A l'heure où s'esquisse la sortie de crise sanitaire, la sérologie pourrait s'imposer comme un outil précieux. Si les analyses sérologiques étaient jusqu'ici reléguées à un rôle de second plan dans l'arsenal de lutte contre le SARS-CoV-2, l'arrivée de ces tests de nouvelle génération ouvre sérieusement le champ des possibles.
Réalisés par prélèvement sanguin, ils reposent sur la recherche d'anticorps dans le but d'identifier un contact avec le virus (même en l'absence de symptômes), permettant ainsi d'identifier les porteurs sains ou asymptomatiques. Dans leur première version, il était impossible de dater l'infection et de savoir si la personne testée était toujours contagieuse ou même toujours protégée. Jusqu'ici ces dispositifs présentaient surtout un intérêt épidémiologique pour suivre la progression de l'épidémie. Dans un avis rendu au printemps 2020, la Haute autorité de santé avait fortement circonscrit l'utilisation de ces tests en ajoutant quelques situations spécifiques, principalement pour des diagnostics « rétrospectifs » ou « de rattrapage », en cas de discordance entre l'état du patient et les résultats du test PCR.
Le développement, depuis le début de l'année, de tests quantitatifs (de type ELISA) pourrait donc changer la donne. Ces nouveaux outils sont notamment proposés par les laboratoires pharmaceutiques Roche, Eurofins ou encore Abbot. Cette version 2.0, dite « anti-S », se concentre sur la protéine Spike qui permet au SARS-CoV-2 de pénétrer dans nos cellules. Or, cette partie du virus est à la fois cible de notre système immunitaire et de tous les vaccins. En pleine accélération de la campagne vaccinale, ces nouveaux tests pourraient permettre à la fois de s'assurer de la réussite d'une injection (avant une éventuelle dose supplémentaire par exemple) et de surveiller l'évolution des taux d'anticorps. Dans l'hypothèse d'un maintien du Covid-19 sur le long terme, cette analyse se justifierait également avant un rappel.
Définition des taux protecteurs
Ces outils de diagnostics sont en effet capables de quantifier le niveau de défense immunitaire. Reste à régler une question essentielle : quel est le taux d'anticorps nécessaire pour vraiment être protégé ? Les différents enjeux liés au développement de ces tests ont été abordés lors d'une table-ronde organisée par la revue spécialisée Pharmaceutiques, début mai. Le docteur Michel Sala, responsable des affaires médicales des laboratoires d'analyses médicales Cerballiance se montre confiant : « Cet examen sérologique a un futur important. Pour certaines maladies que nous connaissons bien comme la rougeole, la rubéole ou l'hépatite B, nous disposons de taux protecteurs internationalement reconnus grâce aux études conduites. Pour l'instant, nous sommes encore en phase prospective, mais la communauté scientifique travaille d'arrache-pied pour définir ces taux, en particulier pour les personnes les plus fragiles ».
Le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale (COSV) n'a, quant à lui, pas attendu pour recommander la prescription d'une sérologie de type « anti-S » 30 jours après l'administration des deuxième et troisième doses pour les immunodéprimés sévères. En revanche, le résultat ne doit pas conditionner, « à ce stade », la troisième injection pour ces populations, qui doit rester systématique. Yvanie Caillé, fondatrice de Renaloo (association de patients atteints de maladie rénales), explique : « Nous n'avons aujourd'hui aucune certitude concernant les effets de la troisième dose sur les personnes immunodéprimées sévères, dont font partie les patients dialysés et greffés.
Cette démarche est totalement pragmatique, la France est une pionnière dans le monde à tester cette possibilité. Les sérologies vont donc être un outil majeur pour en mesurer les effets. Par ailleurs, dans ces populations les anticorps pourraient disparaître beaucoup plus rapidement, il y a aura donc des enjeux à suivre leur progression dans le temps, y compris si la troisième dose est efficace ».
En revanche, le COSV a exclu la généralisation de ces tests pour un suivi post-vaccinal de l'ensemble de la population. Pourtant, certains représentants de patients plaident pour une application plus étendue. « Les personnes obèses ou en surpoids, fait valoir Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d'obèses, sont des populations à risque et ont des taux de complication élevés. La sérologie nous permettrait de savoir s'il nous faut deux ou trois doses pour avoir suffisamment d'anticorps. Elle peut être une arme assez efficace pour sécuriser les populations, à commencer par les plus fragiles ».
Attestation d'immunité
Le futur pass sanitaire européen prévoit également un recours élargi à ces nouveaux tests. Proposé par la Commission pour permettre les déplacements dans l'UE, il pourra contenir plusieurs types d'informations : résultats RT-PCR ou antigéniques, preuve de vaccination, ou encore « certificat de rétablissement ». Dans ce dernier cas, le texte adopté fin avril par le Parlement européen prévoit que le titulaire peut prouver « au moyen d'un test sérologique ou d'un test de détection des anticorps, qu'il a développé une réponse immunitaire contre le SARS-CoV-2 ». Le passeport sanitaire devra encore faire l'objet de discussions tripartites entre le Parlement, la Commission et le Conseil européen des 27. Mais il reviendra à chaque pays concerné d'établir ses propres règles. Pour l'heure, la France mise sur les résultats de tests RT-PCR et antigéniques ainsi que sur les attestations de vaccinations, mais la porte est ouverte ...
Parmi les éléments pouvant influencer les autorités sanitaires, la définition du seuil de protection sera prépondérante. En effet, la Haute Autorité de Santé actualise régulièrement ses avis en fonction des dernières données scientifiques. L'Hexagone pourrait ainsi rattraper son retard par rapport à ses voisins, bien plus avancés sur le recours à la sérologie. Mais d'ores et déjà, un labo comme Eurofins, ne craint pas d'anticiper : « Nos quatre usines et partenaires se préparent à produire des kits pour effectuer plus de 10 millions de tests par mois », a annoncé son PDG, Gilles Martin. De son côté, Roche entend accélérer ses process pour pouvoir produire jusqu'à un million de tests par mois.
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