Crise des semi-conducteurs : le combat d'une PME alsacienne

GRAND EST. A défaut de composants disponibles, Estelec ne pourra pas honorer cette année l'intégralité de son carnet de commandes. Une situation "rageante" décrite par le patron de cette PME de 100 salariés.
Estelec prévoit de réaliser 17 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021.
Estelec prévoit de réaliser 17 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021. (Crédits : DR)

Estelec, fabricant alsacien de produits électroniques à forte valeur ajoutée, a perdu cette année toute notion de visibilité depuis l'émergence de la crise mondiale des composants. Cette PME de 100 salariés établie à Scherwiller (Bas-Rhin) fabrique des cartes, des faisceaux, des câbles destinés à divers secteurs de l'industrie, à l'appareillage médical, aux télécoms. "Nous travaillons sur des petites et moyennes séries qui nécessitent une grande variété de références de composants", explique Thierry Sublon, co-gérant de cette entreprise fondée en 1986. La crise a menacé de la mettre à l'arrêt.

"Nos productions couvrent trois classes de produits dont l'activité se poursuit de façon inégale. Pour fabriquer des PCB (ou circuits imprimés en français), nous ne rencontrons pas encore une vraie pénurie chez nos fournisseurs. Pourtant, les délais s'allongent déjà sur le cuivre et les prix ont décollé. Dans les composants électroniques, la tension est extrême sur certains composants actifs. La situation reste soutenable avec les composants passifs, les résistances, les condensateurs, les diodes", détaille Thierry Sublon. Les tarifs des composants actifs se sont envolés.

"Les tensions sont dues à l'arrêt mondial des chaînes d'approvisionnement durant la première vague du Covid, et au redémarrage brutal qui a suivi", analyse Thierry Sublon. "Le marché s'est déréglé. Nous ne retrouverons pas une situation normale avant la fin de l'année 2022". Dans un tel contexte, la trésorerie d'Estelec s'est immédiatement tendue. Le respect des budgets prévisionnels s'avère impossible. "Chaque début de mois, j'ai environ 1,5 million d'euros de commande à produire. A chaque fois, le sais que la moitié sera faite, mais l'autre moitié reste incertaine. Nous possédons un carnet de commandes qui ne pourra pas être honoré intégralement. C'est rageant pour un chef d'entreprise", témoigne Thierry Sublon. La société prévoit de réaliser 17 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021.

Des bons de commande sans prix et sans délai

Le comportement de certains fournisseurs, qu'Estelec refuse de pointer du doigt, est caractéristique d'une situation de pénurie. "Le problème, c'est la rareté du produit. Un composant qui valait deux euros s'échange aujourd'hui à 24 euros, sans négociation possible. Il nous est même arrivé de passer des commandes qui n'indiquaient ni le prix, ni le délai ! Le tarif est seulement déterminé au moment où le produit est livré", souligne Thierry Sublon. Estelec dispose alors de la faculté d'accepter ou de refuser la commande. "Quand nous hésitons, le fournisseur nous fait comprendre que d'autres acheteurs sont prêts à accepter le produit en le payant plus cher", rapporte Thierry Sublon. D'autres fournisseurs annoncent ou imposent des délais de livraison de 56 semaines.

Pour faire face à la trésorerie tendue, Estelec a souscrit un prêt garanti par l'Etat (2 millions c'euros). Lauréate de France Relance, elle va accélérer son programme de renouvellement des machines, qui sera bouclé en dix-huit mois contre trois ans prévus avant la crise. Cette modernisation s'accompagnera de 20 recrutements. La difficulté consistera à trouver des candidats pour ces emplois spécialisés dans le brasage, la soudure, la gestion de stocks. "Nous sommes prêts à les embaucher ces personnes telles qu'elles arriveront, et à les former nous-mêmes", prévient Thierry Sublon.

La nécessité de conserver un stock de processeurs, conjuguée aux difficultés de livraison, a entraîné une réflexion sur le remplacement de certains composants actifs en production. Mais l'équivalence a ses limites. "Certains composants sont des produits homologués, qui correspondent à des normes. Il est difficile, voire impossible de sourcer des produits équivalents", a observé Thierry Sublon.

Reste la carte du made in France, chère aux co-fondateurs d'Estelec, qui pourrait leur permettre d'accélérer la sortie de crise. "Nous avons conservé le pari d'assurer 100% de notre production en France, c'est devenu un positionnement très avantageux", croit savoir Thierry Sublon. "La presse a suffisamment exposé la situation de pénurie de composants. Tout le monde est au courant. On travaille main dans la main avec nos clients qui, de ce fait, acceptent que nous répercutions les hausses de prix. Ils nous transmettent leurs prévisions longtemps à l'avance, pour que toute la chaîne puisse redémarrer fin 2022".

Lire aussi 5 mnRelocaliser la production des semi-conducteurs : est-ce vraiment la bonne option ?

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Commentaire 1
à écrit le 22/10/2021 à 10:07
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Merci de dire à Adolf de la région paca de virer le trollage sous mon commentaire vu que visiblement il est déjà au pastis.

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