Les professionnels de l'hydrogène peinent-ils vraiment à convaincre ?

Réunis en assemblée générale ce 12 décembre, les décideurs publics et privés de l'hydrogène et de la pile à combustible ont affiché leurs ambitions à court, moyen et long termes. Dans le même temps, ces acteurs souhaitent être davantage soutenus par les pouvoirs publics.
César Armand
Un vélo à hydrogène.
Un vélo à hydrogène. (Crédits : Reuters)

[article publié le 12 décembre 2018 à 16h30, mis à jour le 13 décembre 2018 à 10h38 avec des précisions sur la ville japonaise qui possède un camion-poubelle à hydrogène]

"Fin du CICE. Utilisation de cet argent pour le lancement d'une industrie française de la voiture à hydrogène qui est véritablement écologique, contrairement à la voiture électrique."

Non, cette proposition ne vient pas de l'Association française de l'hydrogène et de la pile à combustible (AFHYPAC), qui organisait son assemblée générale ce 12 décembre, mais, en l'occurrence, il s'agit d'une revendication du mouvement des "Gilets jaunes".

Les pouvoirs publics accompagnent déjà cette filière industrielle via, notamment, la Direction générale énergie et climat (DGEC) du ministère de la Transition écologique et solidaire, mais le président de l'AFHYPAC, Philippe Boucly, veut "poursuivre".

"Ce n'est qu'un combat, continuons le début" (sic), a-t-il exhorté ses membres. "L'administration est en ordre de bataille, mais d'autres restent frileux quant à l'intérêt de déployer maintenant. Nous ne parvenons pas à convaincre. Nous nous donnons un an pour réussir."

Bientôt des engagements réciproques avec l'État ?

"Nous sommes conscients que la filière est extrêmement motivée", a répondu Alice Vieillefosse, directrice du cabinet de la DGEC."Nous travaillons avec vous depuis quelques années. L'hydrogène est remonté dans l'agenda politique: le président Macron a rencontré des acteurs, et il est cité par de nombreux grands patrons."

Avec Engie, EDF, Total et Schneider Electric, l'administration a effectivement lancé en septembre le comité stratégique de filière pour mettre toutes les parties prenantes autour de la table. "Le mot d'ordre, c'est ensemble", a renchéri sa déléguée générale Amélie Picart. "On ne peut y arriver que si on veut faire la même chose : l'État, l'aval, l'amont et les financements." Le 18 décembre prochain sera d'ailleurs établi un premier point d'étape dans la perspective d'engagements réciproques.

Déjà, fin novembre, le duo de l'exécutif prenait position sur le sujet. Le 22, lors de l'ouverture du Conseil national de l'industrie, le Premier ministre, déjà sensible à la question du temps où il était député-maire du Havre, évoquait "les projets sur les batteries de 4e génération et sur l'hydrogène qui doivent nous aider à répondre aux enjeux de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)".

Le 27 novembre, le chef de l'État confirmait les objectifs du plan hydrogène lors de l'annonce de la PPE : 10% d'hydrogène dans le mix énergétique en 2023 et 40% en 2028. Ce "plan de déploiement pour la transition énergétique" avait été lancé le 1er juin dernier par l'ex-ministre Nicolas Hulot.

Le prix de l'énergie au cœur du débat

Le nouveau fonds "Air mobilité" de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui comporte un volet hydrogène, est doté de 30 millions d'euros. L'appel à projets spécifique repose sur trois piliers : une production locale, une distribution en stations et une utilisation pour des flottes de véhicules professionnelles privées ou publiques.

"Signalez-vous auprès de nos directions régionales", a invité son pilote à l'Ademe, Luc Bodineau. "Nous pouvons accompagner le montage de projets. Vous pouvez même pour appuyer sur quelque chose de déjà présent. Le projet peut venir consolider, augmenter, améliorer."

Du côté des professionnels, "le nerf de la guerre", c'est le prix de l'énergie au niveau de l'électron. "Cela nous permet de réfléchir à comment produire de l'hydrogène en quantité. On peut arriver dans certains cas à être économiques voire moins chers", a ainsi assuré Stéphane Arnoux d'Engie Cofely. Plus tôt, la directrice du cabinet du directeur général de l'Energie et du Climat au ministère, Alice Vieillefosse, avait justement rappelé que "le développement des énergies renouvelables à un coût maîtrisé, c'est parler aussi d'un prix de l'énergie à un prix maîtrisé."

L'électricité produite par des énergies renouvelables génère en effet un courant qui peut scinder les molécules d'eau en deux parties : l'oxygène d'un côté, l'hydrogène vert de l'autre. Ce dernier est ainsi promu par les parlementaires. Le député (LREM) de Gironde Benoît Simian, auteur d'un rapport sur le "verdissement des matériels roulants l'industrie ferroviaire", se définit même comme un "lobbyiste des plages et du vin du Médoc et, maintenant, de l'hydrogène". Partant de l'exemple de l'Allemagne et de la région Occitanie qui ont déjà commandé des trains roulant avec cette énergie, l'ex-cadre de la SNCF martèle que "le savoir-faire, on l'a". "On est en phase de commercialisation, on n'est plus dans l'expérimentation !"

Vers une meilleure articulation recherche-industrie

Demain, il faudra penser à construire des dépôts de bus à hydrogène, souligne Fabio Ferrari, vice-président de l'AFHYPAC. Ce seront également les camions-poubelles qui rouleront avec ce carburant, estime pour sa part Régis Saadi d'Air Liquide. Il est temps en effet d'en prendre conscience quand 30 bus rouleront ainsi aux Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo en 2020 et que d'autres communes japonaises, comme celle de Shunan, font déjà circuler ce type d'utilitaires en ville.

Après-demain, le fleuve, qui transporte seulement 4% des marchandises aujourd'hui, s'y mettra. Des projets dans les airs existent, mais "il n'y a pas encore toute l'adhésion dans la chaîne hiérarchique des décideurs", regrette Olivier Savin de Dassault Aviation. Les énergéticiens, d'EDF à GRTgaz en passant par RTE, avancent à leur tour sur ce thème, au regard de la création d'emplois envisagée.

Il reste désormais à consolider les conditions économiques et financières du succès, mais des moyens français ont été débloqués en plus des fonds européens existants. Au vu des interventions des uns et des autres, les institutionnels semblent soutenir ardemment la démarche. La clé réside donc sans doute dans une meilleure articulation recherche-industrie pour que l'innovation sorte des laboratoires et s'opère au grand jour.

César Armand

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Commentaires 17
à écrit le 16/12/2018 à 15:51
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il faut que les ecolos et les verts indemnise les futurs chomeurs du secteur automobile toucher par l'abscence de fabricant de batterie en France il soit designe comme responsable déjà il ont saborde le secteur embalage

à écrit le 14/12/2018 à 12:26
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Le lobby du nucléaire a encore parlé,en donnant des fausses informations sur l'Allemagne,qui va éliminer complètement les centrales à Charbon en 2040.Par ailleurs,il faut savoir que l'énergie électrique non produite par les centrales nucléaires allem...

le 18/12/2018 à 15:40
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Les allemands sont malins, ils décomposent les chiffres sur l énergie fossile en charbon et lignite (très polluant) dont les mines sont en ex RDA. Aujourd'hui leur bilan particule est catastrophique, et ils nous envoient leurs pollutions de la Ruh...

le 21/01/2019 à 19:03
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Attention aux prix de l'énergie photovoltaïque annoncés par les équipementiers car ils ne tiennent pas compte du fonctionnement intermittent des panneaux. Il faut donc les multiplier par 3 pour tenir compte d'un fonctionnement à 1/3 temps en métropol...

à écrit le 14/12/2018 à 12:15
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Apparemment ,vous pensez que les GJ,c'est des gueux.Dites-le franchement.

à écrit le 13/12/2018 à 15:15
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D'après le pdg de l'air Liquide,dans 30 ans,lorsque le parc automobile sera complètement electrifié,la moitié des voitures seront alimentés par des batteries et l'autre moitié par de l'hydrogène. Le problème est de produire de l'hydrogène avec de l'é...

le 14/12/2018 à 3:20
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une MW d'électricité d'origine nucléaire (aucune émission de CO2!), peut produire 420 Kg d'hydrogène en 24 heures alors qu'un MW d'éolien en produirait 3 fois moins à cause de l'intermittence. Le but n'est pas seulement de ne pas rejeter de CO2, il e...

à écrit le 13/12/2018 à 9:37
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Bonjour Comme vous devez le savoir, le moteur a hydrogène existe depuis longtemps. sans besoin de recharge. Pourquoi ? Moteur à eau genepax japonais. Moteur à hydrogène. Le moteur à aimant Troy Lee sur une voiture, une batterie qui ce recharge. Mot...

le 14/12/2018 à 12:08
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Merci pour ce grand moment de fou rire! Sinon vous pouvez commercer par aller au lycée avec une option physique (la philo ne vous aidera pas) et vous apprendrez peut être que l'énergie gratuite n'existe pas et que les industriels ne vous cachent ...

à écrit le 13/12/2018 à 4:39
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La perte d'éléctricité entre la fabrication de l'hydrogène et la consommation est environ 50 %. Donc la moitié de l'éléctricité investi est perdu!! Une batterie perd seulement 20 % environ. Ceci sans compter la pollution dû à la fabrication de l'él...

le 13/12/2018 à 7:13
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Tout à fait d’accord. On n’arrete pas ne nous parler de cette filière qui ne peut pas être rentable pour des raisons de physique et qui cherche des subventions. Pendant ce temps, les chinois et les coréens produisent les batteries que nous mettront c...

à écrit le 12/12/2018 à 20:38
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L'Hydrogène n'est intéressant que pour les grosses capacités, industries, transports en communs, avions, trains, spatial, navires et poids-lourds par exemple ! D'un autre coté, le gaz peu bien remplacer le pétrole, mais je ne pense pas qu'on pourra ...

à écrit le 12/12/2018 à 20:32
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"véritablement écologique" ... la production d'hydrogène est-elle réellement sans pollution ??? (parce que s'il faut des centrales à charbon pour produire l'hydrogène...) Mais bon, si les "Gilets jaunes" étaient des ingénieurs en énergie, ça se saur...

à écrit le 12/12/2018 à 19:02
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Oui c'est très bien mais alors attention, ensemble, entreprises et etat main dans la main, ça ressemble à un conglomérat, il faut veiller à laisser s'épanouir la libre concurrence, sinon on va le payer cher le ensembles...

à écrit le 12/12/2018 à 18:16
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L'Hydrogene est volatile, explosif, inflammable, instable. Dommage que l'article n'en parle pas. Voir la catastrophe du Hindenburg en 1937. Tant qu'on aura pas trouve un additif qui le rende inerte, l'avenir de l'Hydrogene est compromis.

le 12/12/2018 à 19:09
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Vous avez un siècle de retard on sait aujourd'hui stocker l'H2 avec une sécurité maximale. Dans toute technologie le risque zéro n'existe pas. Les centrales nucléaires en sont le parfait exemple et jamais l'H2 ne fera courir autant de risque que le n...

à écrit le 12/12/2018 à 16:56
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"la voiture à hydrogène qui est véritablement écologique, contrairement à la voiture électrique" le véhicule à pile à combustible est électrique, peut-être à opposer à la voiture pleine de batteries lourdes comme un âne mort (même au lithium, métal ...

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