Grève dans les raffineries : pas de pénurie dans les stations service mais une inquiétude qui demeure

Les grèves se multiplient dans les raffineries françaises où la CGT réclame une revalorisation salariale. Elles touchent notamment le site le plus important de l'Hexagone en Normandie. De quoi faire planer l'inquiétude d'une pénurie de carburant à la pompe. Un risque qui n'est toutefois pas d'actualité, mais qui préoccupe du côté des stations-service si les mouvements sociaux venaient à durer.
Coline Vazquez

L'inquiétude monte à la pompe. Depuis le 27 septembre, des mouvements de grève touchent plusieurs des sept raffineries de France métropolitaine, soit près de la moitié de la capacité française, selon l'Ufip, le Syndicat professionnel des pétroliers.

Si certains ont d'ores et déjà pris fin comme au sein de celles de Donges (Loire-Atlantique) et de la bio-raffinerie de Grandpuits (Seine-et-Marne), le débrayage se poursuivait ce lundi sur le site de TotalEnergies de Normandie, près du Havre. Représentant 22% des capacités de raffinage du territoire, il était « à l'arrêt », selon la CGT qui réclame notamment un « rattrapage salarial » à hauteur de 10% pour l'année 2022, pour compenser l'inflation.

TotalEnergies et le syndicat s'opposent toutefois sur le nombre de raffineries « en grève ». Car, si le groupe pétrolier assure qu'une seule de ses trois raffineries est concernée, celle de Normandie, la CGT indiquait, que le mouvement touchait également la raffinerie de Feyzin (Rhône) où « aucune goutte de produits pétroliers ne sort », d'après Pedro Afonso, élu CGT à Feyzin, ce que réfute TotalEnergies, en raison selon lui d'un faible nombre de grévistes. Autre site à être touché selon la CGT, la plateforme de stockage et de « bio-raffinerie » de TotalEnergies à La Mède (Bouches-du-Rhône). Esso-Exxonmobil fait lui aussi face à des mouvements sociaux au sein de ses raffineries de Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Maritime) et de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), a assuré la CGT. « Au début on était parti sur 72 heures reconductibles. Nous sommes actuellement à sept jours de grève. Les stratégies sont différentes en fonction des sites, mais le mouvement est parti pour durer », assure à La Tribune, Benjamin Tange, délégué syndical CGT raffinage pétrochimie, insistant sur « l'urgence pour la direction de Total d'ouvrir la négociation sur les revendications que portent les grévistes ».

Faut-il alors s'inquiéter d'une pénurie de carburant à la pompe ? « Il y a des inquiétudes, car une grosse partie de notre gagne-pain est le carburant, admet Francis Pousse, président national de la branche distributeurs carburants et énergies nouvelles au syndicat Mobilians, mais à l'heure actuelle, il n'y a pas de problème majeur à l'échelle nationalebien qu'il y ait, épisodiquement, quelques stations en difficulté dans des régions ou des agglomérations ». Frédéric Plan, directeur général de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffages (FF3C) qui représente notamment les stations-services indépendantes, confirme ces difficultés qui concernent particulièrement les stations qui « dépendent de raffineries enclavées comme le Grand Est, la région Auvergne-Rhône-Alpes. La zone nord est, elle aussi, concernée même si les stations situées sur la façade maritime s'en sortent un peu mieux, car elles bénéficient d'importations par bateaux ».

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Importer et stocker

L'une des solutions avancées par TotalEnergies pour rassurer quant à l'approvisionnement des stations-service est, en effet, l'importation de carburant venu de l'étranger. « Malgré le mouvement social à la plateforme de Normandie (...) il n'y a pas de manque de carburants, car TotalEnergies a constitué des stocks et procède actuellement à des imports réguliers », a, ainsi, déclaré un porte-parole du TotalEnergies à l'AFP, ce lundi. « Depuis le début de la grève, chaque raffinerie a opéré une accélération de ses importations de carburant », confirme Olivier Gantois, président de l'Ufip. Ce qui n'a présenté aucune difficulté, selon lui, car « la France a déjà un flux d'importations régulier notamment en gasoil. On a donc pu rapidement augmenter les cargaisons », conclut-il. Une solution confortable tant que les prix n'augmentent pas. Or, l'instabilité de la situation géopolitique a installé une certaine volatilité des tarifs de l'énergie avec en tête ceux du gaz et de l'électricité, mais ceux du pétrole ont également connu de grandes variations passant de 120 dollars le baril en juillet à environ 80 en septembre. Ils ont d'ailleurs de nouveau grimpé de 3%, lundi, en prévision d'une possible réduction de la production de l'Opep+ qui se réunira à Vienne le 5 octobre.

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La France dispose, en outre, de stocks stratégiques correspondants à 90 jours d'importations journalières moyennes de produits pétroliers « permettant de surmonter une rupture momentanée d'approvisionnement », et ce, afin de répondre aux exigences internationales de l'Union européenne et de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), explique le ministère de l'EcologieUne réserve qui n'a toutefois pas vocation à être utilisée dans le cas d'une pénurie causée par des mouvements de grève dans les raffineries, mais plutôt dans le cadre d'urgences internationales, comme la guerre en Ukraine. « Il y a également des stocks opérationnels qui sont à disposition et qui sont réalisés par tous les opérateurs pétroliers des terminaux d'importation aux raffineries en passant par les terminaux secondaires... », rappelle Olivier Gantois.

Malgré ces alternatives, pour Frédéric Plan de la FF3C, « l'urgence, c'est le déblocage du conflit social ». « Sinon, nous allons vers des situations sérieuses », conclut-il tout en restant prudent afin de ne pas se montrer trop alarmiste. Inquiéter inutilement le consommateur reviendrait en effet à provoquer des ruées dans les stations-service et provoquer d'importantes pénuries qui n'existent actuellement pas.

Un contexte déjà sensible

Néanmoins, les grèves que connaissent les raffineries françaises s'ajoutent à un contexte sur lequel planait déjà des risques de tensions. « Depuis 2022, le marché pétrolier est approvisionné comme il faut, mais sans plus. Il n'y a pas d'excédent, en particulier sur le gasoil », témoigne Frédéric Plan.

Du fait de la guerre en Ukraine et des mesures prises par l'Union européenne pour sanctionner Moscou, les importations de pétrole russe se réduisent. La ristourne sur le carburant mise en place par le gouvernement, rehaussée à 30 centimes en septembre, à laquelle s'ajoute celle instaurée par TotalEnergies de 20 centimes a, en outre, incité les détenteurs d'un véhicule à faire davantage le plein. « Cela a changé les habitudes, les réservoirs des automobilistes, qu'ils soient particuliers ou professionnels, sont plus remplis que d'habitude ce qui provoque également une tension », note Frédéric Plan qui précise qu'au-delà de la consommation domestique, les professionnels comme ceux du BTP ou de l'agriculture rencontrent eux aussi des problèmes pour se faire livrer en carburant dans les régions où la situation est la plus tendue. Selon lui, « les grèves en raffinerie qui bloquent les approvisionnements des stations-service surviennent donc à un moment où il n'y a pas de marge de sécurité conduisant non seulement à des inquiétudes, mais aussi au constat de difficultés d'approvisionnement en gasoil avec une possibilité qu'elles s'étendent à l'essence assez rapidement ». De quoi rappeler les mauvais souvenirs de l'automne 2010, ses pompes à essence désespérément vides et des raffineries bloquées par des grévistes luttant contre la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy.

Coline Vazquez

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Commentaires 2
à écrit le 12/10/2022 à 14:48
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Quand cesserez-vous de croire les medias mainstream qui cherchent à retourner l’opinion publique contre les grévistes ? Ils ne font qu’interroger des automobilistes, dont on comprend l’agacement et dont on partage les difficultés qui nous touchent au...

à écrit le 05/10/2022 à 6:36
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Les profiteurs "syndicaux" habituels sont à l'œuvre... Tant que personne ne s'oppose à eux, ils auraient tort de s'en priver.

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