Alors que les Occidentaux planchent sur les moyens de se désintoxiquer du gaz russe, qui continue de couler à flot vers le Vieux continent malgré la guerre en Ukraine, la pression monte sur le géant pétro-gazier TotalEnergies. Très présent en Russie pour en exploiter les hydrocarbures, le groupe tricolore reste en effet suspendu à une éventuelle décision d'embargo total ou partiel de l'Europe sur les combustibles fossiles en provenance du pays de Vladimir Poutine, qui l'obligerait à se désinvestir totalement du territoire.
Pour l'heure, une telle piste n'est cependant pas dans les tuyaux. Et si TotalEnergies a fait savoir ce mardi qu'il arrêterait tout achat de pétrole ou produits pétroliers russes « au plus tard à la fin de 2022 » et qu'il n'apporterait plus de capital aux nouveaux projets, l'entreprise ne compte pas revenir d'elle-même, c'est-à-dire sans décision politique en ce sens, sur ses contrats long terme pour l'approvisionnement en gaz.
« A ce stade, les gouvernements européens n'ont pas décidé de sanctionner le gaz russe. [...] J'ai des contrats de vingt-cinq ans et je ne sais pas sortir de ces contrats », a ainsi déclaré mercredi son PDG, Patrick Pouyanné, sur France Inter.
Reste que si les Vingt-Sept décidaient finalement de couper le robinet à la Russie, les conséquences seraient « très gérables au niveau mondial pour l'entreprise », a-t-il assuré ce jeudi, en préambule d'une conférence investisseurs consacrée aux objectifs climatiques de Total. Et d'ajouter que « nous traverserons [la période], quelles qu'en soient les conséquences ».
10% du portefeuille global de l'entreprise
Malgré l'importance stratégique de la Russie pour le groupe, Patrick Pouyanné se veut donc rassurant. Pourtant, les chiffres s'avèrent eux pour le moins impressionnants : en 2021, quelque 17% de la production totale d'hydrocarbures de l'entreprise provenaient de Russie, et le pays représentait pas moins 21% de ses réserves. Et ce, en ne comptant pas le projet titanesque d'usine de gaz naturel liquéfié (GNL) Artic LNG-2, qui doit produire dès 2023 près de 20 millions de tonnes de GNL, et dont TotalEnergies est actionnaire à hauteur de 21,64% en tout.
Mais ces volumes « sont en fait liés aux volumes de Novatek [dont Total détient 19,4% des parts], qui sont principalement du gaz domestique [à destination du marché local] avec du baril à faible marge », a tempéré Patrick Pouyanné.
« Ce qui est important pour les actionnaires, c'est la valeur qui peut être tirée de ces volumes », a-t-il appuyé.
De fait, en 2021, le pays de Vladimir Poutine représentait « seulement » 5% du cash flow de TotalEnergies, soit 1,5 milliard de dollars, a-t-il ajouté. Par ailleurs, selon la politique du groupe, un seul et même pays ne doit pas, de toute façon, représenter plus de 10% du portefeuille global. Ce qui est bien le cas de la Russie, qui concentrait en tout 10% des capitaux employés à fin 2021, soit 13,7 milliards de dollars.
Des actifs dans le GNL en-dehors de la Russie
Pour l'heure, TotalEnergies reste en tout cas lié à l'immense site gazier Yamal, dans le grand nord sibérien, dont il est actionnaire à 20% (+ 9,7% via Novatek) et qui représentait 16,6 % de sa production annuelle de gaz de en 2020. Et pour cause, conclu dès 2017, le contrat, qui court sur une durée de 21 ans, permet l'approvisionnement de cinq millions de tonnes de GNL chaque année.
« Nous les honorerons tant que les gouvernements européens considèrent que le gaz russe est nécessaire à l'Europe. [...] Mais en cas de sanctions contre Novatek, les contrats comportent des clauses de cas de forces majeures. Elles seraient activées par Total dans le cas d'une décision » en ce sens, a précisé Patrick Pouyanné, qui a réaffirmé son intention d'agir « dans le cadre défini par les autorités ».
Par ailleurs, le PDG de TotalEnergies a souligné que la stratégie de quasi doublement de la production de GNL du groupe d'ici à 2030 était maintenue, et reposerait sur les actifs et projets en-dehors de la Russie. Notamment aux Etats-Unis, en Afrique (Nigéria, Mozambique, Cameroun), au Yémen ou encore en Papouasie-Nouvelle-Guinée. « Il ne viendra pas de Russie, puisque nous n'apporterons plus de capital. Mais d'autres gros portefeuilles, afin d'alimenter la croissance », a-t-il insisté.
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