Le Rouennais DB Invest se voit en antidote à la "fast fashion"

Le monde entier fréquente ses dépôts. Pape du vêtement de seconde main depuis près d’un demi-siècle, le grossiste rouennais Eureka Fripes (groupe DB Invest) profite à plein de l’engouement des jeunes générations pour le déjà-porté et se fraye un chemin dans le luxe grâce à l’"upcycling" (recyclage). Explications.
DB Invest gère un stock de 4.000 tonnes de vêtements de seconde main.
DB Invest gère un stock de 4.000 tonnes de vêtements de seconde main. (Crédits : dr)

Situé en bord de Seine à quelques kilomètres des flèches de la cathédrale de Rouen, l'entrepôt flanqué d'une pancarte qui a connu des jours meilleurs ne laisse pas deviner la caverne d'Ali Baba qu'il renferme. A l'intérieur, des ballots de vêtements à perte de vue rangés par familles et par couleurs : Levis 501, pantalons de velours, pulls irlandais, chemisiers à rayures... Plus loin, des kilomètres de portants supportent ici des jupes liberty, ailleurs des vestes en jean.

Et partout des collaborateurs qui réparent, trient, ou classent avec une dextérité d'orfèvre, distinguant en quelques secondes la soie du polyester, l'imprimé hype de celui passé de mode, la qualité du tout-venant. Bienvenue dans l'antre d'Eureka Fripes, vaisseau amiral du groupe DB Invest (42 millions de chiffre d'affaires - 300 salariés), un pionnier du vêtement de seconde main fondé en 1974 et qui entend apporter un remède au tout-consommation de la "fast fashion" (mode éphémère).

« Les antiquaires du vêtement »

S'il ne paye pas de mine, l'endroit est fréquenté par le monde entier. Stylistes, créateurs allemands ou brésiliens, costumiers d'Hollywood, revendeurs britanniques ou envoyés spéciaux de grandes marques savent trouver le chemin de ce temple de l'économie circulaire dont les dirigeants aiment à se présenter comme « les antiquaires du vêtement ». Environ les deux tiers des cinquante tonnes de textile qui arrivent ici chaque semaine partent vers l'étranger.

Des dépôts comme celui de Rouen DB invest en possède quatre autres : en Australie, au Japon et USA (Los Angeles et New York). En tout, le groupe revendique un stock de 16 millions d'articles « de tous genres et époques » dont certaines pièces datent des années 20. La mode étant un éternel recommencement, ce gisement sans égal lui confère une longueur d'avance, explique Eric Rey, directeur commercial.

« L'expérience nous a appris qu'il fallait être prêt à dégainer 10.000 jeans taille haute lorsque celui-ci revient à la mode comme c'est le cas en ce moment. C'est aussi pour cela que nous avons acheté du velours pendant des années. A raison puisqu'il est de nouveau plébiscité ».

Une histoire de flair

Savoir repérer les pièces prometteuses. C'est à ce savoir-faire qui ne s'apprend pas dans les écoles qu'Eureka doit sa longévité. Ses acheteurs écument les usines des collecteurs à travers la planète en quête bonnes affaires, aiguillés par Bernard Graf, le fondateur. « Un visionnaire avant-gardiste qui a toujours su flairer les tendances », disent ses équipes. L'homme est justement en partance avec plusieurs de ses acheteurs. Direction l'Inde où il doit donner des consignes de tri à ses fournisseurs. Rayures ou fleurs, coton ou fourrure synthétique : la commande sera précise.

En interne, le boss est connu pour son intuition. Sa botte secrète ? Une connaissance encyclopédique de la mode, un réseau de fournisseurs en acier trempé, fruit de presque un demi-siècle de coopérations. « Je les ai tous fait sauter sur mes genoux », s'amuse l'intéressé. Et un flair de limier. « Ici je dispose d'une bonne tour de contrôle qui me permet de voir ce qui attire les créateurs, raconte t-il. Mais il m'arrive aussi souvent de m'installer en terrasse pour humer l'air du temps ».

Le vintage a pignon sur rue

Pour écouler sa marchandise, l'entreprise de Bernard Graf a l'embarras du choix. Outre les clients de ses dépôts, il dispose de son propre réseau de boutiques : l'historique Killiwatch dans le quartier des Halles à Paris ouvert en 1985, la vingtaine d'enseignes Kiloshop (en France, Grèce et au Japon) dont il veut doubler le nombre d'ici trois ans ainsi que le réseau Hippy Market, spécialisé dans les années 60 et 70.

Depuis quelques années, il s'immisce  aussi dans le haut de gamme à la faveur de l'engouement des consomm'acteurs pour le déjà porté. Créée en 2009, sa marque d'upcycling (recyclage) Culture Vintage a ainsi fait son entrée au BHV Marais et dans les 45 « corners » des Galeries Lafayette dédiés aux vêtements seconde main. « Ce sont par exemple des chemises converties en sacs bandoulières, des jeans recyclés en shorts ou des vestes à la coupe repensée », détaille Eric Rey.

La stratégie de gagne terrain de DB Invest pourrait bien se révéler payante. Selon la plateforme de revente américaine thredUP*, le marché mondial du vêtement d'occasion dépassera celui de la mode éphémère en 2030.

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*Donnée issue du « 2021 resale report » de thredUP

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Commentaire 1
à écrit le 06/04/2022 à 9:00
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Jamais entendu parlé de cette boîte - marque …aucune pub sur le net pas sur qu en région parisienne elle est une présence … face aux majors dû secteurs textiles

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