Les entreprises françaises se préparent au risque d’invasion de Taïwan par la Chine

Une étude du cabinet AgileBuyer et du Conseil national des achats publiée ce mardi indique que 26% des entreprises françaises anticipent une attaque de la Chine sur Taïwan en ayant préparé des sources d’approvisionnement alternatifs en cas d’indisponibilité de leur fournisseur taïwanais.
L'entreprise TSMC fournit près de 50% de la production mondiale de micropuces de taille inférieure à 10 nm.
L'entreprise TSMC fournit près de 50% de la production mondiale de micropuces de taille inférieure à 10 nm. (Crédits : Ann Wang)

L'invasion de l'Ukraine par la Russie a marqué les esprits des chefs d'entreprises français. Et ces derniers veulent maintenant se parer contre tout nouveau risque géo-politique. Parmi les directions des achats au sein des entreprises françaises, 26% « ont élaboré un plan d'achats spécifique en cas d'invasion de Taïwan par la Chine », selon une étude annuelle publiée ce mardi par le cabinet AgileBuyer et le Conseil national des achats, qui réunit de nombreux responsables des achats en entreprises.

« La  guerre en Ukraine, c'est juste un petit apéro »

« Taïwan est un des premiers fournisseurs en termes de composants électroniques et dans de nombreux secteurs, à l'exemple de l'aéronautique et de l'automobile », rappellent les auteurs qui ont interrogé près de 900 professionnels entre le 15 novembre et le 6 décembre 2022, dont 42% travaillant au sein de grands groupes et 37% au sein d'entreprises de taille intermédiaire comportant entre 250 et 4.999 salariés. « Longtemps, les entreprises n'ont pas anticipé le risque : on a eu les gilets jaunes, le Covid, l'Ukraine, il y a donc maintenant un travail beaucoup plus important sur la gestion des risques », a affirmé à l'AFP Olivier Wajnzstok, directeur d'AgileBuyer. Selon lui, « les conséquences de la guerre en Ukraine, c'est juste un petit apéro par rapport aux conséquences s'il y a une invasion de Taïwan ».

L'entreprise phare de l'ile est d'ailleurs Taiwan Semiconductor Manufacturing Company, une société qui exploite les plus grandes usines de plaquettes de silicium du monde pour faire des puces, les cerveaux de tous nos appareils électroniques. Ses puces de haute-technologie sont employées dans de nombreux domaines, des smartphones aux voitures en passant par les missiles. Une entreprise qui domine largement le marché en fournissant à lui seul près de 50% de la production mondiale de micropuces de taille inférieure à 10 nm et qui possède une avance technologique importante. Le géant taïwanais a déclaré le 29 décembre avoir débuté la production de masse de micropuces de 3 nanomètres, les semi-conducteurs parmi les plus avancés du marché. La rupture de la chaîne d'approvisionnement taïwanaise aurait donc de fortes répercussions sur les entreprises françaises.

Lire aussiSi Pékin envahit Taïwan, l'économie chinoise sera bloquée, avertit le Pdg de TSMC, leader mondial des semi-conducteurs

L'invasion de Taïwan, le prochain grand conflit international ?

Pékin considère en effet Taïwan comme une partie de son territoire à reconquérir un jour et est devenu plus menaçant envers l'île sous la présidence de Xi Jinping. Cette année, la Chine a réagi avec colère aux visites à Taïwan de responsables politiques, notamment américains, organisant d'importantes manœuvres militaires. Le géant asiatique protestait notamment contre la venue en août de la présidente de la Chambre américaine des représentants, Nancy Pelosi, faisant grimper les tensions à un niveau inédit depuis plusieurs années.

En décembre 2022, la situation a encore évolué avec la promulgation d'une loi américaine sur les dépenses en matière de défense qui prévoit notamment une aide militaire de 10 milliards de dollars (9,4 milliards d'euros) à Taïwan. Ce texte permet de fournir jusqu'à 2 milliards de dollars d'aide annuelle à Taïwan de 2023 à 2027. En réponse à l'adoption du texte par la Chambre américaine des représentants, avant sa promulgation, Pékin avait déjà déclaré être « fermement opposé à ce que les États-Unis se servent de la Loi d'autorisation de la Défense nationale pour adopter des dispositions négatives au sujet de la Chine ». En décembre toujours, le ministère taïwanais de la Défense a affirmé que la Chine avait déployé le week-end dernier 71 avions de combat pour conduire des exercices militaires autour de Taïwan, dans l'une des incursions quotidiennes les plus importantes jamais réalisées dans l'espace aérien contrôlé par Taïwan. L'armée de Pékin a décrit les manœuvres comme étant un « exercice de frappe » conduit en réponse à des « provocations » non précisées et à la « collusion » entre les États-Unis et l'île autonome.

Lire aussiTaïwan, Covid, Ukraine... la Chine de Xi Jinping se prépare à entrer dans une nouvelle ère sécuritaire

Les problèmes de fournisseurs, un risque bien réel

S'il est parfois difficile de changer de fournisseur comme dans le cas de certaines puces électroniques pour lesquelles Taïwan détient une part écrasante de la production mondiale, les directions des achats essaient le plus possible de diversifier leurs sources d'approvisionnement. Près d'une entreprise sur deux envisage ainsi de relocaliser ses achats. Selon l'étude, on parle désormais du « friendshoring » pour désigner une relocalisation des approvisionnements dans un pays ami, une pratique dont « l'Inde bénéficie de façon extraordinaire », selon Olivier Wajnzstok. La peur d'un conflit sino-taïwanais pourrait aussi profiter au géant coréen Samsung, le principal concurrent de TSMC.

En 2023 comme l'an passé, le coût élevé de l'énergie est devenu un risque important pour les entreprises. La bonne nouvelle est que « 68% des directions achats sont couvertes à 50% et plus sur leurs contrats d'énergie », d'après l'étude. Mais toutes les entreprises ne se sont pas couvertes à l'avance contre l'imprévu, souligne le directeur d'AgileBuyer. D'une manière générale, les fournisseurs sont désormais souvent en position de force pour renégocier leurs tarifs. 87% des entreprises interrogées se disent forcées de renégocier en raison de l'inflation et plus de quatre directions des achats sur cinq estiment que certains fournisseurs profitent d'une « aubaine » et pratiquent une « inflation opportuniste », 15% jugeant même que ce comportement de profiteur est majoritaire. Enfin, près d'un directeur des achats sur deux se dit confronté à des fournisseurs qui « vont jusqu'à casser des contrats » indique l'étude.

(Avec AFP)

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 10/01/2023 à 11:59
Signaler
S'il y a une action de la Chine, c'est qu'il y aura eu provocation à l'image de l'Ukraine et de la Russie ! Les sanctions seront pour "notre pomme" ! ;-)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.