Le chantier en met plein les yeux. Pour un peu, il volerait la vedette aux méga porte-conteneurs qui accostent à quelques encablures de là et auxquels il n'a rien à envier en termes de gigantisme. Bienvenue sur le quai de Bougainville au Havre, où un consortium européen emmené par Bouygues construit des cônes de béton quasi pharaoniques : les fondations gravitaires des 71 futures éoliennes du parc offshore de Fécamp.
Ces cônes culmineront à une cinquantaine de mètres de haut pour un poids unitaire de 5.000 tonnes - autant que la tour Eiffel - et un diamètre à la base de 31 mètres. Chacun sera surmonté d'une sorte de bague en métal, top ring dans le jargon, qui enserrera le mât de l'éolienne et abritera les équipements électriques nécessaires à l'exportation de sa production.
Un choix inédit
C'est la première fois au monde que l'option gravitaire plus complexe et plus onéreuse est choisie par un exploitant - ici en l'occurrence EDF Renouvelables - pour un parc de cette taille et à cette profondeur (environ 30 mètres). L'immense majorité des éoliennes marines sont, en effet, supportées par des fondations en acier de type Jacket (une tour treillis) ou monopieu (une colonne), lesquelles nécessitent des forages. « À Fécamp, c'est la nature du sous-sol composé de craie et de silex qui nous a poussés à opter pour des embases à poser sur le fond marin », explique Bertrand Allanic, directeur du projet.
Malgré la pandémie, le calendrier n'a pas dérapé. Lancé il y a un peu plus d'un an, le chantier havrais où s'affairent quotidiennement 600 techniciens et ingénieurs (jusqu'à 1.000 en période de pointe) doit s'achever l'été prochain. Les 71 embases coniques seront ensuite acheminées trois par trois sur des barges puis ballastées et immergées par le groupe italien Saipem, spécialiste des recherches pétrolières. Elles reposeront sur un lit de gravier aménagé au préalable par le hollandais Boskalis, troisième membre du consortium.
Leurs impacts sur les activités de pêche devraient être « plutôt bénéfiques » à écouter les représentants d'EDF. « Outre le bruit moindre lors de leur installation, nous avons constaté un effet récif au pied du mât de mesure installé depuis 2015 qui est équipé du même type de fondations », assure Bertrand Allanic. Un homard et plusieurs espèces de poissons auraient été observés dans ses anfractuosités.
Rendez-vous en 2023
Quant aux éoliennes proprement dites, elles seront fabriquées dans la future usine Siemens Gamesa du Havre dont la mise en service est programmée dans les prochaines semaines. Après avoir été pré-assemblées dans le port de Cherbourg, elles rejoindront leurs fondations dans le courant de l'été 2023, leur raccordement au réseau devant intervenir au deuxième semestre de la même année. Date à partir de laquelle le parc fournira l'équivalent de la consommation domestique de 770.000 foyers.
En attendant, les pro-éoliens fécampois rêvent déjà à l'implantation d'un second parc au voisinage du premier. Cela n'a rien d'hypothétique. Rappelons que cette zone très venteuse faisait partie de celles envisagées par l'État pour l'installation du neuvième parc français. Finalement écartée au profit de celle du Centre Manche (au large de Barfleur), elle pourrait revenir dans le jeu si la promesse d'Emmanuel Macron de construire cinquante parcs éoliens marins d'ici 2050 est tenue.
Sur la base de maintenance flambant neuve, qui vient d'être inaugurée sur le port de Fécamp, on ne demanderait pas mieux.
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