La France a, pour l'heure, raté la course au vaccin, mais elle compte bien se rattraper dans celle des traitements des cas graves de Covid-19. Et c'est une innovation qui fera peut-être du bruit dans les mois qui viennent sur laquelle travaille la nouvelle biotech SpikImm SAS, créée par Truffle Capital, qui vient de signer un contrat de licence exclusive avec l'Institut Pasteur. Objectif de ce partenariat : développer un traitement à base d'anticorps monoclonaux anti-SARS-CoV-2. En s'associant dès le début à cette innovation, Truffle Capital entend mettre en avant son savoir-faire de capital-risqueur dans son domaine de prédilection: les biotechnologies. Ce goût du risque qui a manqué à la France dans le développement des vaccins à ARN-messager.
Les anticorps contre le Covid 19 ont commencé à se faire connaître à l'automne dernier. Deux d'entre eux avaient été injectés à l'ancien président américain Donald Trump alors infecté par le virus. Depuis, la Haute Autorité de Santé a délivré une autorisation temporaire à deux anticorps du laboratoire américain Elli Lilly et l'Académie de médecine belge vient de se prononcer pour l'utilisation précoce de ce type de traitement. Ces anticorps sont des molécules qui miment les anticorps humains en neutralisant les virus dangereux. Pour le virus du Covid, ils s'accrochent à sa protéine de surface appelée Spike et l'empêchent ainsi d'infecter de nouvelles cellules. De la sorte, le virus ne parvient plus à se répliquer dans nos cellules et la charge virale diminue. Ce type de traitement est efficace quand il est administré en tout début d'infection chez les patients risquant des formes graves de la maladie.
1000 euros l'injection aux Etats-Unis
Pour le Dr Philippe Pouletty, Directeur Général et co-fondateur de Truffle Capital et président de SpikImm, les anticorps isolés par Pasteur et développés par la nouvelle biotech présentent deux intérêts. « D'une part, ils possèdent une très haute affinité avec le virus. Cela implique que le traitement pourrait nécessiter une dose plus faible pour se montrer efficace. De plus, ces anticorps ont également une très bonne réactivité face aux variants du coronavirus SARS-CoV-2, comme les variants brésiliens et sud africains. Les études porteront également sur le variant indien. »
Cette affinité au virus a aussi un autre avantage non négligeable : elle pourrait bien alléger le prix du traitement, alors que les tarifs des premiers anticorps notamment américains, à 1000 euros l'injection, ont fait s'étrangler certains systèmes de santé. Même si une seule injection semble être nécessaire et que le traitement est réservé aux patients infectés présentant de gros risques. Quant à la capacité d'adaptation aux variants, l'actualité dramatique de ces derniers jours en Inde confirme l'intérêt de disposer d'un bon traitement alors que l'on ignore pour le moment si les vaccins sont efficaces pour protéger tout le monde.
Pour Isabelle Buckle, Directrice des Applications de la recherche et des relations industrielles (DARRI) de l'Institut Pasteur, le choix de contractualiser avec Truffle vient notamment de la capacité de cette société de venture capital européenne à adapter les moyens de l'innovation aux processus de développement. « Nous avons une forte politique de développement des applications de la recherche. Dans ce projet, on est au tout début du développement pour adapter les process afin d'envisager des protocoles faciles à transférer et bien adaptés à la production industrielle. »
Course aux biotechs
Actuellement, une demande de brevet, à l'échelle internationale, a été déposée par l'Institut Pasteur et l'équipe de SpikImm va affiner les procédures de production pour les essais précliniques puis les essais pharmaceutiques. Dans la course aux biotechs, la France qui avait totalement raté le tournant des anticorps monoclonaux pourrait peut-être enfin rattraper son retard. Aujourd'hui, six anticorps anti-Covid sont en fin de développement ou déjà utilisés : les deux d'Elli Lilly, celui de la biotech américaine Regeneron en partenariat avec le suisse Roche, le VIR-7831 d'une autre biotech US Vir Biotechnology avec le britannique GSK, le CT-P59 de l'entreprise sud-coréenne Celltrion et l'AZD7442 en essai phase 3 par l'anglo-suédois AstraZeneca.
Alors qu'elle est en tout début de parcours, la jeune biotech française qui dispose de 4 millions d'euros pour mener ses travaux, aura besoin de douze mois minimum pour franchir toutes les étapes, ce qui semble bien plus rapide que jamais. Car comme l'explique Philippe Pouletty : « Avec le Covid, les Agences aident souvent les sociétés à aller plus vite dans le respect des bonnes pratiques. » De fait, le premier anticorps monoclonal français est attendu avec impatience.
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