"Je ne peux pas laisser la réputation du groupe Cerba être ternie"

Cerba Healthcare est attaqué en justice par trois syndicats professionnels qui l'accusent de ne pas respecter l'indépendance des biologistes médiaux, censés détenir plus de 50% des droits de vote et du capital des laboratoires médicaux. Le géant français de l'analyse médicale prépare sa défense sur le terrain juridique. Catherine Courboillet, présidente du groupe, revient sur cette polémique, et s'exprime sur la stratégie de développement de son groupe, qui est sur le point de changer d'actionnaire. Interview.
Jean-Yves Paillé
Cerba veut continuer à se "développer à l'international, au Moyen-Orient notamment, mais aussi sur le territoire français", expose Catherine Courboillet.

LA TRIBUNE - Trois syndicats professionnels vont vous attaquer en justice et vous accusent de ne pas respecter l'indépendance des biologistes médicaux...

CATHERINE COURBOILLET - Cerba a été créé en 1967 et nous déployons l'organisation actuelle depuis 1998. Notre Groupe s'est développé dans la lumière et dans le respect total et strict des réglementations en vigueur. Nous sommes dans un secteur ultra-réglementé et ce sont nos autorités de tutelle qui valident toutes les opérations qui affectent la vie du laboratoire : son organisation, sa structure, le transfert de site... Vous ne pouvez rien faire sans être soumis à un contrôle auprès des Agences régionales de santé (ARS, NDLR). Ce ne sont pas des autorités complaisantes, elles font leur travail.

Avez-vous fait face à des blocages de ces ARS lors de vos opérations de fusions ? Celle prévue avec le laboratoire Lexobio n'est toujours pas finalisée...

Nous y avons fait face comme tous les autres laboratoires. Les ARS sont strictes. Quand elles ne comprennent pas les documents envoyés, elles demandent des compléments d'information pour pouvoir prendre leurs décisions. Il nous est arrivé de devoir en fournir. Mais aujourd'hui toutes nos opérations ont été validées par les ARS. Le dossier de Lexobio est encours et ne présente aucun problème.

Dans les documents transmis aux investisseurs, vous dites qu'il n'y a pas de contrôle sur les biologistes médicaux. Mais en même temps, vous expliquez que vous ne perdez pas totalement la main sur la stratégie...

Je ne suis pas d'accord. Dans ces documents donnés aux acteurs susceptibles de pouvoir investir et accompagner le développement du groupe, nous expliquons la réglementation, la restriction de la réglementation et l'importance pour nous d'avoir un alignement du projet professionnel et des intérêts, afin que l'ensemble des biologistes puissent travailler en toute indépendance et dans le respect de la réglementation.

Nous dissocions les droits de vote et l'apport en capital, mais cela est permis par la loi. C'est utilisé dans tous les groupes, libéraux, et avec des sponsors financiers à leur table. D'autres groupes de biologistes français utilisent le même type de gouvernance que nous.

La législation est "contraignante", d'après ce que dites dans les documents destinés aux investisseurs. Malgré cela, les investisseurs vous font confiance...

En effet, ils nous font confiance parce que nous leur présentons un projet qui est avant tout un projet professionnel. Nous les éclairons sur les caractéristiques de ce marché que nous connaissons bien et sur lequel nous opérons depuis près de 50 ans.

De leurs côtés, les investisseurs qui comptent gagner de l'argent sur le développement du groupe, diligentent des analyses stratégiques et étudient la question des contraintes réglementaires. Ils constatent la réalité du terrain et mesurent la notoriété du Groupe Cerba auprès des professionnels de santé et des autorités de tutelle.

Pourquoi autant de biologistes vous rejoignent ?

Les biologistes ne sont pas contraints de rejoindre notre groupe. Mais en effet, plus de 300 biologistes nous ont rejoints. Ils ne seraient pas venus si leur indépendance professionnelle n'était pas garantie, et si notre projet ne leur convenait pas.

Nous sommes un groupe qui porte les grands enjeux de la profession en termes d'expertise médicale, d'accréditation, car nous avons organisé les moyens qui nous permettent d'investir, d'innover, se développer dans un domaine où le législateur appelle la consolidation des marchés pour plus d'efficience, d'efficacité et d'innovation. S'associer à un groupe qui met les moyens pour se développer est quelque chose qui les séduit. Le biologiste médical veut exercer son art avec les moyens et les meilleures conditions possibles.

Vous estimez que le législateur veut encourager la consolidation. Vous n'avez pas la même interprétation de la lui que les trois syndicats plaignants. Ils jugent que celle-ci vise à empêcher la consolidation et la financiarisation du secteur...

Il faut relire les textes de loi. La loi de 1975 a régi l'exercice de la biologie médicale. Ensuite, le décret de 1990 propose une consolidation pour une efficience de système et une baisse de prix. Elle indique qu'on peut exercer sous forme de société d'exercice libéral (SEL).

Puis, l'ordonnance de 2010 a donné lieu à la loi de 2013. C'est une mise en pratique des recommandations de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales, Ndlr) disant que la profession est fragmentée, que la qualité de la biologie n'est pas garantie partout. Le rapport évoque aussi des économies d'échelle à faire dans ce secteur. L'ordonnance de 2010 a incité la profession à se consolider, mais également à garantir un service de proximité aux patients.

La consolidation est positive pour les patients et l'Etat : nos tarifs ont baissé de 20% ces sept dernières années. Si l'on veut maintenir notre modèle solidaire alors que la population vieillit, il faut garder un modèle plus efficient en maintenant un niveau de qualité pour garantir l'équilibre du système.

Vous promettez le maintien de services de proximité, mais des syndicats évoquent des fermetures de sites suite au mouvement de consolidation du secteur...

C'est totalement faux. C'est illégal de fermer des sites de façon unilatérale. Les ARS sont les seules à pouvoir donner une telle autorisation. Nous n'avons jamais fermé de site. Nous avons transféré des sites et fait en sorte qu'ils soient installés aux bons endroits où il y a le plus de personnes demandeuses de ces services.

Prévoyez-vous d'attaquer les syndicats de biologistes en justice ?

Nous allons nous défendre. Nous sommes un groupe discret, et communiquons habituellement uniquement sur nos métiers. Nous n'avons pas pour habitude de nous mettre en avant. Dans le cas présent, la situation est différente. Nous sommes assignés. Il n'était pas nécessaire que les plaignants en fassent état à la presse. Cela nous a surpris. Je m'interroge par ailleurs sur la représentativité de cette action des trois syndicats. Les adhérents sont-ils en ligne avec cette attaque ?

Nous allons donc nous défendre sur le terrain juridique et médiatique. Je ne peux pas laisser la réputation du groupe Cerba et de tous les biologistes qui font vivre le groupe être ternie.

Avec l'arrivée des fonds PSP et Partners comme nouveaux actionnaires, vous allez passer sous pavillon étranger. Qu'est-ce que cela va changer pour Cerba ?

Nous sommes une société française avec une holding en France, et fière de l'être. Aujourd'hui, les fonds d'investissement ne sont pas italiens, allemands, ils sont européens ou mondiaux. Nous avons choisi des partenaires institutionnels qui ont les moyens d'accompagner nos ambitions. Leur nationalité n'a aucune importance. Cela ne nous affecte en rien.

Nous allons continuer à nous développer à l'international, au Moyen-Orient notamment, mais aussi sur le territoire français. La phase de consolidation est loin d'être terminée en France. Les principaux acteurs représentent 30% du marché hexagonal qui atteint les 7 milliards d'euros. Dans la biologie privée, il existe une dizaine de groupes importants. Environ, 70% des sociétés sont de petite et moyenne tailles, et exercent au niveau des régions et des départements. A l'avenir, nous pourrions fusionner avec des petites sociétés, ou des plus importantes comme nous l'avons fait avec Novescia en 2015.

Vous comptez également vous développer dans la biologie médicale animale...

En termes de maîtrise technique médicale, c'est la même approche qu'en biologie humaine. L'idée de se lancer dans la biologie médicale animale est survenue fin 2015. Nous avons été freinés dans notre développement, nous démarrons. Le secteur est fragmenté, l'activité est en plein développement. Même si la profession est réglementée, nous sommes dans un secteur marchand. Les prix sont fixés librement. Notre objectif est de devenir le numéro 1 de la biologie vétérinaire en France.

On compte ensuite se développer à l'international. C'est la même stratégie que pour la biologie humaine : on étudiera toutes les opportunités pouvant se présenter. Nous nous sommes implantés dans les Emirats arabes unis, un territoire dans lequel se sont fait ressentir rapidement les besoins en biologie vétérinaire avec la forte présence de chameaux et de chevaux. Nous voulons nous implanter en Italie en biologie humaine et en biologie vétérinaire.

A combien estimez-vous le marché français ?

Le marché de ce secteur morcelé est difficile à chiffrer. Les analyses médicales sont effectuées dans les établissements vétérinaires, ou bien par des prestataires extérieurs publics ou privés. On a surtout eu la perception d'une forte attente en termes d'offres dans le secteur. Une enquête publiée dans le magazine professionnel La Semaine vétérinaire à ce sujet va dans notre sens.

Jean-Yves Paillé

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Commentaires 3
à écrit le 11/04/2017 à 21:58
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et là c'est les analyses de sang , je ne te parle pas des cliniques privées , une autre mafia , et oui sous prétexte de se protéger de la mondialisation ont concentre tout dans les mains de quelques uns ,BIENTÔT CARREFOUR OU LE LABO LECLERC . ils y ...

à écrit le 11/04/2017 à 9:04
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Difficile d'entreprendre sereinement chez les francais. Les soins veterinaires et nombre de produits a l'usage de nos amis animaux sont excellents.

à écrit le 10/04/2017 à 12:47
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Nous attendons que les biologistes de Cerba, au statut de Travailleurs Non Salariés S " 1 part à 1 euros" sans la protection du salariat nous expliquent publiquement en quoi il est mieux de travailler dans leur groupe sans perspectives d'association ...

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