Pourquoi le marché des génériques peine à décoller en France

Le gouvernement compte sur le développement des génériques pour réaliser des économies mais les ventes progressent lentement. En cause notamment, la frilosité des médecins et une faible diffusion de ces médicaments dans les hôpitaux, selon le cabinet d'études Xerfi.
Jean-Yves Paillé
De moins en moins de brevets tomberont dans le domaine public d'ici 2017, souligne le cabinet Xerfi, or c'est ce qui permet de créer de nouveaux de génériques.

Après des années 2012 et 2013 fastes, les ventes de génériques devraient stagner cette année. Elles atteindront les 3,3 milliards d'euros comme en 2014, prévoit le cabinet Xerfi. Et le volume de médicament vendu ne grimpera que de 4%.

Ce marché qui ne décolle pas n'est pas une bonne nouvelle pour le gouvernement. Celui-ci mise beaucoup sur les génériques pour réduire la facture de la couverture santé : 3,5 milliards d'économies espérées entre 2014 et la fin du quinquennat. Il espère que les génériques représenteront un quart du marché des médicaments français en 2017. Or en 2013, les ventes de molécules ne pesaient que 12,3% du marché français, soit 26,8 milliards d'euros.

Dans une étude publiée en septembre, le cabinet d'études Xerfi a mis le doigt sur plusieurs écueils qui rendent cet objectif bien difficile à atteindre.

  • Les médecins préfèrent prescrire des médicaments "originaux"

Xerfi évoque "une spécificité française" : les médecins (hors hôpitaux) auraient tendance à prescrire avant tout des médicaments récents qui -en général- sont toujours sous brevet, et ne sont donc pas des génériques. Un choix douteux, puisque le cabinet estime que bien souvent ces médicaments prescrits en priorités n'apportent pas "une amélioration du service médical par rapport à des molécules substituables". Or changer cela serait "le principal levier" pour "donner un second souffle au développement du marché des génériques".

A quoi est due cette frilosité des médecins ? Pour le cabinet d'études, c'est notamment "la promotion des laboratoires pharmaceutiques de médicaments sous brevets" qui est en cause. Leur lobbying est particulièrement actif. En mars, l'association Regards Citoyens avait listé les millions d'euros de cadeaux et de contrats octroyés par les laboratoires pharmaceutiques aux professionnels de santé en France. De janvier 2012 à juin 2014, ils auraient donné 244 millions d'euros par ce biais.

Les autorités de santé tentent de contrer l'action des big pharmas et encouragent depuis le 1er janvier 2015 les médecins en fixant des objectifs rémunérés de prescription de génériques. Mais "le succès reste limité", juge Xerfi, car le dispositif n'est pas contraignant.

  •  Les hôpitaux ne sont pas le moteur attendu

Si l'utilisation de génériques progresse dans le milieu hospitalier, il reste du chemin à faire. Les "copies" de médicaments ne représentent que 140 millions d'euros dans un marché de 6 milliards dans les hôpitaux, note l'ANSM en 2013, soit 2,3% des ventes. En outre, ces derniers jouent un rôle particulièrement important car les prescriptions qu'ils font sont souvent renouvelées par les médecins pour les traitements sur le long terme.

Car les établissements hospitaliers font face à plusieurs barrières, note Xerfi. Par exemple, beaucoup de médicaments qui pourraient être transformés en génériques ne le sont pas, car ils ne rapporteraient pas assez s'ils étaient commercialisés en tant que "copie".

Également, le faible nombre de génériques avec une présentation unitaire empêche leur diffusion accélérée en milieu hospitalier. "Les gélules doivent en effet présenter le nom du laboratoire, la dénomination commune internationale, la date limite d'utilisation et le numéro de lot", rappelle Xerfi.

  • Moins de nouveaux génériques sur le marché

Également un effet de conjoncture va peser sur ces médicaments "copies". De moins en moins de brevets tomberont dans le domaine public d'ici 2017, souligne le cabinet, or c'est ce qui permet de créer de nouveaux de génériques. "Le taux de pénétration des génériques a en effet aujourd'hui atteint un haut niveau et tend à plafonner", ajoute le cabinet.

  •  Le coût des génériques plus élevé que celui des médicaments originaux

Enfin, les prix de médicaments sous brevet sont parfois inférieurs aux génériques. Certains laboratoires "ont mis en place des stratégies tarifaires agressives pour limiter le développement des générique", souligne Xerfi.

La Cour des comptes dénonçait ainsi fin 2014 des "résultats trop modestes" pour "des coûts élevés" au sujet des génériques.

"Le choix du pharmacien comme acteur principal de la diffusion des génériques, a contribué à augmenter le coût de distribution des génériques du fait du cumul des incitations financières mises en place par les pouvoirs publics ou obtenues des producteurs, note-t-elle. Et ce notamment "en raison de l'importance des incitations accordées aux pharmaciens".

Jean-Yves Paillé

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Commentaires 9
à écrit le 27/09/2015 à 9:55
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La santé en France sera toujours pour la partie vitale (dépense obligatoire) financée par la solidarité nationale (CSG...). Après, le marché de la santé fait vivre l'économie française. Rembourser tous les médicaments prescrits éventuellement au del...

à écrit le 26/09/2015 à 18:34
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Il faut aussi préciser que les génériques n'ont pas forcément le même dosage en principe actif : la concentration plasmatique maximale du principe actif (Cmax), le moment où la concentration plasmatique maximale est observée (Tmax), paramètre mesur...

à écrit le 25/09/2015 à 21:59
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Quand comme moi vous aurez fait cette expérience: un médicament vous a été prescrit pour un traitement correspondant. Le pharmacien dans sa bienveillance pour piller la SECU vous le remplace par un générique bien connu en France. Vous vous trouvez le...

à écrit le 25/09/2015 à 9:51
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La molécule tombe dans le domaine public mais les excipients restent protégés, me semble. On ne peut donc, que chez le génériqueur filiale du labo originel, trouver un clone du médicament antérieur. La "formulation" joue sur l'effet du produit, la vi...

le 25/09/2015 à 18:22
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Dans un générique seul le principe actif doit être "identique", les excipients eux peuvent varier. Un générique doit avoir une biodisponibilité équivalente au produit au princeps (produit de référence). Ce qui signifie que le laboratoire peut modifie...

à écrit le 24/09/2015 à 23:37
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@ BONSOIR je vais vous faire part d'une expérience avec un générique ;Ayant de grosses brulures d'estomac 'e précise que je ne picole pas, ni ne fume ni de prends de nourriture épicées même pas du sel ou du poivre . Donc je rends du MOPRAL j'...

à écrit le 24/09/2015 à 18:38
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La raison c'est tout simplement que lorsque votre médecin vous soigne avec des génériques, il faut généralement retourner le voir 2 voir 3 fois pour le même problème avant d'être soigné, avec autant de médicaments en plus bien sur.....où est l'économ...

à écrit le 24/09/2015 à 15:53
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La fin du déficit de la Sécu ne peut en aucune façon reposer sur l'utilisation de génériques qui sont parfois plus chers que les princeps et dont une partie de l'économie réalisée est redistribuée aux pharmaciens ! De plus, les génériques ne sont q...

à écrit le 24/09/2015 à 15:09
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Utiliser des médicaments génériques, pourquoi pas, puisqu'ils sont identiques ? Des médecins en sont revenus, quand ils ont constaté des problèmes (aggravation, intolérance) chez des patients auquels on avait donné un générique; l'administration du m...

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