La crise des semi-conducteurs est plus grave qu'on ne le pensait... En début d'année, les constructeurs automobiles estimaient que le pic de cette pénurie serait atteint au deuxième trimestre 2021, avant un retour à la normale début 2022. Cette prévision semble désormais totalement caduque. C'est le cabinet IHS Market qui a, le premier, officiellement confirmé les craintes des professionnels du secteur. Alors que le cabinet tablait sur une croissance du marché automobile de 8,5% cette année -un chiffre déjà lourdement impacté par la crise des puces électroniques-, il juge désormais que la croissance ne dépassera pas les 1,6% en comparaison annuelle. Autrement dit, l'année 2021 sera à peine meilleure que l'année catastrophique 2020 marquée par la crise sanitaire, laquelle avait enregistré une baisse de 17% des ventes par rapport à 2019. Avec un objectif de 75 millions de voitures neuves en fin d'année, il manquera, selon IHS Markit, près de 10 millions de voitures...
Une facture à 210 milliards de dollars
Jeudi, c'est AlixPartners qui a révisé à son tour ses prévisions de marché. Le cabinet a estimé que l'impact des pénuries s'élèverait à 7,7 millions de voitures, contre une prévision de 3,9 millions dans sa précédente étude publiée en mai dernier. Selon AlixPartners, la crise des semi-conducteurs devrait coûter près de 210 milliards de dollars (180 milliards d'euros) à l'industrie automobile en 2021.
La reprise en V de la demande automobile fin 2020 et début 2021 avec des effets de rattrapages a créé d'importants goulets d'étranglements dans les chaînes d'approvisionnement. Toutes les matières premières ont été impactées par cette tension de la demande, mais là où les prix ont explosé sur certaines matières (acier, cuivre...), les semi-conducteurs, eux, ont dû faire face à une saturation des capacités de production et l'impossibilité de livrer les pièces. La crise s'est aggravée avec la constitution de stocks de sécurité, notamment par des industriels chinois prêts à payer jusqu'à 12 fois plus cher ces puces. Ainsi, IHS Markit a calculé que la demande équivaut à un marché d'environ 130 millions de voitures, soit un chiffre très supérieur aux projections de 90 millions de voitures à horizon 2025 attendu par la plupart des analystes dans une trajectoire hors crise sanitaire.
La Malaisie en crise jusqu'en octobre
Mais c'est une série de nouvelles vagues de confinement dans les pays producteurs qui a prolongé la pénurie de puces. La Malaisie, le Vietnam et les Philippines ont été affectées par de profondes résurgences épidémiques entre juillet et août, ralentissant d'autant la montée en cadence de la production de puces et pièces associées. La Malaisie n'a pas prévu de sortir du régime d'urgence sanitaire avant le mois d'octobre. Cet archipel concentre pourtant 13% des puces électroniques dédiées à l'industrie automobile, écrit IHS Markit.
Désormais, les industriels ne voient pas de sortie de crise avant 2023. Les constructeurs automobiles étaient parvenus à contourner le pire de cette pénurie en concentrant leur commande sur les modèles les plus hauts-de-gamme. Ils compensaient ainsi la chute des volumes en sauvant ce qu'ils pouvaient des profits. Mais cette méthode a trouvé ses limites puisque désormais, même les modèles les plus premiums sont affectés. Chez Stellantis, l'usine de Rennes La Janais qui produit deux modèles de segments supérieurs (Citroën C5 Aircross, et Peugeot 5008), a divisé sa production par deux, passant de deux à une seule équipe. Plus inquiétant, Toyota, relativement épargné jusqu'ici par cette crise, est désormais touché. Son usine près de Valenciennes a retardé sa rentrée de trois semaines, et restera fermée deux jours par semaine jusqu'en octobre, au moins...
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