PME, collectivités locales : un « amortisseur énergie » au goût d'usine à gaz budgétaire

Pour aider les entreprises et les collectivités à faire face à l’explosion des prix de l’énergie, le gouvernement va prendre en charge une partie de leurs factures, à travers une enveloppe exceptionnelle de 12 milliards d’euros. Pourtant, il ne s’agira en aucun cas d’un nouveau « quoi qu’il en coûte », fait-on valoir à Bercy : cet effort budgétaire massif « ne creusera pas le déficit », et « évitera d’exposer le budget de l’Etat à la volatilité des cours ». Un numéro d'équilibriste.
(Crédits : Reuters)

Un effort budgétaire exceptionnel de 12 milliards d'euros en 2023, mais « sans creuser le déficit ». Telle est la promesse du gouvernement, qui a présenté jeudi sa panoplie de mesures pour soutenir les entreprises et les collectivités locales face à la hausse des prix de l'énergie. L'équation risque de virer au casse-tête : il s'agira de « ne pas laisser tomber » les acteurs les plus durement touchés par la flambée des cours, lesquels appellent à l'aide depuis plusieurs semaines, tout en restant « vigilant sur les dépenses publiques », a assuré le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, lors d'une conférence de presse. Le beurre et l'argent du beurre.

« Nous sommes à l'euro près ! », a insisté le locataire de Bercy, désireux d'éloigner les critiques sur un nouveau « quoi qu'il en coûte ».

Pour décaisser sans s'endetter, l'exécutif compte notamment s'appuyer sur les rentes générées par certains acteurs pendant la crise : 7 des 12 milliards d'euros mobilisés proviendront des recettes des énergéticiens dont les coûts de production s'avèrent aujourd'hui bien inférieurs aux prix de vente sur le marché. En premier lieu EDF : en plus de l'ARENH, qui oblige le groupe français à vendre 100 terawattheure (TWh) à prix cassés à ses concurrents, le reste de sa production sera taxée au-delà d'un plafond de 180 euros le mégawattheure (MWh) afin d'alimenter les caisses de l'Etat. Par ailleurs, 3 milliards d'euros seront issus du guichet mis en place par le gouvernement cet été, une enveloppe déjà provisionnée pour les aides existantes et qui a été très peu utilisée.

Conjuguer l'aide aux PME et la responsabilité budgétaire

Et ces fonds serviront d'abord à aider les entreprises, qui renégocient actuellement leur contrat d'énergie et se font des sueurs froides devant l'envolée à venir de leurs factures. De fait, la grande majorité d'entre elles ne bénéficient pas du bouclier tarifaire au même titre que les ménages, étant donné qu'elles doivent compter moins de 10 salariés et un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros pour y prétendre. Selon les calculs de la CPME, l'organisation patronale qui représente les petites et moyennes entreprises, pas moins de 150.000 des PME non protégées seraient ainsi confrontées à une « impasse » menaçant leur survie.

Pour les aider, Bercy va donc dégainer un nouvel outil transversal : l' « amortisseur électricité », qui sera mis en place dès le début de l'année prochaine. Derrière ce nom technique, il s'agira en fait de payer directement une partie des factures des entreprises, comme l'avait déjà révélé lundi le ministère de l'Economie... mais sans creuser le déficit. Concrètement, 50% du surcoût de l'électricité sera pris en charge par la puissance publique au-delà de 325 euros le MWh. Par exemple, si une société doit payer 425 euros, Bercy lui en remboursera 50 euros, soit la moitié du surcoût.

Forcément, le mécanisme ne sera pas illimité : l'Etat n'interviendra pas au-delà d'un plafond fixé à 800 euros le MWh, de manière à « éviter une exposition du budget à la volatilité des prix de marché », a souligné Bruno Le Maire. Et d'ajouter qu'il s'agit là de « conjuguer l'aide aux TPE et aux PME et la responsabilité budgétaire ».

« Le bouclier tarifaire pour les ménages a déjà coûté 100 milliards d'euros sur 3 ans, pas possible de faire la même chose pour les entreprises », avait-il déjà clarifié vendredi dernier alors qu'il recevait les organisations patronales et les fédérations professionnelles.

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Un filet de sécurité

Les entreprises ne seront pas les seules à bénéficier dudit amortisseur : les élus locaux auront aussi été entendus. Les communes, intercommunalités, départements et régions bénéficieront en effet elle aussi d'un « bouclier », d'un « amortisseur électricité » et d'un « filet de sécurité » de 2,5 milliards d'euros pour faire face à l'explosion des prix de l'énergie. Toutes les collectivités territoriales comptant moins de dix agents seront couvertes par les dispositifs, soit 28.000 communes sur 34.900, a annoncé le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu.

Jusqu'à présent, seules les communes et intercommunalités de dix agents et réalisant moins de 2 millions de recettes sont éligibles à un « filet de sécurité » adopté lors du budget rectificatif l'été dernier. Doté de 430 millions d'euros pour compenser 70% des dépenses alimentaires, énergétiques et de personnel, cet outil concerne près de 22.000 communes dont le taux d'épargne brute a été inférieur à 22% en 2021, et celles dont le même taux a chuté de plus de 25% en 2022.

Pas plus tard que le 25 octobre dernier, la ministre des Collectivités territoriales Caroline Cayeux a invité les collectivités concernées à demander, avant le 15 novembre, un acompte de 30% à 50% de leur dotation auprès de la direction régionale des finances publiques, afin de se voir verser une dotation en 2023.

Préparer les budgets de l'année prochaine

A cela s'ajoute un nouveau « filet de sécurité » dans le cadre de la loi de finances 2023 maintenu malgré le 49-3. Le président (Renaissance) de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation à l'Assemblée nationale, Thomas Cazenave, a déposé un amendement visant à compenser 50% de la hausse des dépenses énergétiques pour les communes et intercommunalités. Seront éligibles celles dont le taux d'épargne brute sera inférieur ou égal à 20% en 2022 et celles dont le même taux aura chuté de plus de 25% en 2023.

A ces deux mécanismes existants, l'« amortisseur électricité » concernera, sur le même modèle que celui pour les entreprises, toutes les collectivités comptant plus de dix agents. L'énième « filet de sécurité » couvrira, lui, toutes les communes, intercommunalités, départements et régions qui ont perdu plus de 25% d'épargne. Il s'agira de « prendre en charge 50% du surcoût d'énergie au-delà de la dynamique des recettes », explique Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires.

Par exemple, une commune de 10.000 habitants, dont la facture d'électricité est passé de 500.000 à 1,8 millions d'euros, verra sa facture divisée par deux grâce à l'amortisseur et au filet, a illustré le ministre. Il s'agit, ni plus ni moins, d'« aider [les édiles] à payer de manière conjoncturelle » (Christophe Béchu) et de « préparer les budgets de l'année prochaine » (Elisabeth Borne).

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Commentaires 3
à écrit le 28/10/2022 à 6:10
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L'argent pousse sur les arbres en France, déjà 300 milliards d'aide diverses et variés ou de compensations en a peine 3 ans ! Cette argent n'a pas permis de créer ou de devenir leader dans quelques domaines que ce soient pour rembourser les 3000 mill...

à écrit le 28/10/2022 à 2:54
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Des taxes et encore des taxes. L'argent magique du minus micron que devront payer les autres, ceux de demain. Le pays France est a l'agonie.

à écrit le 28/10/2022 à 0:04
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C ´est la réforme des retraites qui paiera !! Au fait pourquoi on ne fait pas la réforme des retraites qui touchent plus de 3000€?…. Vu les tonnes de dettes que ces générations nous ont laissé sans les payer ….

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