Les énergies renouvelables, « ce n'est pas une question d'argent, mais une question de trouver des projets. Il faut trouver l'espace et il faut beaucoup d'équipes », a lancé Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, devant les députés de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, qui se réunissaient ce mercredi 9 novembre.
L'homme, aux manettes du groupe depuis près de huit ans et devenu une figure publique très clivante, fait l'objet de nombreuses critiques sur sa stratégie climatique et environnementale. Alors que la 27e conférence mondiale sur le climat se tient actuellement en Egypte, la major pétro-gazière est notamment accusée par l'ONG Greenpeace de sous-évaluer son bilan carbone. « Nous irons devant les tribunaux. Ce sont des mensonges qui atteignent notre réputation et qui sont graves pour une société cotée », a indiqué Patrick Pouyanné, visiblement très agacé. La multinationale est aussi décriée pour son vaste projet pétrolier en Ouganda et Tanzanie.
Accusé de ne pas investir davantage dans les énergies renouvelables (en 2022, TotalEnergies a investi 4 milliards de dollars dans les énergies propres, mais a aussi versé quelque 17 milliards d'euros à ses actionnaires), le dirigeant a répondu que « ce n'est pas l'argent qui nous limite, mais notre capacité à trouver les projets, à les faire, et les développer ».
Bientôt 6 milliards de dollars dans les énergies propres
« Nous sommes passés de 1 à 4 milliards de dollars [d'investissements annuels dans les énergies décarbonées, ndlr] en trois ans. (...) Quel groupe français investit plus que nous dans les énergies renouvelables ? 4 milliards en une année, nous faisons partie des cinq plus gros investisseurs au monde dans les énergies renouvelables. Ce n'est pas les milliards [qui manquent, ndlr], mais les hommes et les femmes que nous avons besoin de recruter et de former », a-t-il assuré.
10% des effectifs du groupe, soit 10.000 personnes, travaillent aujourd'hui dans ce secteur. Le groupe français revendique 16 gigawatts (GW) de capacités installées à la fin de l'année et vise les 22 GW pour 2023. Ses investissements annuels devraient rapidement grimper à 6 milliards de dollars. TotalEnergies estime, par ailleurs, que l'électricité représentera 20% de sa production d'énergie en 2030, puis 50% en 2050. La multinationale s'est fixée pour objectif d'être dans le top 5 des producteurs d'énergies renouvelables en 2030 avec une centaine de gigawatts de capacité installée.
Pour atteindre cette cible, TotalEnergies a largement investi aux Etats-Unis où il affirme être devenu « le numéro 5 américain des renouvelables ». Sur ce terrain, le groupe a également investi en Inde et, la semaine dernière, a pris une participation significative dans un développeur éolien brésilien. Concernant le volet hydrogène vert, Patrick Pouyanné a indiqué prendre des positions au Chili et en Mauritanie.
Encore 12 milliards de dollars dans les énergies fossiles
Malgré ces investissements colossaux et incontestables sur le terrain des énergies propres, la multinationale continue d'investir 12 milliards de dollars par an dans les hydrocarbures. Dans le détail, l'entreprise investit 7 milliards de dollars pour maintenir ses infrastructures existantes et 5 milliards dans de nouveaux projets et notamment dans le Gaz naturel liquéfié (GNL). Malgré ces investissements, TotalEnergies explique ne pas augmenter sa production de pétrole, mais simplement la maintenir pour répondre à une demande qui ne diminue pas. « Nous avons décidé d'une stratégie : maintenir la production de pétrole et ne plus la faire croître », souligne le patron.
Reste que dans un rapport très remarqué publié au printemps 2021, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) avait appelé à l'arrêt de tous nouveaux investissements dans de nouvelles installations pétrolières et gazières (hormis les projets qui ont déjà été approuvés) afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Pour l'AIE, cet appel avait constitué un changement de doctrine radical, après avoir soutenu pendant des années l'industrie des hydrocarbures.
Le rapport de l'AIE n'est « pas une bible »
Interrogé sur ce point par la députée de la Somme Barbara Pompili, par ailleurs ex-ministre de la Transition écologique, Patrick Pouyanné a affirmé qu'à « ce stade, il n'y avait pas de nouveaux projets, qui n'étaient pas déjà lancés en 2021 ». Pour autant, le patron n'adhère pas du tout au revirement brutal de l'AIE.
« Je suis en désaccord avec le scénario de l'AIE, qui est faux. Celui-ci se base sur une trajectoire de baisse de la demande de pétrole de 4% par an. Or la demande ne baisse pas de 4% par an. Nous ne nous inscrivons pas dans le scénario de l'AIE. Ce n'est pas une bible. Le rapport du Giec recense 70 trajectoires différentes pour atteindre la neutralité carbone et on a décidé d'en prendre une seule qui est linéaire et décroissante, mais la planète n'est pas linéaire », a-t-il fustigé.
Maintien d'un contrat russe pour le « bien-être » de l'Europe
Si TotalEnergies ne prévoit pas de croître dans le pétrole, la compagnie entend, en revanche, accélérer dans le gaz et plus particulièrement dans le GNL, secteur dans lequel la major revendique la troisième place mondiale. Or, le gaz naturel reste une énergie fossile émettrice de carbone. « 95% de nos clients qui achètent du GNL c'est pour substituer du gaz au charbon pour produire de l'électricité. Une centrale à gaz émet deux fois moins qu'une centrale au charbon », défend Patrick Pouyanné, pour qui le gaz constitue « une énergie de transition » et « un apport positif » pour « les 20 prochaines années ».
Il a, par ailleurs, défendu le maintien du contrat de GNL conclu par son groupe avec la Russie, affirmant qu'il servait avant tout au « bien-être » des Européens. Ce contrat est « uniquement justifié par la responsabilité d'amener du GNL en Europe », a-t-il souligné.
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