« La lutte contre le réchauffement climatique est enthousiasmante et économiquement rentable » (Bertrand Piccard)

Grand défenseur d'une croissance qualitative dans le respect de la nature, l'explorateur Bertrand Piccard affirme ses convictions au travers d'ouvrages, conférences et rencontres avec les décideurs. Objectif : moderniser le cadre législatif pour réaliser la transition énergétique dans les temps. (Cet article est issu de T La Revue n°13 - "Energies, la France qui innove" actuellement en kiosque).
Valérie Abrial
(Crédits : Denis Allard/Leextra pour La Tribune)

Psychiatre et explorateur suisse, Bertrand Piccard aime relever les défis, et non des moindres. En 1999, il réalise le premier tour du monde en ballon sans escale. Dix-sept ans plus tard, il réussit le premier tour du monde en avion solaire. Prouvant symboliquement à la face du monde, et surtout à ceux qui le gouvernent, que des solutions pour décarboner la planète existent. C'est le début d'un engagement sans faille à parcourir le globe pour dénicher inventeurs et autres startuppers qui œuvrent pour la lutte contre le réchauffement climatique. C'est aussi le début d'une campagne internationale à démontrer que les possibilités énergétiques sont nombreuses. Et depuis, il le prouve avec sa fondation Solar Impulse, qui répertorie plus de 1 000 solutions efficientes et rentables pour l'environnement. Rentables aussi pour l'économie. Car Bertrand Piccard en est convaincu : ces solutions écologiques sont créatrices d'emplois et de profits. Selon lui, une croissance qualitative dans le respect de la nature est non seulement possible, mais est plus que jamais la voie de l'avenir. Il l'expliquait déjà clairement dans son ouvrage Réaliste, soyons logiques autant qu'écologiques, paru en 2021 chez Stock. Il le martèle depuis haut et fort auprès des décideurs politiques et économiques avec son dernier guide : Prêt à voter - 50 recommandations de loi pour l'environnement. Car la transition énergétique ne pourra être réalisée dans les temps qu'à condition de moderniser le cadre législatif et réglementaire. Rencontre.

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L'énergie est partout, elle nous permet de nous déplacer, de nous chauffer, de nous nourrir... L'énergie nous est donc indispensable. Comment, dans un contexte qui engage à la sobriété, peut-on la consommer autrement ? Est-il possible d'éviter la décroissance ?

Bertrand Piccard Si l'on parle de décroissance sans dire ce qui doit décroître et ce qui doit croître, c'est un vaste malentendu qui fait que l'on n'avancera pas. Il est évident que nous devons décroître la pollution, l'inefficience, le gaspillage, la démesure. Mais le fonctionnement économique, lui, doit croître. Ne serait-ce que parce qu'il y a de plus en plus d'habitants sur Terre et parce que la seule manière de redistribuer de l'argent à l'éducation, à la santé, à l'aide sociale, à la sécurité sociale, aux caisses de retraite, c'est d'avoir une croissance économique. Aujourd'hui, il est urgent de découpler la croissance économique de la quantité de production pour pouvoir coupler ce développement économique à la qualité de l'efficience. La qualité de l'efficience c'est quand on obtient un meilleur résultat avec une consommation plus faible d'énergie et de ressources. Ce modèle-là est rentable. En arrêtant de gaspiller, chacun dégagera une marge bénéficiaire supérieure qui lui permettra d'investir dans des solutions ; cela permettra d'augmenter le pouvoir d'achat des gens les plus démunis, car lorsque la facture énergétique, ou la facture d'eau, est moins élevée, eh bien, il reste plus d'argent pour la qualité de vie. Donc, c'est du gagnant-gagnant !

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La société de consommation est aujourd'hui considérée par beaucoup comme une société de gaspillage, un modèle qui serait en grande partie responsable de la crise énergétique et climatique. Dans ces conditions, en changer devient urgent. Et pour inciter au changement, les écobénéfices à la transition sont de plus en plus évoqués. Comment peut-on faire pour accélérer la transition énergétique ?

B.P. En fait, quand l'action climatique consiste à mettre les problèmes sur la table, eh bien cela ne nous permet pas d'avancer parce que tout le monde croit qu'en s'attaquant aux problèmes cela va être préjudiciable à notre confort, à notre mobilité, à notre développement économique. Dans les réunions comme la COP27, les pays s'opposent pour la plupart à une action ambitieuse parce qu'ils croient que cela va leur coûter. Je le redis : ce n'est pas en mettant les problèmes sur la table que nous avancerons. En réalité, il faut commencer par mettre toutes les solutions sur la table et ensuite la collaboration va consister à savoir où ces solutions peuvent être utilisées avec le plus d'efficience. Le plus d'adéquation. Car cela dépendra du développement des pays, de leur climat, de leur société, de leur géographie. Une fois que l'on a défini qui bénéfice le plus de ces solutions, c'est extrêmement facile de trouver des financements.

C'est-à-dire ?

B.P. Il faut bien considérer que nous parlons d'investissement et non de coût. Il y a un vrai avantage à investir dans la lutte contre le réchauffement climatique. Un pays en voie de développement qui aujourd'hui veut se développer et s'oppose à l'action climatique, que pouvons-nous lui offrir ? Eh bien, nous pouvons lui offrir un développement économique de bien meilleure qualité en remplaçant les grandes centrales à énergie fossile qui nécessitent des importations en devises étrangères pour décentraliser la production d'énergie sous forme renouvelable. De fait, tout le développement va se créer autour. Et c'est un développement propre. Il n'est pas carboné. En réalité, la philosophie de l'action climatique doit être changée. Le narratif doit être changé. Le narratif, jusqu'à maintenant, supposait que l'action climatique soit chère, rébarbative et sacrificielle. Je veux prouver que c'est enthousiasmant, économiquement rentable, créateur d'emplois et fédérateur car tout le monde y trouve son compte. Le prix de l'énergie solaire a été divisé par trente ou quarante depuis vingt ans selon les endroits. L'énergie la moins chère au monde actuellement c'est l'énergie solaire : 1,5 centime le kWh au Portugal, cela devrait vraiment motiver les gens.

 Justement, parlons des gens. Car ce qui est intéressant dans votre profil, c'est que vous êtes psychiatre, donc vous connaissez le schéma mental des individus. Et vous savez plus que quiconque qu'il est difficile de changer pour une grande majorité d'entre nous, il existe même souvent une forte opposition au changement. Le débat sur les éoliennes, par exemple, entraîne parfois des conflits houleux.

B.P. La vraie problématique, c'est la façon dont on présente les énergies renouvelables à la population. Et encore une fois, elles sont présentées trop souvent comme une punition : « Vous consommez de l'énergie, eh bien assumez d'avoir des éoliennes, d'avoir des panneaux solaires sur les monuments historiques » etc.  Mais ce n'est pas comme cela qu'il faut faire ! Les énergies renouvelables sont un privilège, elles nous permettront de continuer à avoir de l'énergie. Alors c'est clair que maintenant, il ne faut pas mettre des éoliennes devant un village en lui coupant la vue, là où cela fait du bruit, sur les couloirs de migrations d'oiseaux, c'est évident. Il faut rester cohérent. Mais il y a encore beaucoup de choses à comprendre aujourd'hui sur le renouvelable. Il est d'abord primordial d'expliquer qu'à peu près 75 % de l'énergie qui est produite dans le monde sont perdus à cause de l'inefficience des systèmes et des infrastructures qui les utilisent. Donc première chose à faire : moderniser tout ce qui consomme de l'énergie pour diminuer ce gaspillage. Cette modernisation est hyper rentable, car tout ce qui est mis en place pour économiser l'énergie dégage des économies financières qui permettent de financer le système. Nous sommes au cœur d'un cercle vertueux, économique et écologique. Et, bien sûr, une fois que l'on a économisé suffisamment, les énergies renouvelables vont suffire. Sans cette économie de départ, elles ne suffisent pas pour produire la totalité des besoins. Mais si on divise par 2 ou 2,5 la totalité des besoins d'énergie, car on a été économe et donc efficient, eh bien, les énergies renouvelables suffiront !

Sommes-nous vraiment au fait de ce que sont concrètement les énergies renouvelables ?

B.P. Elles sont souvent perçues de manière caricaturale. Mais il faut comprendre que le solaire représente beaucoup de solutions : thermiques, photovoltaïques, et cela peut être des tuiles qui ont la même couleur que les toits des monuments historiques. Cela peut être de l'agrivoltaïsme, c'est-à-dire des panneaux solaires articulés et installés à quelques mètres au-dessus des agricultures ou des élevages. Quand les plantes ont besoin de lumière, le panneau s'ouvre. À l'inverse, quand il y a trop de chaleur et de lumière sur les plantes le panneau se referme un peu, et cela permet de réguler l'humidité et la chaleur. Le rendement agricole est optimisé tout en permettant à l'agriculteur d'augmenter son revenu en fabriquant de l'énergie. En ce qui concerne l'éolien, il faut arrêter de penser que les éoliennes sont toutes installées près des villages. En réalité, elles sont de plus en plus installées sur des champs offshore que l'on ne voit pas et qui ne gênent personne. Les éoliennes sont ou bien flottantes ou bien posées au fond des mers sur des blocs de béton qui sont des nouveaux types de béton, comme ceux qui ont été labellisés par la Fondation Solar Impulse. Ces blocs permettent par leur forme et leur porosité de développer un écosystème marin là où il n'y en a pas. Sur des régions sableuses, il y a très peu de vie. Si vous installez ces blocs pour des éoliennes, des algues vont venir s'y déposer, puis des mollusques, des crustacés, des poissons vont développer un écosystème marin. Il existe également des éoliennes à axe vertical qui ne font pas de bruit et qui ne gênent personne, comme un mat de drapeau un peu large. Vous pouvez les installer sur un toit de maison. Vous pouvez aussi installer des petites turbines éoliennes sur le bord des toits pour recueillir les courants d'air dans les rues. Tout cela est possible, mais c'est une toute petite partie du tout.

À vous entendre, il existe un large panel de solutions... Sont-elles toutes bien connues du grand public finalement ?

B.P. Pas vraiment. Prenez l'hydraulique par exemple. L'hydroélectrique ce n'est pas que des grands barrages ! L'hydroélectrique, c'est aussi des turbines installées dans des ruisseaux, des petites rivières, elles ne gênent ni les poissons ni les pêcheurs. L'hydroélectrique existe aussi avec des pistons et des flotteurs pour prendre de l'énergie des vagues, des marées, des fleuves dans les estuaires. Tout cela existe. Ensuite, il faut évoquer le biogaz. Il y a énormément de méthane qui se dégage librement dans l'atmosphère, or le méthane c'est 28 fois plus grave en termes de changement climatique que le C02. Ce méthane vient de tout ce qui est végétal et qui pourrit, il vient de tous les déchets des fermes et de l'élevage, il vient des décharges publiques, il vient des fuites dans l'extraction du gaz et du pétrole. Mais tout cela peut être récupéré, transformé en biogaz, consommé comme énergie. À l'échelle de la planète, cela peut représenter 20 % des besoins en énergie. C'est fondamental. Ensuite, nous pouvons évoquer la géothermie qui ne concerne pas que des grands puits en Islande à 3 000 mètres de profondeur, ce sont des puits qui peuvent se faire chez nous. Avec la géothermie de surface, on creuse à 180 mètres de profondeur et on branche des pompes à chaleur en ville pour des immeubles. Au final, c'est cinq fois moins de facture énergétique. Ensuite, il est possible de mettre en place des systèmes avec l'eau des océans sur les bords de mer, j'ai vu cela en Polynésie française, c'est extraordinaire. Ce système utilise l'eau comme source froide. On extrait de l'eau à 900 mètres de profondeur, elle fait 5 degrés, puis elle circule dans des échangeurs de froid pour générer l'air conditionné dans les hôtels, les hôpitaux, les centres commerciaux et ensuite on remet cette eau à 6 degrés dans une profondeur où elle fait 6 degrés. Donc on n'abîme pas l'écosystème. Cela s'appelle le SWAC, le Sea Water Air Conditioning. Tout cela montre qu'il y a un nombre incalculable d'énergies renouvelables et qu'il faut les appliquer là où elles peuvent être appliquées. Et si c'est effectivement un investissement de départ, elles permettent ensuite d'économiser énormément d'argent. Prenons le SWAC en Polynésie par exemple, sur 4,5 millions d'euros d'investissement, on économise 850 000 euros par an. En cinq ans, c'est amorti. Et après, c'est du bénéfice pur. C'est cette vision-là qu'il faut donner. On est dans un monde où la technique a évolué, où les coûts ont baissé, ce qui permet des investissements rentables, de la création d'emploi, de la protection de l'environnement, du pouvoir d'achat, et cela permet de sortir de la déprime ambiante. Car les gens voient le monde en se disant « On est tous foutus », mais il faut arrêter de se dire cela. Il faut se mettre au boulot maintenant !

Pour cela ne faut-il pas abandonner « l'ancien monde » ?

B.P. Ce qui est certain, c'est qu'il faut moderniser notre monde. Sortir des vieilles sources d'énergie, des vieilles infrastructures, des vieux systèmes polluants et inefficients. C'est à la fois l'opportunité écologique et économique du siècle. Il est nécessaire de s'extraire de fausses croyances. Moderniser le monde nécessite effectivement une certaine flexibilité. L'entreprise belge Umicore est un exemple magnifique de reconversion industrielle. Umicore, c'était l'union minière belge. Quand il a fallu fermer les mines, l'entreprise s'est reconvertie dans la fabrication d'ampoules LED, dans les panneaux solaires, aujourd'hui dans le recyclage de batteries au lithium. C'est une belle transformation vers de nouveaux métiers. Et ce qui est passionnant c'est de pouvoir dire aux jeunes : maintenant dans les métiers que vous pouvez choisir, il y a des métiers qui vont protéger l'environnement. Mais évidemment il ne faut pas que des BAC + 10. Il faut aussi des gens qui font des apprentissages, il faut revaloriser les métiers manuels et techniques parce que pour rénover les bâtiments, installer des panneaux solaires, des éoliennes, poser des turbines hydroélectriques, il faut des techniciens et heureusement, car aujourd'hui les gens qui cherchent du travail aimeraient en trouver un qui ait du sens. Et la bonne nouvelle, c'est que tous ces nouveaux métiers ont du sens.

Trouver du sens à la vie, c'est la grande quête existentielle. De façon plus prosaïque, vous avez une façon différente de parler de la voiture électrique puisque vous parlez de « batterie sur roues ». Les mots ont eux aussi leur rôle à jouer, et leur choix participe à cette quête de sens. La sémantique contribue-t-elle au changement ? Car ce qui est intéressant quand on parle de « batterie sur roues » c'est que cela évoque d'autres perspectives que celles du transport.

B.P. Oui. En fait, quand on va chercher des métaux rares, du lithium et du cobalt pour faire rouler une voiture 5 % du temps pendant la journée, c'est du gaspillage. Mais si pendant les 95 % du temps où la voiture ne roule pas, elle peut être connectée sur le réseau, et se charger quand il y a des énergies intermittentes en abondance, du soleil, du vent, pour ensuite se décharger dans les pics de consommation entre 6 h et 9 h du soir quand tout le monde allume sa télé, son four, son chauffage, etc., eh bien, à ce moment-là il n'y a plus besoin d'allumer des centrales à gaz pour pouvoir compenser la demande, ce sont les voitures qui déchargent leur énergie et ça c'est possible. Mais, c'est interdit. Car il n'est pas prévu qu'un citoyen puisse devenir distributeur d'énergie. Ce qui est ahurissant aujourd'hui, c'est que toutes les bornes et voitures électriques qui sont vendues ne permettent pas le bidirectionnel. On ne peut pas décharger les voitures sur le réseau. Donc, on ne contribue pas au smart grid, au réseau intelligent, quand on achète une voiture ou une borne électrique de recharge. Cela doit changer urgemment. Aujourd'hui, nous sommes face à des monopoles avec des productions centralisées et la tendance vers laquelle on se dirige, c'est une décentralisation et une abolition de ce monopole. On va demander aux entreprises électriques d'amener de l'expérience, de la répartition d'énergie, de la distribution d'énergie, de participer au smart grid.

Ne doivent-elles pas changer de métier ? Se diversifier, comme le groupe La Poste l'a fait ?

B.P. Mais bien sûr ! Aujourd'hui La Poste c'est bien plus que le transport du courrier. Le groupe a créé des services qui s'occupent des personnes âgées seules pour qu'elles puissent rester à domicile, c'est admirable. Mais là, vous avez un patron de La Poste, Philippe Wahl, qui est un génie de l'évolution et de la reconversion, il a compris que pour motiver une entreprise il faut lui donner envie de faire mieux. Et dans les entreprises énergétiques maintenant cela devrait être la même chose. Jean-Pierre Clamadieu, le patron d'Engie, l'a très bien compris. Le nouveau patron d'EDF vient de chez Schneider Electric, c'est très bon signe, car Schneider c'est une entreprise qui est totalement dans le smart grid, totalement dans l'efficience énergétique, on peut donc s'attendre à ce que EDF prenne aussi ce tournant-là.

Vous l'évoquez souvent dans vos prises de parole : il est urgent de faire évoluer les réglementations. Est-ce pour cela que vous avez édité Prêt à voter ?

B.P. Oui. Nous y présentons 50 solutions techniques pour la plupart françaises ; toutes en tous les cas sont applicables en France. En fait, nous avons demandé aux innovateurs qui les ont développées quel était l'obstacle à leur utilisation généralisée. Tous étaient bloqués à cause d'un règlement, ce qui prouve que la législation n'a pas avancé aussi vite que la technique. Donc, maintenant il faut la faire évoluer. D'où notre slogan : quand le climat change, les lois doivent changer. Concrètement, depuis septembre 2022, nous avons envoyé le livre à tous les députés, sénateurs, cabinets ministériels et quelques présidents de région avec lesquels nous collaborons, comme l'Île-de-France, le Grand Est, et le département Pyrénées-Atlantiques. Nous avons eu beaucoup de rendez-vous avec, entre autres, les présidents des commissions développement durable et affaires économiques du Parlement, le MODEM pour sa rentrée parlementaire m'a invité à parler à l'ensemble de ses députés ; les Républicains m'ont invité à parler à leur commission développement durable. De façon plus isolée, nous avons rencontré des députés et sénateurs. Valérie Pécresse de son côté a repris une quinzaine de nos propositions pour les utiliser au service de l'environnement. Le député de l'Orme, Jérôme Nury a, quant à lui, déposé cinq demandes d'amendement.

Ces exemples sont-ils le fer de lance d'un grand changement ou bien est-ce une goutte d'eau dans l'océan ? Car est souvent pointé du doigt le manque d'actions de la part des politiques. Comment expliquez cela ?

B.P. Parce qu'il faut changer le fonctionnement administratif et bureaucratique. Si vous regardez vraiment, il y a peu de choses qui peuvent être faites sans toucher au fonctionnement habituel de l'État, des régions, des villes. Cela peut paraître paralysant effectivement.

N'y a-t-il pas également cette grande difficulté à se projeter dans l'avenir ?

B.P. C'est-à-dire que vous avez des politiciens qui s'occupent de leur réélection, et vous avez des hommes et femmes politiques, d'État, qui se disent « Moi j'aimerais avancer, moderniser ma ville, ma région, mon pays » et ceux-là sont admirables. Heureusement, il y a des gens magnifiques dans la politique, sur les territoires, et j'aimerais vraiment pousser le monde politique à adopter cet esprit pionnier car ils peuvent faire changer les choses sans que cela leur coûte. Si vous prenez les 50 recommandations que je propose dans mon livre Prêt à voter, on obtient 30 à 40 % de décarbonation de la France, c'est quand même pas mal ! Alors, je ne peux pas aller à la rencontre de chaque maire de chaque ville et village. C'est dommage. Mais la France étant assez centralisée contrairement à la Suisse, si l'on fait passer un certain nombre de changements législatifs au niveau de l'Assemblée nationale et du Sénat, on obtiendra beaucoup de leviers.

Vous avez également édité Le guide des solutions pour les villes, pouvez-vous nous en dire plus ?

B.P. Ce guide contient à peu près 200 solutions qui ont été introduites dans différentes villes du monde, nous les présentons au fil des pages pour qu'elles puissent être généralisées. Nous travaillons avec des villes pilotes comme Lisbonne, Montréal, Genève, elles expérimentent les solutions que nous proposons. En France, nous expérimentons avec les régions. Avec la région Grand Est par exemple, nous avons testé des solutions sur des îlots de chaleur, nous avons également testé des systèmes qui diminuent la pollution des moteurs thermiques des voitures. La région a équipé quatre de leurs voitures d'un système Logikko qui divise par deux les particules, et qui réduit la consommation d'essence de 15 à 20 %. Si les tests s'avèrent concluants, la région poursuivra l'installation de ces équipements.

Les lignes sont en train de bouger...

B.P. Ça bouge oui, mais pas suffisamment vite et pas sur une échelle suffisante, c'est-à-dire que l'écart entre ce que l'on devrait faire et ce que l'on fait augmente à chaque minute. Les solutions ne sont pas suffisamment utilisées. Ce que je dis au monde politique c'est : maintenant il faut moderniser aussi les normes et les standards de manière à créer une nécessité pour utiliser les nouveaux systèmes, car tant qu'on a le droit d'utiliser les vieux systèmes qui polluent et qui gaspillent, les gens les gardent. Maintenant, ce qu'il faut c'est être forcé à moderniser, puisque c'est rentable, on peut l'exiger.

Est-il encore possible de garder un regard optimiste ou décidément ce mot n'est pas adéquat ?

B.P. L'optimisme et le pessimisme ne servent à rien. Ce qu'il faut c'est le réalisme. Le réalisme c'est quand vous obtenez un résultat indépendamment de votre propre idéologie. Si l'on n'agit pas du tout, on va vers une trajectoire à 5 voire 6 degrés d'augmentation, ça rend la planète invivable. Si on agit un peu, on va être à 2,5 degrés, la vie est possible mais difficile, la qualité de vie est catastrophique. Et puis, si on agit beaucoup, on ne dépassera pas le 1,5 degré et on limitera les dégâts. En fait, le pessimiste revient à dire : on ne va pas agir, car tout est foutu. L'optimisme, lui, revient à dire : on ne va pas agir puisque tout ira très bien. Les deux sont à bannir.

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T 13

Valérie Abrial

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Commentaires 7
à écrit le 26/03/2023 à 10:03
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Les politiques, les écologistes politiques et les médias ne cessent de mentir aux citoyens sur l’éolien et le solaire intermittents. L’éolien est aléatoirement intermittent, l'effet de foisonnement censé lisser les variations brutales est une fable r...

à écrit le 21/03/2023 à 11:04
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Les politiques, les écologistes politiques et les médias ne cessent de mentir aux citoyens sur l’éolien et le solaire intermittents. L’éolien est aléatoirement intermittent, l'effet de foisonnement censé lisser les variations brutales est une fable r...

à écrit le 14/03/2023 à 9:49
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Les politiques, les écologistes politiques et les médias ne cessent de mentir aux citoyens sur l’éolien et le solaire intermittents. L’éolien est aléatoirement intermittent, l'effet de foisonnement censé lisser les variations brutales est une fable r...

à écrit le 08/03/2023 à 10:29
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Notons l'incohérence de la politique climat-énergie, soutenue par Bertrand Piccard, qui favorise de manière outrancière le développement des EnR intermittentes et fatales, aux bilans carbone non vertueux (15 gCO2/kWh pour l’éolien et 50 gCO2/kWh pour...

à écrit le 07/03/2023 à 17:59
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Il y a essentiellement 2 types de gaz émissifs majoritaires, qui peuvent absorber les IR émis par la surface : la vapeur d'eau et le gaz carbonique. Le taux de vapeur d'eau dans l'air est, selon les latitudes et les régions, de 1 à 5%. Celui du CO2 e...

à écrit le 07/03/2023 à 9:56
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"L'énergie la moins chère au monde actuellement c'est l'énergie solaire " C'est très curieux, car le solaire est toujours largement subventionné par les gouvernements.

à écrit le 04/03/2023 à 17:13
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La lutte contre le réchauffement climatique est une chimère

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