L'épineuse question de la prolongation ou non des centrales nucléaires ne divise pas que l'Europe. Le débat fait également rage aux Etats-Unis, alors que la plupart des 92 réacteurs du pays approchent de la fin de leur durée de vie initialement prévue. Mais pour le trancher, un autre argument que les retombées sur le climat de leur éventuelle fermeture doit être pris en compte, estime le MIT (Massachussetts Institute of Technology) : l'impact de ces centrales sur la qualité de l'air.
En effet, renoncer aux installations nucléaires pour les remplacer par des centrales au gaz et au charbon entraînerait 5.200 décès supplémentaires par an, affirme le célèbre institut de recherche américain dans une nouvelle étude, publiée dans la revue scientifique Nature réputée pour son indépendance. Soit plus que le trafic routier, aujourd'hui à la première place. En cause, notamment : une multiplication des particules de poussière ultrafines, néfastes pour l'environnement et la santé - contrairement au CO2, qui réchauffe l'atmosphère mais n'a pas d'effet direct sur la santé humaine. Sans surprise, le phénomène affecterait principalement les régions de la côte Est, qui concentre de nombreuses centrales nucléaires.
Si ce constat n'est pas étonnant, puisque l'on sait depuis longtemps que la combustion d'énergies fossiles libère un cocktail toxique de dioxyde de soufre, d'oxyde d'azote, de particules fines et de mercure, c'est la première fois que ces effets sont précisément chiffrés outre-Atlantique.
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Trois trajectoires étudiées
Pour parvenir à ces conclusions, les scientifiques ont mis au point un modèle simulant en continu la production des centrales électriques nécessaires afin de répondre à la demande du pays. Trois scénarios principaux ont été testés : l'un sans énergie nucléaire, l'un similaire au mix actuel (servant de référence), et l'un sans énergie nucléaire, mais intégrant également « les sources renouvelables supplémentaires qui devraient être rajoutées d'ici à 2030 ».
Les chercheurs ont ensuite combiné chaque simulation avec un modèle de chimie atmosphérique, de manière à analyser la pollution de chaque usine à travers le pays. Avant de calculer le risque de décès prématuré en fonction du degré d'exposition des populations dans 64 régions. Selon les chercheurs, dans le scénario retenant le plus de renouvelables, la qualité de l'air se dégraderait quand même, mais dans des proportions bien moins fortes, avec un total de 260 décès supplémentaires liés à la pollution chaque année.
La question du CO2
Par ailleurs, la surmortalité conséquente en cas de remplacement de l'atome civil par des fossiles s'ajouterait à celle liée au dérèglement climatique, dont les conséquences catastrophiques se voient régulièrement soulignées par le Giec (groupe d'experts intergouvernementaux sur l'évolution du climat). Or, les centrales au charbon et au gaz contribuent largement à ce phénomène, avec une empreinte respective de 1.058 grammes de CO2 par kilowattheure (kWh) et 418 grammes de CO2/kWh...contre 6 grammes de CO2/kWh pour le nucléaire, selon les données de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie).
« Le charbon contribue fortement à la pollution locale et aux changements climatiques. Il génère 44% des émissions mondiales de CO2 », rappelait d'ailleurs fin 2020 le Fonds Monétaire International (FMI).
Selon l'étude du MIT, cet afflux supplémentaire de dioxyde de carbone pourrait ainsi provoquer 160.000 décès de plus au cours du siècle, « entraînant des dommages de 11 à 180 milliards de dollars par an » - une fourchette extrêmement large, qui montre la difficulté d'appréhender les effets en cascade de la hausse des températures.
De quoi rappeler, s'il le fallait, que substituer des centrales atomiques peu émettrices de CO2 et de particules fines par des combustibles fossiles polluants et carbonés pose question, aussi bien en termes écologique qu'économique et de santé publique. C'est pourtant ce que s'apprête à faire l'Allemagne, qui débranchera ce samedi 15 avril ses 3 derniers réacteurs nucléaires (environ 3 gigawatts), sans raccorder directement au réseau la puissance équivalente en énergies renouvelables. Tout en prévoyant de presque doubler son parc de centrales à gaz d'ici à 2030, et de ne sortir du charbon qu'en 2038, 2030 « si possible ».
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