intermédiaire, c'est se loger moins cher et plus près des transports ou de l'emploi.

Comment gérez-vous la rotation des locataires ?

A la différence d'un promoteur nous offrons l'assurance d'une gestion à long-terme de nos logements. Pour une commune, l'avantage de travailler avec un bailleur institutionnel comme le nôtre, c'est la garantie d'avoir un patrimoine géré et entretenu sur du long terme et un interlocuteur unique et identifié.

L'exonération de la taxe sur le foncier bâti transformée en crédit d'impôt équivalent va-t-elle lever des blocages locaux, comme vous l'espérez ?

Deux rapports récents (rapport Rebsamen, et rapport Inspection générale des Finances/ Conseil général de l'environnement et du développement durable), ont proposé de transformer l'exonération de taxe sur le foncier bâti en crédit d'impôt sur les sociétés afin de ne pas pénaliser financièrement les collectivités locales qui accueillent des logements intermédiaires. Le gouvernement a repris cette proposition à son compte dans la dernière loi de finances. C'est une excellente nouvelle pour le logement intermédiaire.

A deux mois du premier tour de la présidentielle, le pouvoir d'achat reste la première priorité des Français de la même façon que le logement demeure le premier poste de dépenses. Que proposez-vous pour inverser la tendance ?

Notre raison d'être est justement d'alléger ce poste de dépense pour les classes moyennes et les salariés des entreprises. Mais nous souhaitons aller plus loin en accompagnant aussi les étudiants et jeunes actifs dans leur parcours résidentiel. C'est pourquoi nous investissons notamment dans le coliving.

En complément du logement intermédiaire, nous souhaitons développer l'accession intermédiaire pour permettre aux classes moyennes et aux jeunes actifs franciliens de devenir propriétaires. Pour cela nous lançons plusieurs dispositifs d'innovants. D'abord le « leasing immobilier » qui offre à nos locataires une option d'achat à 5 ans de leur logement. De jeunes actifs, dont le pouvoir d'achat est appelé à progresser, vont pouvoir acquérir le logement dans lequel ils vivent, au bout de 5 ans au prix fixé initialement sans avoir à subir la hausse tendancielle des prix de marché.

Autre modèle d'accession que nous développons, en partenariat avec Ogic et la jeune pousse Acqer: l'accession progressive à la propriété qui permet au locataire-acquéreur d'acheter progressivement le logement qu'il occupe, en fonction de l'évolution ses capacités financières Nous travaillons également sur des modèles de démembrement et d'usufruit locatif qui réduisent les coûts d'acquisition d'un logement sans faire appel à de la subvention publique. Ces nouveaux modèles de propriété hybride sont une des réponses à la crise. Il faut s'en emparer.

Y-a-t-il d'ailleurs un véritable retour des investisseurs institutionnels dans le résidentiel, comme le proclame, entre autres, le directeur général de Groupama Immobilier, Eric Donnet ?

Le retour des investisseurs institutionnels sur le marché résidentiel s'est amorcé avant la crise du Covid et s'est accéléré depuis. Le lancement réussi de nos foncières partenariales en est la preuve. C'est une excellente nouvelle. Le logement, en particulier le logement abordable, reste un investissement sûr, rentable à long terme, et avec un impact social de plus en plus recherché par les investisseurs.

Le logement est-il enfin le grand oublié de la campagne présidentielle, comme l'affirme, entre autres, la Fondation Abbé Pierre ?

Depuis vingt ans que je travaille sur les problématiques d'aménagement urbain et de logement, qui constituent le quotidien des Français, ces thèmes n'ont jamais été au cœur des débats des campagnes présidentielles.

Pourquoi ?

Certains pensent, à tort, que c'est un sujet trop technique. Il est vrai qu'il n'y a pas de solution miracle à la crise du logement, d'autant que le secteur du logement est soumis à de nombreuses injonctions contradictoires. Il faut construire plus pour répondre aux besoins en limitant l'étalement urbain tout en préservant une densité « désirable ». Il faut aussi construire moins cher tout en construisant plus durable. Pour résoudre ces équations difficiles, les pouvoirs publics doivent faciliter le recyclage urbain. Nous devons nous donner les moyens reconquérir les délaissés urbains, et les friches, de transformer les zones d'activités pour aménager et construire la ville demain. C'est l'enjeu majeur des prochaines années, en Île-de-France en particulier.

Mini-bio

2006-2008 : Secrétaire général de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

2018-2012 : Chargé de mission du secrétaire d'Etat chargé du développement de la région-capitale Christian Blanc, puis conseiller du ministre de la Ville Maurice Leroy

2012-2020 : Directeur général de l'établissement public d'aménagement (EPA) Plaine de France, puis directeur général délégué de Grand Paris Aménagement

2020-2022 : Secrétaire général de la Chambre des notaires de Paris

Depuis le 1er janvier 2022 : Président du directoire d'in'li

César Armand

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Commentaires 3
à écrit le 02/02/2022 à 18:17
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Sur le locatif, quand on voit l'inflation de l'administratif et de la législation pour louer un logement, en seulement 10 ans de temps (diagnostics, bail beaucoup plus long à rédiger, notice d'information, éventuelles autorisations en mairie, plafonn...

à écrit le 02/02/2022 à 14:51
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A l'instar de la Suisse et autres pays où il fait bon vivre (voir indicateur OCDE "Better life"), il faut que l'environnement soit préservé, donc mécaniquement que le coût du logement soit très élevé et que les salaires suivent. Il y a une absence de...

à écrit le 02/02/2022 à 14:01
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Seul le père Noël a ce pouvoir

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