Le laboratoire dijonnais Crossject, inventeur de l'injection sans aiguille, part à la conquête de l'Amérique

Le gouvernement américain vient de passer une première commande ferme de 60 millions de dollars auprès de Crossject, inventeur d’un injecteur sans aiguille, afin de protéger sa population en cas d’attaque terroriste ou d’accidents industriels.
(Crédits : crossject)

Le ministère de la santé américain via la Barda, Biomedical Advanced Research and Development Authority (l'autorité pour la R&D avancée dans le domaine biomédical) cherchait un auto-injecteur intégrant du Midazolam - un agent anti-convulsions recommandé pour le traitement des fortes crises résultant de l'épilepsie ou de l'absorption d'un agent neurotoxique - en cas d'attaque terroriste mais aussi d'un accident industriel à base de produit neurotoxique. Et cela tombe à point pour Patrick Alexandre, président du directoire de Crossject, coté en Bourse depuis 2014 : « c'est exactement le produit que nous développons pour les personnes épileptiques ». Le laboratoire Desitin Pharma, un leader de l'épilepsie en Allemagne, avait notamment signé un contrat d'exclusivité en 2019 pour une licence de distribution.

Le laboratoire situé à Dijon, est à l'origine d'une innovation baptisée « Zeneo », issue de vingt ans de R&D et protégée par plus de 400 brevets : un dispositif qui injecte le médicament en le propulsant par gaz en moins d'un dixième de seconde à travers la peau - et même un vêtement. Ce système d'injecteur sans aiguille permet de s'injecter un produit en situation d'urgence (Crise d'épilepsie, choc allergique, overdose d'opiacés, crise d'asthme sévère...) par la personne elle-même à risque ou par un tiers non professionnel de santé, en attendant l'arrivée des secours.

Sur ce marché de l'auto-injection, il existe depuis longtemps « les stylos avec aiguille » pour s'injecter de l'insuline par exemple, mais le système est fragile et pâtit de nombreux retraits. « La sécurité de notre injection vient du fait que l'injection dans le muscle au travers d'un vêtement dure moins d'un dizième de secondes. Il n'est pas possible de rater son geste », confie Patrick Alexandre. « Nous sommes les seuls au monde à proposer cette technologie », poursuit-il.

parc de manipulation

Une mise sur le marché américain accélérée

Aussi, la Barda alloue à Crossject une commande initiale de 60 millions de dollars de ZENEO Midazolam - qui allie son dispositif médical d'auto-injection et le produit pour calmer les crises résultant de d'épilepsie ou de l'absorption d'un agent neurotoxique - lui permettant d'aller jusqu'à l'autorisation de mise sur le marché par la Food and Drug Administration (FDA) qui est l'administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments - et qui autorise la commercialisation des médicaments sur le territoire des Etats-Unis -. « Comme il s'agit d'un produit demandé par une agence du gouvernement dans le cadre de la sécurité nationale, il devrait faire l'objet d'une procédure accélérée pour son enregistrement, comme pour le vaccin anti-Covid du laboratoire Moderna. Ce qui nous fera sans doute gagner une année », précise Patrick Alexandre. Habituellement, il faut entre 12 et 18 mois pour obtenir une autorisation de mise sur le marché d'un médicament aux Etats-Unis.

Le fondateur de Crossject n'est pas inquiet sur l'obtention de cette autorisation car le produit qui calme les crises d'épilepsie est le même que celui qui est reconnu sur le marché européen. Le problème vient du fournisseur qui n'est pas le même qu'aux Etats-Unis, donc même si sa composition est identique, pour des raisons purement réglementaires, il faut recommencer toute la procédure. Crossject envisage de livrer cette première commande de 800.000 unités - qui seront répartis dans des centres de stockage de sécurité sur le territoire américain - courant de l'année prochaine.

Dans un deuxième temps, la Barda dispose d'une option d'achat d'unités supplémentaires, à hauteur de 59 millions de dollars. La valeur totale du contrat - si toutes les options sont exercées (une dose réduite pour les enfants a notamment été évoquée) - s'établirait à 155 millions de dollars.

Des opportunités vers les hôpitaux américains et en Europe ?

En 2020, Bruxelles avait confirmé sa volonté de créer une nouvelle autorité européenne en matière de santé baptisée « Health Emergency Response Authority » (HERA). Celle-ci devrait être calquée sur le modèle de la Barda aux Etats-Unis. Son rôle : préparer les États membres contre de futures crises sanitaires, constituer des stocks de médicaments stratégiques mais aussi investir dans la recherche et le développement pharmaceutique. Pour l'instant, rien de concret mais Patrick Alexandre surveille de près ce potentiel marché à venir.

Ce qui est sûr c'est que du côté des Etats-Unis, le financement de ces premières solutions pour les attaques terroristes ou accident industriels par la Barda, lui ouvre des marchés futurs vers les hôpitaux américains. « La signature de ce contrat nous donne une visibilité auprès des acteurs du monde pharmaceutique et ouvre un boulevard sur nos équipes de développement », se réjouit Patrick Alexandre.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 26/06/2022 à 14:41
Signaler
Theranis bis... Je salue votre capacité d'analyse et votre curiosité afin de répondre de manière éclairée a un sujet sérieux. Le libellé de l'action est ALCJ

à écrit le 24/06/2022 à 14:30
Signaler
Theranos bis...

à écrit le 23/06/2022 à 23:02
Signaler
Bravo toussa.. c'est intéressant. Je me demandais si un usage pervers ne va pas voir le jour, le marché semble vaste: arme biologique discrète, ou policière pour calmer les fondus, la came des toxicos, les parents tyranniques, les délinquants sexuel...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.