"L'industrie ne peut pas se passer d'une gestion adéquate de l'environnement"

Les risques économiques liés à l'eau sont devenus un enjeu majeur pour les grandes entreprises mondiales, selon le dernier rapport de l'ONG CDP. Pour le directeur du département Environnement et Energie de Sanofi, Jean-Christophe Bligny, s’adapter à ce nouveau défi de la raréfaction de l'eau est devenu incontournable dans la gestion corporate.
68% des grandes entreprises mondiales se disent exposées aux risques liés à l'eau selon le dernier rapport de l'ONG CDP.

La consommation d'eau et son accès préoccupe les multinationales. 68% d'entre elles se disent exposées à ces risques selon le dernier rapport de l'ONG CDP, et 22% prévoient que les problèmes liés à l'eau pourraient avoir un impact sur leur développement. La rareté, la qualité et la réglementation de cette ressource naturelle sont aujourd'hui des éléments centraux dans la gouvernance d'entreprise explique à La Tribune Jean-Christophe Bligny, vice-président du département Environnement et énergie du groupe pharmaceutique Sanofi.

La Tribune : En quoi une entreprise comme Sanofi peut-elle être impactée par la raréfaction de l'eau?

Jean-Christophe Bligny : Comme toute entreprise industrielle, Sanofi a besoin d'eau sur ses sites à la fois comme ingrédient mais aussi dans le processus de production, par exemple pour le refroidissement des installations. Sa gestion est primordiale dans notre procédé industriel car nos 112 sites étant implantés dans 40 pays à travers le monde, nous devons nous adapter à des bassins versants très différents [portion de territoires délimités par des lignes de partage des eaux NDLR]. C'est une contrainte locale pour chacune de nos usines qui nous oblige à penser et établir notre stratégie en termes de territoire, sans avoir d'approche dogmatique. Au delà de cette analyse au cas par cas, nous avons identifié trois risques majeurs liés à l'eau : le risque réglementaire d'abord, c'est à dire ce qui concerne le droit d'utiliser des volumes d'eau. Ensuite un risque d'ordre opérationnel, qui peut par exemple être une rupture de la production liée à une pénurie. Et enfin le risque communautaire, puisqu'il y a forcément une interaction avec les populations locales du bassin versant. Lorsqu'une zone industrielle se développe, il faut prendre en compte les intérêts de chacun.

Comment le groupe prend-il en compte cette menace directe, rappelée par le dernier rapport du CDP?

Face à la raréfaction de l'eau [l'ONU estime que d'ici 16 ans, la demande mondiale en eau pourrait dépasser de 40% les réserves disponibles NDLR], nous nous sommes fixés l'objectif de réduire de 25% le volume d'eau prélevé d'ici 2020, sur la base des données de 2010. Grâce à des outils de mesure, nous suivons cette consommation pour chaque site de production. C'est un objectif commun qui nous pousse à mettre en place de nouveaux programmes de recyclage. En parallèle, nous menons un plan de gestion pour répertorier et avoir connaissance des ressources disponibles en eau pour chaque site industriel afin d'anticiper toute pénurie. Nous croisons les indications pour définir les lieux prioritaires, comme certaines zones au Mexique atteintes par la sécheresse. Grâce à cela, nous n'avons pas encore aujourd'hui de problèmes d'approvisionnement. Mais il faut analyser chaque situation sur le long terme et évoluer technologiquement en conséquence.

C'est une contrainte supplémentaire dans le développement du groupe...

Ce n'est pas une gestion simple, car il faut agir en même temps sur les émissions de CO2 et la réduction de la consommation d'eau. Des décisions complexes doivent être prises. Par exemple, pour refroidir une installation on utilise soit la basse température de l'eau, soit "des groupes froids" [équivalent d'un climatiseur NDLR] qui vont consommer de l'énergie. Il faut donc choisir entre économiser de l'eau en émettant du CO2, ou émettre moins mais utiliser de plus grands volumes de liquide. Si ces questions peuvent représenter un casse-tête, nous ne pouvons pas pour autant les ignorer. L'industrie ne peut pas se passer d'une gestion adéquate de l'environnement.

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