Certains voudraient les voir disparaître, quand d'autres misent sur leur déploiement à plus grande échelle pour se diriger vers un monde bas carbone. Les énergies renouvelables (ENR), et plus particulièrement les éoliennes, divisent les candidats à la présidentielle. Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon y sont favorables. Tandis qu'Eric Zemmour, Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan et Jean Lassale voudraient tout bonnement interrompre l'intégralité des projets de construction.
Passé ce net clivage politique, les experts en la matière sont catégoriques: les infrastructures de la transition énergétique sont indispensables à l'atteinte des objectifs climatiques que s'est fixée la France dans le cadre de sa Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Et, selon RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité haute tension dans l'Hexagone, un moratoire sur les renouvelables mènerait tout simplement la France à "manquer d'électricité bas carbone pour couvrir les besoins au-delà de l'horizon 2030-2035".
A l'urgence climatique, s'ajoute aujourd'hui l'impérieuse nécessité de bâtir notre souveraineté énergétique à l'heure où la guerre en Ukraine met en lumière des économies accros aux énergies fossiles importées. Alors, comment améliorer l'acceptabilité des infrastructures de la transition énergétique, indispensable à leur déploiement ? C'est la question sur laquelle s'est penchée la commission environnement du Conseil économique, social et environnemental (Cese). L'instance avait été saisie en septembre 2021 par le Premier ministre Jean Castex. Elle a rendu son avis le 23 mars dernier.
Des infrastructures XXL vs des énergies fossiles invisibles
L'exercice est épineux car les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, souvent implantés en zones rurales en raison de leur faible densité de population, posent d'importants conflits d'usage du sol et de l'espace et rencontrent, quelquefois, de vives résistances des riverains, qui peuvent subir de réelles nuisances.
Parfois idéalisées dans l'imaginaire collectif, il faut rappeler que les ENR ont de véritables caractéristiques industrielles, de par leur taille (le mât d'une éolienne peut mesurer 200 mètres de haut), leur nombre (certains parcs éoliens en comptent jusqu'à 70), leur emprise foncière (parfois des centaines d'hectares pour les plus grandes centrales solaires). Sans compter le trafic incessant des camions lors des phases de chantier ou pour alimenter les méthaniseurs.
La méfiance à l'égard de ces nouvelles infrastructures est d'autant plus vive que le modèle de consommation intensive des énergies fossiles a posé, pendant des années, un grand voile sur nos yeux.
« La grande majorité de l'énergie consommée dans notre pays est toujours quasiment invisible et immatérielle », a rappelé ainsi en début de séance, Thierry Beaudet, le président du Cese. « Qui, dans nos contrées et de nos jours, voit un oléoduc, une mine de charbon, un puits de pétrole? », a-t-il interrogé.
Un nouveau contrat social territorial
Au contraire, l'adoption des énergies renouvelables implique, elle, un ancrage local et est synonyme de "visibilité", a-t-il souligné. Selon lui, "l'acceptabilité suppose bien plus qu'une réorientation industrielle". Elle nécessite "un nouveau contrat social entre les plus riches (qui émettent trop de GES) et les plus pauvres (qui, malgré eux, sont déjà au niveau requis); entre les urbains et les ruraux, dont l'exposition aux nuisances est très différente; entre les jeunes générations, alertées sur les questions climatiques, et les plus anciennes, qui ont du mal à comprendre l'ampleur des changements nécessaires".
Très concrètement, les deux co-rapporteurs, Claire Bordenave (groupe CGT) et Nicolas Richard (groupe environnement et nature) préconisent de clarifier, dans la feuille de route énergétique de la France (la PPE dans le jargon bureaucratique), la contribution des territoires aux objectifs de la stratégie nationale bas carbone. Ils estiment également que les nouveaux déséquilibres entre territoires, induits par le développement des renouvelables dans des zones peu denses, devraient faire l'objet de contrat de réciprocité. Objectif : garantir un partage équitable des efforts et des retombées.
Un grand débat public national, un État stratège...
Le Cese recommande par ailleurs de "planifier davantage le développement des renouvelables en amplifiant le rôle de stratège et planificateur de l'Etat". Cette planification doit être pilotable et ensuite être déclinée par les régions, puis par les collectivités en prenant en compte les spécificités des territoires. L'objectif est d'éviter un déploiement des infrastructures au coup par coup au gré d'opportunités privées. L'instance préconise aussi d'organiser un grand débat public national, "en abordant concrètement le récit global de la transition énergétique et les évolutions possibles des modes de vie".
Les rapporteurs prônent également la mise en place de concertations volontaires énergie-climat-paysage afin de permettre aux parties prenantes du territoire d'orienter leurs choix entre les possibilités des renouvelables et les efforts de sobriété. Le Cese insiste aussi sur la nécessité de systématiser les concertations au préalable de chaque projet d'infrastructure, "quand aucun processus n'est imposé par le code de l'environnement".
... et un médiateur de l'éolien
"C'est le défaut de concertation qui crispe les riverains et entraîne des contentieux à rallonge. La concertation permet de gagner du temps sur l'aval", soulignent les co-rapporteurs. "Le processus de décision est déterminant pour rétablir la confiance. Il l'est autant que la décision elle-même", ajoutent-ils.
L'instance demande, enfin, la création d'un médiateur de l'éolien, inspiré des médiateurs de la consommation. Autant de pistes qui doivent permettre de cheminer vers une adhésion forte de la population, sans laquelle la transition ne pourra se faire.
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