Quand L’Oréal recrute des “geeks“ pour mieux vendre ses rouges à lèvres en ligne…

Le numéro un mondial de la cosmétique a engagé en 2013 une équipe de scientifiques et de développeurs chargés d’inventer la “beauté connectée“. Leur première trouvaille dévoilée pendant le festival de Cannes est une application de réalité augmentée, qui propose de tester des produits de maquillage directement sur son smartphone.
Marina Torre
La mission des développeurs de l'application de "beauté connectée" de L'Oréal consiste à imaginer le concept qui révolutionnera la vente de produits de beauté.

Smartphone, mon beau smartphone, dis-moi qui est la mieux… maquillée! La très vaniteuse reine du conte des frères Grimm aurait probablement adhéré au concept de Makeup Genius. Ce service mobile proposé par L'Oréal vise à suggérer des achats en ligne de mascaras, rouges à lèvres et autres blushs en permettant de tester sur son mobile et en direct la combinaison qui collera le mieux au teint de l'utilisatrice (ou de l'utilisateur).

Le principe? L'appareil enregistre grâce à sa caméra intégrée des données sur la couleur de la peau et la forme du visage de l'utilisatrice (ou de l'utilisateur, du moment qu'il n'a pas de barbe) pendant qu'il ou elle se mire sur son écran. Ensuite un algorithme calcule la combinaison parfaite pour que chaque "produit" virtuellement appliqué sur sa peau, ses cils ou ses lèvres paraisse le plus naturel possible. Il ne reste plus à l'acheteur(se) potentiel(le) qu'à cliquer pour commander.

800 produits de beauté par minute

Voilà de quoi fluidifier encore plus le e-commerce et surtout le m-commerce en pleine expansion. En Chine par exemple, où un internaute sur deux a déjà acheté un produit via son mobile, L'Oréal Paris réalise la moitié de l'ensemble de ses ventes en ligne dans le monde. Plus impressionnant encore: près de 800 produits de beauté sont achetés en ligne à chaque minute selon des chiffres fournis par le géant du e-commerce Alibaba…

En France, les consommateurs qui disposent de plus de points de vente physiques pour leurs achats, se montrent bien plus réticents. D'après le cabinet d'études Xerfi, la catégorie à laquelle appartiennent les produits cosmétiques ne représente que la 6e parmi celles qui sont les plus achetées en ligne. Elle est la deuxième en Chine. Pas étonnant que le pays au milliard d'habitants fasse partie des rares marchés choisis par L'Oréal pour lancer son application.

Des biologistes, des physiciens... 

Pour dégoter cette dernière, le groupe français a choisi de mettre plutôt le cap à l'ouest, direction les Etats-Unis. A Clark, dans le New Jersey, il a installé une équipe de quinze personnes aux compétences hétéroclites. Y sont réunis des physiciens, biologistes, statisticiens ou encore des développeurs web dirigés par Guive Balooch, lui-même docteur en biologie moléculaire spécialiste de la biomécanique et ex-employé de l'industrie pharmaceutique. 

"Chacun apporte une expertise différente, qu'il faut ensuite combiner de la façon la plus inclusive possible. Nous travaillons un peu comme une start-up", raconte le directeur du "Connected beauty incubator" (Incubateur de beauté connectée), Californien d'origine, qui se dit habitué à ce type d'ambiance. 

Des start-up du monde entier

Pour créer l'application Makeup Genius, il a d'ailleurs fait appel à une jeune pousse californienne, Image Metrics, spécialisée dans l'animation pour le cinéma. C'est elle qui a notamment œuvré à "rajeunir" Brad Pitt sur grand écran dans le film Benjamin Button. Un choix qui se révèlerait "emblématique" de la méthode employée par son incubateur.

"Nous nous sommes demandés de quelles expertise scientifique nous avions besoin", indique Guive Balooch, "ensuite nous sommes allés chercher ceux qui la maîtrisaient". Avec les développeurs d'Image Metrics, qu'il considère comme " probablement les meilleurs du monde dans ce domaine", il a conclu un partenariat exclusif.  "Ils fournissent la technologie de détection, nous apportons notre expertise en matière de couleur", explique le scientifique.

De la même manière, le responsable de ce laboratoire de recherche s'est rapproché d'autres jeunes entreprises des nouvelles technologies "à travers le monde et notamment en France". Le directeur de l'incubateur de L'Oréal reste très secret sur leur nom.

Bientôt des capteurs d'odeur? 

Même discrétion sur les autres champs de recherche explorés par son équipe. Sans reconnaître travailler spécifiquement sur les outils technologiques permettant de reproduire l'effet du toucher ou de l'odorat, Guive Balooch admet être très attentif aux capteurs sensoriels :

"C'est un domaine extrêmement intéressant qui évolue très vite, donc nous étudions bien sûr ces capteurs. Ce qui nous intéresse c'est la façon dont ils peuvent améliorer les performances du produit."

 >> Téléphonie mobile: on pourra bientôt envoyer... des odeurs

L'expérience du "miroir virtuel"

Car, à la différence des autres chercheurs travaillant directement pour le leader mondial de la cosmétique  - 4.000 dans le monde - , leur but n'est pas de trouver la prochaine molécule miracle, mais plutôt de développer des outils pour "personnaliser" davantage les produits ou la fameuse "expérience" que le client est censé vivre lors de leur achat ou de leur utilisation. Celle dont il se souviendra et qui pourrait lui faire tant aimer la marque qu'il aurait tendance à lui rester fidèle... 

Et visiblement, l'expérience du "miroir virtuel" intrigue. Une semaine après son lancement lors du festival de Cannes, le service s'est hissé parmi les cinq applications les plus téléchargées sur l'AppStore d'Apple (elle n'est pas encore disponible sur Android) en France.

Marina Torre

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