LGBT+ au travail, le mode d'emploi d'Alain Gavand (Autre Cercle)

INTERVIEW. Alain Gavand, vice-président de l'Autre Cercle est l'auteur d'un guide consacré à l'entreprise et le chef de projet de l'édition 2019 « Rôles modèles LGBT+ ». Coming out, actes LGBT-phobes... : comment agir ?
Alain Gavand, chargé de cours à l'IAE de Paris (Panthéon-Sorbonne), Alain Gavand intervient auprès des entreprises en cabinet conseil RH.
Alain Gavand, chargé de cours à l'IAE de Paris (Panthéon-Sorbonne), Alain Gavand intervient auprès des entreprises en cabinet conseil RH. (Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE - Un salarié doit-il faire son coming out au sein de son entreprise ?

ALAIN GAVAND -  « Sortir du placard », autrement dit, indiquer volontairement son orientation sexuelle ou son identité de genre, lorsque l'environnement y est propice, apporte, selon ceux et celles qui l'ont fait, un mieux-être au travail et une plus grande performance. Reste que c'est une décision personnelle, qui doit tenir compte à la fois de l'aisance par rapport à l'orientation sexuelle ou l'identité de genre et de l'environnement professionnel. Si celui-ci est inclusif à l'égard des personnes LGBT+, c'est un argument en faveur de la visibilité.

Dans le cas contraire, il est préférable d'évaluer les risques, en ce qui concerne la carrière ou en matière d'intégration dans les équipes, avant de prendre une telle décision, qui reste dans bien des cas un acte courageux et récurrent : chaque nouvelle rencontre nécessite en effet une évaluation de la prise de risques.

L'outing, de quoi s'agit-il ?

Il ne faut pas confondre coming out et outing ! À la différence de l'acte volontaire et personnel qu'est le coming out, l'outing désigne l'acte de révéler l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne sans son accord, d'une grande violence pour la personne outée, qui peut l'exposer et la fragiliser.

L'orientation sexuelle, une question de vie privée ?

Être visible, en tant que personne LGBT+, ne signifie pas parler de sa sexualité ! C'est la volonté d'être soi. Ainsi, lorsqu'une personne hétérosexuelle évoque son weekend en famille, vient avec son ou sa conjointe à un afterwork avec ses collègues, on ne lui reproche pas d'introduire sa vie privée au travail ! Il en va donc de même pour les personnes LGBT+.

Faut-il réagir face aux stéréotypes ?

Difficile de préconiser aux personnes LGBT+ une réaction-type face à l'expression de stéréotypes les concernant, compte tenu de la diversité des contextes et des situations personnelles. Le contexte, d'abord. Si celui-ci est particulièrement LGBT-phobe, il est évidemment plus délicat de réagir. En revanche, dans un environnement professionnel inclusif, où les managers, les collaborateurs et collaboratrices sont sensibilisés à ces problématiques, il est plus aisé d'intervenir.

La situation personnelle, ensuite. Visibilité et aisance, en ce qui concerne l'orientation sexuelle et l'identité de genre, sont déterminantes. Nombreuses sont les personnes LGBT+ qui considèrent que la meilleure solution pour prévenir les stéréotypes est la visibilité. De fait, l'invisibilité empêche souvent la cible des stéréotypes d'amorcer un dialogue.

Comment réagir ?

La meilleure réponse à apporter face à l'expression d'un stéréotype dans l'environnement professionnel est d'abord de le relever et de ne pas faire comme si l'on n'avait rien entendu. Le simple fait de demander à l'auteur de ces propos ce qu'il veut dire peut le désarmer, comme « Qu'entends-tu par : "Cen'est pasun boulot de pédé" ? ». On peut également exprimer son malaise. La contestation n'est pas frontale ni accusatoire, et l'impact est souvent fort. Enfin, il peut être bon de rappeler que les stéréotypes ne sont que des croyances procédant souvent d'une généralisation abusive, pour démontrer le caractère erroné de ses représentations.

Ainsi, « Tu ne penses pas que réduire les gays aux métiers de la mode, du design ou de la coiffure est un stéréotype ? » Sans oublier des questions comme : « Sais-tu qu'Alexandre le Grand et Buffalo Bill étaient homosexuels, de même que Gareth Thomas, l'ancien capitaine de l'équipe de rugby du Pays de Galles ? » Enfin, le ton de l'humour peut être utilisé, selon les contextes.

Face à des actes LGBT-phobes, que faire ?

La LGBT-phobie peut être le fait des employeurs ou des responsables hiérarchiques. Ces derniers peuvent aussi couvrir ou ne pas prendre au sérieux des comportements LGBT-phobes de salariées ou salariés à l'égard d'un collègue. Dans ce cas, la personne LGBT+ ou les témoins de ces actes peuvent apporter des réponses plus formelles ou plus collectives :

- alerter les ressources humaines, son manager ou les représentants du personnel ;

- dans certaines organisations, il existe des cellules d'écoute dédiées aux situations de discrimination ou aux risques psychosociaux. Cette voie de recours peut également être utilisée ;

- la personne victime de LGBT-phobie peut également contacter SOS homophobie, qui assure un service d'écoute téléphonique national pour les personnes victimes ou témoins d'actes ou de discriminations LGBT-phobes. Ce service est anonyme (01 48 06 42 41).

- dans les grandes organisations où des réseaux LGBT+ ont été constitués, il est également possible de s'adresser à eux afin d'étudier la meilleure réaction à adopter et de mettre en place des actions de prévention ;

- enfin, dans le cas de discrimination, tous les recours extrajudiciaires, comme la saisine du Défenseur des droits, ou judiciaires, peuvent également être envisagés.

Transidentité : comment la gérer ?

La transidentité est un sujet rarement abordé dans l'entreprise ou l'administration. Pourtant, il est crucial que les personnes transgenres restent intégrées au collectif de travail à toutes les étapes de leur vie professionnelle, de l'embauche à l'évolution de carrière, y compris lors de leur transition.

La co-construction, l'écoute et l'ouverture sont alors des concepts clés pour réunir toutes les conditions nécessaires à la création d'un espace professionnel inclusif et respectueux pour toutes et tous permettant aux personnes transgenres de l'envisager comme un lieu possible pour elles. Dans cette optique, les associations transgenres sont des ressources. L'Autre Cercle a récemment édité, en collaboration avec l'Association nationale des DRH, un guide de bonnes pratiques afin d'accompagner les DRH et managers sur le sujet de la transidentité dans l'entreprise, disponible sur le site des deux associations.

PROFIL

  • 2006 : publie Prévenir la discrimination à l'embauche. Pourquoi et comment agir ? (Éditions d'Organisation, 304 pages, 25,30 euros).
  • 2009 : crée le blog Nouvelle Donne RH (https:// alaingavand. typepad.com).
  • 2006-2011: préside l'association À Compétence égale, qu'il a créée, réunissant les cabinets de recrutement engagés dans la lutte contre les discriminations.

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