Énergie : la France veut lancer son propre projet de réacteur à fusion nucléaire

Le CEA espère décrocher une enveloppe de plusieurs dizaines de millions d'euros pour financer une étude de faisabilité d'une centrale à fusion nucléaire plus compacte que le réacteur Iter. Objectif : éviter les écueils d'ingénierie qui découlent de sa dimension XXL. Un projet national de fusion nucléaire permettrait aussi à la France d'avancer plus rapidement sur cet immense défi technologique alors que la course internationale s'intensifie.
Juliette Raynal
Vu sur un secteur de la chambre à vide du réacteur Iter. La chambre à vide sera composée de neuf secteurs de 40 degrés chacun.
Vu sur un secteur de la chambre à vide du réacteur Iter. La chambre à vide sera composée de neuf secteurs de 40 degrés chacun. (Crédits : Juliette Raynal pour La Tribune)

Les chercheurs français veulent développer leur propre projet de centrale à fusion nucléaire en parallèle de la participation de la France au projet international du réacteur Iter, dont le chantier pharaonique se poursuit à Cadarache (Bouches-du-Rhône).

Le CEA espère en effet obtenir le financement d'une étude de faisabilité d'un réacteur à fusion nucléaire. « L'idée est de travailler à la conception d'une centrale à fusion nucléaire compacte et rapide à construire à l'image de ce que font les Anglais », explique Jérôme Bucalossi, à la tête de l'Institut de recherche sur la fusion magnétique du CEA.

Contrairement à la fission nucléaire, sur laquelle repose toutes les centrales nucléaires en fonctionnement dans le monde, la fusion nucléaire ne consiste pas à casser des noyaux lourds d'uranium pour libérer de l'énergie, mais à faire fusionner deux noyaux d'hydrogènes extrêmement légers pour créer un élément plus lourd. Cette réaction, qui permet de dégager des quantités d'énergie faramineuses, est la même que celle du soleil et des étoiles.

Le seuil d'ignition pas encore atteint

Pour que ce mariage d'atomes ait lieu, il est nécessaire de rapprocher et de chauffer à 150 millions de degrés les noyaux, alors sous forme de plasma, suffisamment longtemps pour produire plus d'énergie que celle nécessaire à amorcer la réaction. Celle-ci se déroule dans une structure appelée tokamak, qui prend souvent la forme d'un donut et dont le fonctionnement repose sur des champs magnétiques très puissants permettant de confiner la matière.

Dans l'enceinte du tokamak, l'énergie générée par la fusion des noyaux atomiques est absorbée sous forme de chaleur par les parois de la chambre à vide. Tout comme les centrales nucléaires reposant sur la fission, la chaleur est utilisée pour produire de la vapeur, puis de l'électricité, grâce à des turbines et des alternateurs.

Aujourd'hui, aucune centrale nucléaire dans le monde ne fonctionne avec cette technologie. Et pour cause, le seuil d'ignition, c'est-à- dire quand la réaction produit plus d'énergie qu'il n'en a fallu pour l'initier, n'a pas encore été atteint.

Changer de paradigme et faire un réacteur plus compact

 Initié en 2006 et réunissant six pays et l'Union européenne, le projet Iter doit justement faire la démonstration de la viabilité scientifique et technique de cette solution à grande échelle. « Iter sera la plus grande installation de ce type au monde », revendique ainsi l'organisation internationale sur son site en précisant que la machine, une fois finalisée, pèsera quelque 23.000 tonnes.

Or sur le terrain, cette dimension XXL engendre un niveau de complexité sur le plan de l'ingénierie que les physiciens n'avaient pas anticipé. Ce retour d'expérience couplé à de récentes ruptures technologiques sur des matériaux supraconducteurs à haute température ont conduit à un changement de paradigme : l'objectif n'est plus de faire des machines encore plus grandes, mais, au contraire, de développer des réacteurs à fusion nucléaire plus petits, à l'image de ce qui se produit dans l'industrie de la fission nucléaire qui s'oriente désormais vers des petits réacteurs modulaires, les fameux SMR (pour small modular reactors).

C'est dans cette optique que le CEA entend soumettre sa candidature dans le cadre de la troisième vague des Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR). Ce dispositif constitue le volet amont/recherche du plan France 2030, lancé il y a un an par Emmanuel Macron pour « faire émerger dans notre pays et en Europe les champions de demain qui, dans les domaines numériques, de l'industrie verte, des biotechnologies, ou encore de l'agriculture, dessineront notre avenir ». Objectif : assurer à la France une place de premier rang dans ces domaines stratégiques pour son économie et sa souveraineté.

Décrocher un financement de plusieurs dizaines de millions d'euros

« Nous avions candidaté une première fois, mais le jury international des PEPR nous a demandé de retravailler notre projet, qui était de nature très exploratoire, sous un angle plus industriel », explique Jérôme Bucalossi. « En cas de troisième vague PEPR et selon ses contours, nous pourrions proposer un projet qui nous permette d'accélérer ces développements », précise-t-il, avec à la clef un financement de plusieurs dizaines de millions d'euros. « Dans tous les cas, nous continuons d'étudier la faisabilité d'une centrale fusion compacte d'une centaine de MW ».

Des financements accrus et la crise climatique ont donné un nouvel élan à la course pour la fusion nucléaire, même si son calendrier n'est, a priori, pas compatible avec l'atteinte de la neutralité carbone en 2050. Plusieurs pays ont ainsi lancé leur propre projet national. C'est le cas du Royaume-Uni « qui est le plus gros promoteur de la fusion nucléaire en Europe », souligne Jérôme Bucalossi. « Son programme STEP vise à développer un réacteur à fusion connecté au réseau électrique avant 2040 », précise-t-il. En parallèle, une trentaine d'acteurs privés s'attaquent aussi à cet immense défi technologique. Parmi eux, la start-up tricolore Renaissance Fusion que le CEA prévoit d'accompagner en mettant à disposition ses différentes plateformes de recherche.

Si un projet national de fusion nucléaire voyait le jour en France, il aurait l'avantage de ne pas être soumis à la gouvernance très complexe et politique d'Iter, dont les premières opérations de test sans fusion, initialement prévues en 2025, devraient démarrer avec au moins deux ans de retard.

Juliette Raynal

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Commentaires 38
à écrit le 01/11/2022 à 22:39
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On résume : on ne sait plus construire de centrale depuis les années 60. Les EPR qui étaient sensés prendre la relève sont pour le moment un cuisant échec. On n'a plus de soudeur nucléaire parce que nos clampins ont annoncé fièrement la fermeture de ...

à écrit le 30/10/2022 à 8:22
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Là, on est dans notre cœur de métier ! Notre plus grand savoir faire : projet, subvention, licorne, procédure, norme, commission, restaurant, réunion, déplacement, étude de faisabilité,farfadet, paperasse, technocratie, ect. L'action, c'est pas not...

à écrit le 27/10/2022 à 18:22
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La France a pris le mauvais chemin avec ITER...mais c'est déjà trop tard pour les réacteurs a fusion compact...les Anglais ont un TGV d'avance

le 29/10/2022 à 9:58
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ITER n'est pas un projet français mais international.

à écrit le 27/10/2022 à 18:18
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J'ai l'impression que nos autorités ont découvert un magasin de jouets et comme des enfants ils veulent plein de choses.

à écrit le 27/10/2022 à 13:41
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On a pa trop.le choix et nous devons aller vite car les ressources de petrole et de gaz s'épuisent. . Si nous ne trouvons pas une autre énergie c'est la faillite économique pour ne pas dire retour au moyen âge...

le 27/10/2022 à 15:00
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Mais vous y êtes au moyen-âge ! Vous n'avez même jamais dépassé cette obscure époque. On peut compter sur la france et les p'tits français pour fonder tête baissée dès qu'une fausse et mauvaise solution se présente : ils sont les premiers (et bien so...

à écrit le 27/10/2022 à 8:52
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Qu' ITER soit mis en route, fonctionne durablement et soit rentable et on verra plus tard s'il faut créer un nouveau prototype sur le même principe. En attendant que les "chercheurs" cherchent des financements qui ne soient pas ceux de l'état. Access...

le 27/10/2022 à 13:02
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Que les CAFistes, RSAistes et les associations aussi cherchent des financements qui ne soient pas ceux de l'état

à écrit le 26/10/2022 à 21:58
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Vous êtes un excellent exemple de "franchouillardise" : en effet, la caractéristique principale des franchouillards, c'est qu'ils tapent sur la France comme des malades. Pour eux, tout absolument tout est mieux "ailleurs". La dépréciation de soi- mêm...

le 27/10/2022 à 13:27
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"pas si mal que ça", veut surtout dire "pas si bien que ça". Mais bon : de la part d'une population qui privilégie la médiocrité et le nivellement par le bas, faut-il s'étonner de cette autosatisfaction totalement injustifiée et bien mal placée. ? Le...

à écrit le 26/10/2022 à 19:02
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La France en a les moyens?

le 27/10/2022 à 9:06
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Elle a bien les moyens pour distribuer des milliards aux fraudeurs sociaux.

le 27/10/2022 à 10:56
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On a pas les moyens de payer les avantages des ministres et présidents en ou hors mandat... Ca semble pas un souci on réduira les APL de 5 euros pour continuer a dépenser de l'argent qu'on a pas et que les gouvernants continuent de dépenser a outranc...

à écrit le 26/10/2022 à 18:31
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Les scientologues français toujours plus avides de capitaux... J'avais cru comprendre que la France était en faillite avec l'explosion des intérêts de sa dette et que l'UERSS devait être sa planche de salut afin de mutualiser les dépenses de rec...

le 26/10/2022 à 23:31
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Et ben vous n aviez rien compris …

le 27/10/2022 à 13:32
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Mais Non. La France peut financer ! Il suffit de faire tourner la planche à billet.ou d'augmenter la dette. C'ést ce que l'on toujours fait. .. bon çela genere de l'inflation mais on restera largement au dessous de l'inflation de l'argentine ou...

à écrit le 26/10/2022 à 17:57
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Quand on vois le fiasco politico économique des EPR en service (l'entretient devrai être à la charge d'EDF, en réalité ce sont les français qui payent grassement le statut "particulier" d'EDF...) de celui en cours de fabrication (depuis 15 ans, sans ...

à écrit le 26/10/2022 à 17:03
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C'est évidemment nécessaire et les investissement envisagés seront tjrs dérisoires face aux montants des fraudes sociales. La seule façon d'apprendre est de faire. Il faut donc faire et sans doute se tromper et recommencer en apprenant de nos erreur...

le 27/10/2022 à 13:35
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Oui l'assistanat, c'est déplacer le problème . Et l'addition peut être plus amère..

à écrit le 26/10/2022 à 16:49
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L'avantage de la fusion, c'est que personne ne s'attend à ce qu'elle aboutisse à un objet fonctionnel avant longtemps, malgré les promesses de quelques patrons de startups. Du coup, les financements peuvent courir sur des décennies sans remise en cau...

à écrit le 26/10/2022 à 16:11
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"Au niveau individuel, nous avons de très fortes compétences". Laissez-moi rire ! De quelles compétences parlez-vous et par rapport à quoi et à qui ? Est-ce un hasard si aucune marque automobile française ne se retrouve dans le top 12 européen et amé...

le 26/10/2022 à 17:05
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Vous avez tout dit (ou presque) et bien résumé les choses. A force de se contempler un nombril sans le moindre intérêt, les français croisent qu'ils ont l'une ou l'autre compétence simplement du fait qu'ils ne sont pas assez curieux (ou intelligents,...

le 26/10/2022 à 18:03
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C'est justement parce que actuellement nous sommes plus mauvais que les autres que nous devons faire plus d'efforts que les autres, et la seule façon de s'améliorer est d'apprendre en faisant. Donc votre diagnostic est un argument de plus pour faire ...

le 27/10/2022 à 15:04
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quand vos tâtonnements et vos apprentissages, quand vos erreurs atomiques vous auront pété à la figure, ce qui ne manquera bien sûr pas d'arriver, vous aurez un autre discours. Que tout cela vous pète au nez n'est pas grave si la pollution atomique s...

à écrit le 26/10/2022 à 16:09
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Super, il ne reste plus qu'à trouver des soudeurs.

à écrit le 26/10/2022 à 15:52
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Propre pojet mais pas franco-allemand ou allemano-franc olalala mais c'est quelque chose de nouveaux ça.

à écrit le 26/10/2022 à 15:50
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On persiste dans l'erreur. Après le fiasco de l'EPR, on va se lancer dans une nouvelle filière aussi peu rentable que l'hydrogène . On avait d'excellents réacteurs qui 50 ans après n'ont pas fait défaut ,et on s'est lancé sur cet EPR impossible à fin...

le 27/10/2022 à 5:46
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D'excellent reacteurs, certes, mais americains, Westinghouse, ca vous parle ?

le 27/10/2022 à 13:15
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Vous êtes trop sévère: bien sûr les dépassements de budgets sont problématiques (mais il faut prendre en considération les nouvelles exigences techniques post Fukushima). Mais in fine, on va mettre 100 milliards sur la table pour reconstruire notre p...

à écrit le 26/10/2022 à 15:50
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C'est surtout qu'Iter n'est rien d'autre qu'un Tokamak, une ancienne technologie qui ne produira jamais d'électricité à cause des instabilités insolvables. Regarder plutôt du coté de la Z Machine, et notamment la Refurbished, et l'équivalent Russe.

à écrit le 26/10/2022 à 13:50
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quand on voit que les français sont tellement incompétents - en matière atomique AUSSI - qu'ils ne sont pas fichues d'entretenir leurs centrales atomiques brinquebalantes, qu'ils ne sont pas foutus de construire et epr et qu'ils sont totalement incap...

le 26/10/2022 à 14:21
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Au niveau individuel, sur le terrain, nous avons de très fortes compétences dans tous les domaines que vous citez. Le problème vient des décideurs qui, la plupart du temps, sont vendus à des puissances étrangères. Le scandale des turbines d'Alstom es...

le 26/10/2022 à 15:58
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c'ets un peu facile, voire un peu lâche, de toujours rejeter les fautes sur les "dédcdeurs", notamment sur les "décideurs (si peu, si peu...) politiques que vous élisez. Les compétences ne sont pas le fait des décideurs, mais de chaque personne. A ch...

le 26/10/2022 à 16:00
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c'ets un peu facile, voire un peu lâche, de toujours rejeter les fautes sur les "dédcdeurs", notamment sur les "décideurs (si peu, si peu...) politiques que vous élisez. Les compétences ne sont pas le fait des décideurs, mais de chaque personne. A ch...

le 26/10/2022 à 16:18
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Oh le vilain TROLL !!!!

à écrit le 26/10/2022 à 13:25
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C'est donc un aveu d'échec d'Iter qui est trop grand ...

le 26/10/2022 à 13:59
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ça dépend, on parle bien de SMR en complément des EPR, une sorte de délocalisation de la production d'énergie, gros ici, petit là... Vu les pertes en ligne (résistance des fils, même sous 450kV) c'est mieux de produire à distance modérée (maillage). ...

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