En Chine, des marchés paysans pour sensibiliser à la pollution

Impuissants face à un air de plus en plus irrespirable, effrayés par la multiplication des scandales alimentaires, les habitants des mégapoles chinoises se tournent vers le bio et le « locavorisme ». Producteurs et artisans investissent les marchés, qui deviennent des lieux de prise de conscience et d'éducation.
Giulietta Gamberini
Impuissante face aux niveaux de pollution qui ravagent la ville de Pékin, Erica Huang a décidé de s'intéresser, au moins, à la qualité de sa nourriture. Et constatant n'être pas la seule à avoir été marquée par les scandales alimentaires qui se multiplient en Chine, elle a fondé Farm to Neighbors.

Déjà présent au Japon et à Taïwan depuis des décennies, le mouvement bio et locavore (consistant à ne consommer que des denrées produites dans un rayon restreint) n'en est qu'à ses balbutiements en Chine. Mais là où il s'affirme, il prend le sens d'une réappropriation du territoire par des citadins de plus en plus ignorants des origines de leurs aliments comme de la réalité de leurs campagnes. Pour Erica Huang, fondatrice de l'un des quelques marchés paysans qui, depuis cinq ou six ans, voient le jour à Pékin, tout a commencé par des problèmes de peau. Taïwanaise installée dans la capitale chinoise, la jeune femme a vu son acné s'aggraver sérieusement et rapidement. Impuissante face aux niveaux de pollution qui ravagent la ville, elle a alors décidé de s'intéresser, du moins, à la qualité de sa nourriture. Et constatant n'être pas la seule à avoir été marquée par les scandales alimentaires qui se multiplient en Chine, elle a fondé Farm to Neighbors.

Un système de certification biaisé

Lancé il y a deux ans, ce marché local accueille tous les week-ends entre 1.000 et 2.000 personnes, attirées par quelques dizaines de producteurs et d'artisans. « La plupart viennent de la région et tous de Chine, ce qui déjà est un progrès en termes de locavorisme dans ce pays, étant donné le poids des aliments importés », précise l'entrepreneuse, de passage à Paris en octobre dernier à l'occasion du World Forum for a Responsible Economy.

Si les ventes sont réservées aux produits issus de pratiques bio, ils ne sont pas certifiés en tant que tels, « l'évaluation de l'état des sols, de l'eau et de l'air étant trop complexe à réaliser », admet Erica Huang.

« En Chine d'ailleurs, le système de certification prévu par la loi est biaisé par des standards tellement élevés qu'ils sont inatteignables par les petits producteurs et qu'ils engendrent une corruption spécifique, explique-t-elle. D'où la méfiance des consommateurs vis-à-vis des quelques aliments bio proposés par la grande distribution. »

Un lieu de consommation mais aussi de prise de conscience

Fréquenté par des expatriés comme par des Chinois, Farm to Neighbors devient ainsi, une semaine après l'autre, un lieu non seulement de consommation, mais de prise de conscience, de convivialité et de transformation.

« On explique aux clients que, certes, ils achètent un peu plus cher, et parfois des produits moins beaux que dans la grande distribution, mais qu'ils investissent ainsi dans le goût, leur santé, la lutte contre le gaspillage, le repeuplement des campagnes. Et si, aujourd'hui, le bio est encore pollué en Chine, cela peut changer, et nous voulons soutenir ce mouvement », souligne Erica Huang.

Pour cette raison, elle souhaite que les initiatives comme la sienne se multiplient à Pékin et qu'elles attirent un public de plus en plus vaste. Pourtant, malgré un intérêt croissant manifesté par le gouvernement chinois pour les questions d'environnement telles que l'alimentation, les actions comme Farm to Neighbors restent à la limite de la légalité : Erica ne peut pas promouvoir ouvertement son marché local et craint en permanence une fermeture.

Giulietta Gamberini

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