De l'explosion du e-commerce en période de confinement à la fermeture des rayons jugés « non-essentiels », les habitudes de consommation des Français n'ont cessé de se redessiner depuis deux ans. L'inflation, qui tutoie désormais les 6% sur un an, les contraint désormais à « faire plus attention » à leurs achats. Si la consommation générale de biens recule de manière continue depuis novembre (-3,9% depuis novembre), la baisse des achats alimentaires ralentit tout autant (-4% depuis novembre).
Deuxième poste de dépenses des ménages juste après le logement, le panier de courses alimentaires s'allège à mesure que de la facture énergétique s'alourdit. En toute logique, l'heure est aux économies.
« Les clients ajustent leurs achats. La recherche de qualité avec des produits plus sains, plus écologiques est mise entre parenthèses. Ils arbitrent, discutent, comparent les prix sur les sites de drive des différentes enseignes. On ne peut pas parler pour l'instant de phénomène de déconsommation », assure à La Tribune Michel-Edouard Leclerc, président du comité stratégique des centres E. Leclerc.
Certains produits tout comme les produits à la coupe et les fruits et légumes se voient sacrifiés. « Des produits perçus comme un petit plaisir en temps normal », note Rodolphe Bonnasse, spécialiste de la grande distribution. Autre victime des arbitrages des clients, le bio qui « patine et régresse en magasin car les clients redécouvrent son prix », selon Michel-Edouard Leclerc. Une tendance de fond (-3,1 % de ventes en valeur en 2021), amplifiée par l'inflation.
Quelques comportements d'achats précipités et irrationnels
En rayon, les Français délaissent les gammes de produits considérés comme superflues et se recentrent sur les premiers prix et très souvent « le basico-basique, les marques distributeurs, 10 à 20% moins chères que les autres marques », d'après Rodolphe Bonnasse. Autre comportement récurrent que note l'expert dans ce climat anxiogène de crise permanente, « les achats de réassurance », à savoir la ruée sur les biens de première nécessité comme l'huile, les pâtes ou le papier toilette par crainte de pénurie. Dans ses rayons, Michel-Edouard Leclerc observe que « l'achat précipité de ces produits crée des ruptures, mais pas de pénurie. Les fournisseurs disposent encore de stock ».
Les enseignes rivalisent d'inventivité pour attirer ces consommateurs soucieux de protéger leur pouvoir d'achat, sujet qui sature les médias et la publicité. Système U, Casino ou Carrefour multiplient les ventes à « prix coûtant » et autres promotions. Qu'il s'agisse de vendre l'essence à prix coûtant ou la baguette à 29 centimes, Leclerc déploie les mêmes opérations portées par de grandes campagnes de communication, relayées par son médiatique patron. « La baguette de pain, le plein d'essence sont des signaux adressés à nos clients pour être identifiés, montrer qu'on se positionne, qu'on se bat contre l'inflation », justifie Michel-Edouard Leclerc, qui évoque une légère hausse de parts de marché ces derniers mois par rapport à ses concurrents.
Si la dynamique générale est due aux petits calculs budgétaires et à une relative sobriété dans les dépenses alimentaires, certains produits emblématiques gardent les faveurs des familles françaises, assure Rodolphe Bonnasse. Dans une France où « se payer de la marque est déjà un but en soi » pour reprendre les mots du politologue Jérôme Fourquet dans une interview à Challenges, certains produits comme le Coca-Cola ou le Nutella demeurent de puissants marqueurs sociaux. Pour une partie des Français, s'en priver serait vécu comme une forme de déclassement, qu'il ne sont pas tous prêts à accepter pour l'instant.
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