Solaire : TotalEnergies s'offre sa pièce maîtresse pour réussir son pari américain

Alors que TotalEnergies entend réaliser 10 à 15% de son objectif groupe dans le solaire aux États-Unis, il a annoncé jeudi avoir mis la main sur l’entreprise texane Solar Core, spécialisée dans la prospection et le développement de sites pouvant accueillir de grandes fermes de panneaux photovoltaïques. Une acquisition stratégique, qui lui permet d’accéder à un portefeuille de développement de près de 4 GW, et lui assure un avenir dans les renouvelables outre-Atlantique.
Marine Godelier
(Crédits : Benoit Tessier)

Après son changement de nom en 2021, dont le but était d'acter sa volonté de sortir des seuls hydrocarbures, le géant pétro-gazier TotalEnergies (ex-Total) poursuit sa diversification. Et pour cause, afin d'atteindre son objectif de « neutralité carbone » d'ici à 2050, il s'est officiellement engagé à faire décliner la part de l'or noir dans ses activités à partir de 2025, tout en maintenant une croissance forte.

Un glissement qui passe par de nombreuses acquisitions dans les énergies décarbonées. En février, lors de la présentation de ses profits records de 2021 (16 milliards de dollars), TotalEnergies avait ainsi précisé qu'il allouerait, en 2022, 25% de ses investissements nets (3,5 milliards de dollars) dans les énergies renouvelables et l'électricité. Et notamment dans le solaire photovoltaïque, secteur dans lequel la major tisse sa toile pour se hisser dès 2030 au rang de leader.

En particulier aux Etats-Unis, où sa présence dans le domaine sera « fondamentale », assure Marc-Antoine Pignon, directeur de la division énergies renouvelables de TotalEnergies aux Etats-Unis. L'entreprise a ainsi annoncé ce mercredi avoir acquis une pièce majeure pour dérouler son plan : la société américaine Core Solar, basée à Austin (Texas), dont le « portefeuille d'opportunité » comprend « plus de 4 GW de projets solaires et de stockage à divers stades de développement dans différents États et marchés électriques » du pays, a fait savoir TotalEnergies dans un communiqué. Soit une puissance supérieure aux quatre réacteurs de la centrale nucléaire française de Tricastin (3,6 GW).

Obtenir les permis nécessaires outre-Atlantique

Cependant, ces projets ne sont pas encore sortis de terre, puisque l'objectif du rachat de Core Solar est d'abord d'en finaliser le développement, en « obtenant une maîtrise foncière complète », précise à La Tribune Marc-Antoine Pignon. En effet, l'entreprise texane, dont les employés intégreront les équipes du groupe français, ne possède aucun champ en propre. Mais son activité est éminemment stratégique pour TotalEnergies, puisqu'elle est spécialisée dans la prospection et le développement de sites pouvant accueillir de grandes fermes de panneaux solaires, ainsi que dans le développement de ce type d'actifs.

Par exemple, sur certains projets, elle devra s'assurer du respect du droit minier, afin que « personne ne puisse réclamer des droits de passage » une fois les panneaux photovoltaïques construits. Mais aussi obtenir un droit d'interconnexion au réseau et, tout simplement, se procurer les permis nécessaires. Autant d'étapes essentielles afin que TotalEnergies puisse mettre en service « environ 1 GW de solaire par an » outre-Atlantique, précise la major.

Développement dans le solaire décentralisé

En tout, TotalEnergies espère réaliser 10 à 15% de son objectif groupe dans le solaire aux États-Unis. En février déjà, l'entreprise avait annoncé acquérir pour 250 millions de dollars les activités solaires industrielles et commerciales de l'américain SunPower, dont elle est l'actionnaire majoritaire. Grâce à cette opération, TotalEnergies détient déjà presque 1 GW de panneaux photovoltaïques outre-Atlantique, notamment dans le solaire décentralisé (toitures, parkings ou petites centrales au sol), mais aussi, par ailleurs, via une installation de 200 MW au Texas mise en service depuis environ 18 mois, en partenariat avec Hanwha Energy.

Ce n'est pas tout : le groupe compte également se lancer dans l'éolien en mer, avec le développement d'un parc éolien de 3 GW au large de New York et du New Jersey, sur un domaine maritime attribué en février dernier à l'issue des enchères de New York Bight. La Compagnie a également lancé une coentreprise avec Simply Blue pour contribuer à l'essor de l'éolien flottant dans le pays. Enfin, TotalEnergies travaille à la préparation des enchères à venir pour développer des projets éoliens offshore au large de la Californie.

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Des projets partout dans le monde

Plus généralement, dans le monde, le géant tricolore ambitionne d'atteindre une capacité installée de production d'électricité d'origine renouvelable de 35 GW d'ici à 2025, et de 100 GW d'ici à la fin de la décennie. Ce qui s'est d'ores et déjà traduit par des projets aux quatre coins du globe.

Et notamment en Inde, en plus des acquisitions aux Etats-Unis : début 2021, TotalEnergies avait en effet annoncé acquérir 20% du capital d'AGEL, une filiale d'Adani, le plus grand conglomérat privé indien dans le domaine de l'énergie et premier développeur solaire au monde. L'Asie n'est pas en reste puisque, le 13 avril dernier, le groupe a annoncé s'associer avec la société pétrolière japonaise ENEOS afin de développer la production d'énergie solaire pour ses clients B2B dans plusieurs pays d'Asie, avec un objectif de 2GW de capacités dans les cinq prochaines années.

Total projets EnR monde

Capture d'écran du Rapport Climat et Soutenabilité de 2022 de TotalEnergies

L'exploitation des hydrocarbures continue

Néanmoins, TotalEnergies continue, dans le même temps, d'investir massivement dans les hydrocarbures. En novembre dernier, l'entreprise avait par exemple signé avec les autorités libyennes divers accords, afin de « développer des projets solaires », mais aussi et surtout pour investir dans des projets de réduction du brûlage du gaz sur les champs pétroliers, ainsi que pour contribuer à la restauration de la production de pétrole du pays, de manière à atteindre 2 millions de barils par jour et par là-même alimenter les marchés mondiaux.

Même son de cloche en Irak où, deux mois plus tôt, le groupe français s'était engagé à « mettre en valeur les ressources naturelles » du pays. Autrement dit, à investir dans la génération électrique solaire, mais surtout dans des installations pour récupérer le gaz torché sur trois champs pétroliers, et fournir jusqu'à 3 GW de gaz.

Pourtant, en mai 2021 (quelques jours avant que TotalEnergies n'annonce son changement de nom), l'Agence internationale de l'énergie (AIE) affirmait pour la première fois que l'atteinte de la neutralité carbone en 2050 et la limitation du réchauffement à 1,5°C d'ici la fin du siècle imposait la fin immédiate de tous les nouveaux projets d'exploration d'énergies fossiles.

Reste que le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, continue de croire dur comme fer dans le potentiel du gaz fossile pour assurer le passage de son entreprise au « net zéro émission » en 2050. C'est un carburant de transition, et le GNL doit stimuler la croissance », avait-il répété fin mars lors d'une présentation des engagements climat du groupe aux investisseurs.

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Marine Godelier

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Commentaire 1
à écrit le 01/05/2022 à 8:35
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Ce que ne dit pas l'article c'est que 4 GW Solaire ☀ produisent moins de 13% que 4GW Nucléaire ⚛. Autrement dit il faudrait installer au moins 28 GW solaire pour avoir la même production en GWh que Tricastin... Merci la Tribune de bien donner cette ...

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