Zéro artificialisation des sols : la Normandie fixe sa doctrine

Le législateur a confié aux Régions le soin de décliner l’objectif du Zéro Artificialisation nette (ZAN) sur leurs territoires. La Normandie a ouvert le bal. D’ici 2030, toutes ses intercommunalités devront avoir réduit leur consommation foncière dans une fourchette comprise entre -60 et - 40% par rapport à la décennie antérieure. Explications.
Le ZAN doit stopper la spirale qui voit disparaître chaque année des milliers d'hectares de puits de carbone (champs, zones humides, forêts...)
Le ZAN doit stopper la spirale qui voit disparaître chaque année des milliers d'hectares de puits de carbone (champs, zones humides, forêts...) (Crédits : Reuters)

En tapant ZAN dans l'onglet images d'un moteur de recherche, l'individu lambda a toutes les chances de tomber sur une publicité pour une marque de réglisse. Mais ces trois lettres, acronyme du Zéro Artificialisation Nette (des sols), revêtent une toute autre signification pour les élus locaux depuis l'adoption de la loi climat résilience. Pour rappel, celle-ci impose à toutes les régions de réduire de moitié leur consommation foncière d'espaces naturels d'ici 2030, par rapport à la décennie 2011-2021 pour arriver à zéro en 2050.

Objectif : stopper la spirale qui voit disparaître chaque année des milliers d'hectares de puits de carbone (champs, zones humides, forêts...) essentiels pour éviter un emballement du climat. Le principe est posé, reste à la mettre en œuvre. A l'échelle locale, la tâche incombe aux assemblées régionales que le législateur a chargé de tenir le couteau. En clair, de partager le gâteau des « droits à artificialiser » restants entre toutes leurs intercommunalités.

A l'épreuve du terrain

Première à ouvrir le feu, la Normandie vient d'arrêter sa doctrine. Un exercice délicat. Dans moins dix ans, cette région qui figure parmi les plus artificialisées de France devra, en effet, avoir ramené sa consommation foncière à 6.000 hectares maximum. Elaboré au terme d'un marathon de réunions, le texte voté cette semaine définit le taux d'effort qui s'imposera aux documents d'urbanisme des collectivités. Celles-ci restent néanmoins libres de choisir le périmètre sur lequel il s'appliquera (Communauté de communes, groupement d'intercos ou SCOT) et l'attribution des surfaces.

Pour calculer ledit taux, l'exécutif a choisi une approche au cas par cas en fonction de plusieurs critères : dynamique démographique, part d'emplois privés, présence (ou non) d'équipements de centralité, niveau d'étalement urbain et densité de la biodiversité.  « Le niveau d'effort demandé oscille entre moins 42 % et moins 62% (de consommation foncière - ndlr) ce qui permet de n'exonérer aucun territoire mais dans le même temps de n'en condamner aucun à ne plus évoluer », décrypte Guy Lefrand, vice-président en charge de l'aménagement du territoire.

Sobriété bien ordonnée....

Le plus gros effort revient à la petite communauté de communes Ouest Centre Manche (22.000 habitants - 45 au km2), plus connue pour ses carottes de Créances que pour ses mégalopoles. Elle devra diminuer sa consommation d'espaces naturels de près de 60% par rapport à la décennie précédente. A l'inverse, le plus faible taux est demandé au pôle métropolitain du Havre, contraint à une réduction d'un peu - de 45 %.

« Le pire aurait été de laisser au préfet le soin d'appliquer uniformément le principe de réduction de 50%  sur tout l'espace régional  parce que les enjeux ne sont naturellement pas les mêmes entre les zones industrialo-portuaires et celles plus rurales », justifie Hervé Morin.

Sur la part qui leur est allouée, les territoires devront par ailleurs contribuer aux objectifs ZAN nationaux  et régionaux en vertu d'un principe de solidarité. Mais à quelle hauteur ? Pour la Normandie, le chiffre est arrêté. La Région a réservé une enveloppe de 900 hectares (15% du total). « Un choix raisonnable », estime Guy Lefrand. Sa vocation ? Préserver de l'espace pour les  aménagements liés à l'avancée de la mer ainsi que pour les projets d'envergure  régionale : réindustrialisation de grande ampleur, infrastructures d'intérêt général, grands équipements....

Beaucoup de questions sans réponses

Reste à savoir quels projets entreront dans cette enveloppe mutualisée, ce qui promet  quelques empoignades. La doctrine de la majorité souffre d'un manque « d'objectifs précis » pour la gauche normande qui pointe un biais en faveur des chantiers routiers au détriment du ferroviaire. « Le contournement Est de Rouen en consommera plus de la moitié », peste Laetitia Sanchez du groupe écologiste.

Quant aux intentions de l'Etat, mystère. Bien malin qui pourrait dire, aujourd'hui, comment le gouvernement et avec lui les parlementaires feront varier les curseurs. Beaucoup de questions restent sans réponse. Quels projets seront intégrées dans l'enveloppe nationale ? A partir de quelle date et sur quelles surfaces ?  Quelle sera la clef de répartition ? La bataille fait rage en coulisses sur la teneur des décrets d'application.

Dès lors, la Normandie a t-elle tort de prendre les devants ? C'est ce que pense Laurent Beauvais, ex président socialiste de feue la Basse Normandie. « D'autres régions ont différé ce travail en raison du flou actuel. Il aurait été pertinent de décaler un peu pour connaître les tables de la loi définitives », souligne t-il. Une chose est sûre en revanche : l'entrée en vigueur du ZAN va profondément « modifier notre manière d'occuper l'espace », comme le rappelle Guy Lefrand. Elle risque aussi d'entraîner mécaniquement une hausse de la spéculation foncière. « Elle a déjà commencé », assure le maire d'Evreux. La chasse à l'hectare est ouverte.

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Commentaires 5
à écrit le 05/05/2023 à 9:13
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Il faudra bien revenir à la construction sans fondation et au pavage des routes ! ;-)

à écrit le 04/05/2023 à 17:50
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Les effets pervers apparaîtront bien avant 2050.

à écrit le 04/05/2023 à 17:49
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Les effets pervers apparaîtront bien avant 2050.

le 05/05/2023 à 14:14
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Si ils arrivent à faire fi de tous les passe droits style les petits politiques à gros pouvoirs qui décrètent l utilité publique pour justifier des constructions qui pourraient ètre évitées si on était un tantinet intelligent...

à écrit le 04/05/2023 à 16:33
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J'arrête de boire en appliquant leur méthode : Zero alcool c'est juste que je vais diviser par deux ma consommation moyenne sur dix ans d'ici sept ans, et puis promis j'arrête totalement en 2050. Vous y croyez vous ? Mais d'ici là restera t'il du ...

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