L'inflation relance l'intérêt pour les soldes

ENTRETIEN - Après plusieurs années difficiles pour les boutiques, qui ont notamment provoqué la faillite de plusieurs enseignes de vêtements, les clients sont de retour en magasin pour les soldes 2023. Yohann Petiot, directeur général de l’Alliance du commerce dresse un bilan positif de la première moitié de la période qui a vu l'activité des commerces augmenter de 4%, malgré des perturbations dues aux émeutes.
« Quelques territoires ont été impactés par les émeutes et ont notamment connu une baisse de fréquentation » regrette Yohann Petiot.
« Quelques territoires ont été impactés par les émeutes et ont notamment connu une baisse de fréquentation » regrette Yohann Petiot. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Après le Covid-19 et le retour de l'inflation, comment se porte le secteur du commerce ?

YOHANN PETIOT - Les deux années de Covid, 2020 et 2021, ont été extrêmement impactantes car certains magasins sont restés fermés 7 mois et les Français ont changé leur mode de consommation vers davantage d'achats en ligne. D'ailleurs ce changement reste bien ancré et nous ne constatons pas de recul de l'e-commerce après la fin des restrictions sanitaires, puisque les ventes en ligne ont progressé de 2% au premier semestre et sont même en hausse de 86% par rapport à 2019 A l'inverse, en dehors des zones touristiques qui bénéficient de la réouverture des frontières, l'activité et la fréquentation de nos magasins restent faibles en raison de l'inflation. L'habillement a une sensibilité prix extrêmement forte et les clients font souvent le choix de diminuer leur consommation de vêtements en cas de baisse de leur pouvoir d'achat.

Résultat, malgré la hausse des prix et du panier moyen qui a monté de 5% entre le premier semestre 2022 et le premier semestre 2023, le chiffre d'affaires de notre secteur n'a pas augmenté en valeur, en 2023, et a même beaucoup diminué en volume puisque nous revenons ici sur les niveaux de 2013.

Parallèlement à cette baisse d'activité, nous avons subi une hausse des coûts sur les matières premières, le transport, l'énergie, les salaires ou encore les loyers que nous n'avons pu que partiellement répercuter en magasins au vu de la réticence des clients. Les entreprises ont donc dû rogner sur leurs marges.

Après cette période difficile, quel bilan faites-vous de la première quinzaine des soldes qui ont commencé le 28 juin dans la plupart des territoires?

Nous avons eu une très bonne première période et notamment un très bon lancement alors que, ces dernières années, les premières journées avaient perdu en intensité. L'inflation a donné un regain d'intérêt aux soldes ! L'activité en magasin a augmenté de 4% par rapport à la même période l'année dernière, au terme des 14 premiers jours. La fréquentation en magasin est elle aussi en légère augmentation de 1%.

Ce regain d'intérêt prouve que les soldes ne sont pas morts, au contraire, car il y a cette année une très forte attente des clients qui cherchent à faire des économies sur leurs achats de vêtements. Il faut néanmoins nuancer les conséquences de cette période car juillet représente 10% de l'activité annuelle des commerces. Les quinze bons jours enregistrés ne sont qu'un petit regain d'activité dans un premier semestre très peu dynamique.

Avez-vous été impacté par les émeutes et les pillages ayant suivi la mort du jeune Nahel ?

Oui, quelques territoires ont été impactés par les émeutes et ont notamment connu une baisse de fréquentation le week-end du 1er et 2 juillet alors que ce premier week-end de soldes est l'un des plus importants de l'année.

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Certains commerces sont encore malheureusement fermés du fait des dégradations subies. Pour ceux qui ont pu rester ouverts, ils ont tout de même pu réaliser une bonne première période de soldes.

Pour aider les commerçants impactés par les émeutes, le gouvernement a reporté la fin des soldes du 25 juillet au 1er août, que pensez-vous de cette décision ?

Nous nous sommes montrés favorables et nous avons salué ce coup de pouce aux commerçants mais soyons raisonnables, l'activité en début de soldes est beaucoup plus importante que la fin.

Et, même s'il est difficile de prévoir l'activité de la deuxième quinzaine des soldes, il est probable qu'elle soit moins bonne car nous arrivons dans une période tardive post 14 juillet, où beaucoup de Français sont en vacances et pensent davantage à dépenser de l'argent dans leurs loisirs d'été que dans des vêtements.

L'environnement économique risque de se dégrader au deuxième semestre 2023 avec une éventuelle récession, cela vous inquiète ?

Les difficultés se poursuivent. Nous avons déjà connu une période difficile cette année puisque le commerce est le premier secteur le plus impacté par ces défaillances avec des fermetures ou des restructurations d'enseignes comme Camaïeu, San Marina, André... qui ont provoqué la suppression de 2.600 emplois depuis le 1er janvier dernier. Aujourd'hui, il y a encore plus de 1.600 emplois menacés dans notre secteur car les procédures judiciaires se multiplient à cause de la faible activité et des coûts qui augmentent suite à l'inflation et aux nouveaux besoins d'investissements.

Il y a notamment une problématique à prendre en compte, aujourd'hui plus que jamais, c'est l'investissement vers la transition numérique et l'e-commerce que les enseignes doivent faire pour sortir leur épingle du jeu face à une concurrence qui reste très dynamique. Le problème c'est que cela coûte très cher à un moment où les financements se font plus rares et plus coûteux.

Tous ces défis vont encore prendre de l'ampleur au deuxième semestre alors même qu'il s'agit d'une période importante pour les commerçants puisque décembre, par exemple, représente 10% du chiffre d'affaires annuel des enseignes. Si la fin de l'année ne se passe pas bien, cela va fortement accentuer les difficultés des commerçants.

Quelles solutions pourraient être apportées par l'Etat pour soutenir les commerçants dans le futur ?

Nous demandons à l'Etat d'aider les commerçants face à la hausse des charges tant immobilières que fiscales.

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Nous contribuerons activement aux travaux qui vont s'ouvrir sur ce sujet au mois de septembre dans le cadre du Conseil national du commerce. Il est possible de limiter la refacturation des charges, c'est-à-dire la répercussion des hausses de charges foncières, des travaux et autres sur les loyers. Il est aussi possible de limiter la hausse des loyers lors du renouvellement des baux, soulager la trésorerie des commerçants en obligeant les bailleurs à faire payer leurs locataires mois par mois et non trois mois en avance comme aujourd'hui. L'objectif de ces travaux doit être de rééquilibrer le rapport de force entre les bailleurs et leurs locataires commerçants notamment dans les centres commerciaux.

Il est aussi très important de soutenir l'investissement des commerces. D'abord les investissements pour la transition écologique puisque les commerces devront réaliser 40% d'économies d'énergie d'ici à 2030 ce qui nécessite énormément de travaux et de moyens. Mais les commerçants pourraient aussi bénéficier de soutiens aux investissements pour la transition numérique grâce à des dispositifs fiscaux avantageux, ou bien en accordant des prêts avec des taux bonifiés.

Commentaires 7
à écrit le 22/07/2023 à 21:00
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Bonjour, Quelques exemples : pantalon femme acheté ils y a 3 semaine, 75 euros , puis acheter le même lors des soldes a 29 euros... Cherche les prix exorbitant... Surtout que cela dois revenir à 10 Euro au Bangladesh... voilà un exemple de la vie ch...

à écrit le 22/07/2023 à 11:58
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La sobriété, qu'elle soit voulue et heureuse ou subie et contrainte ne fait que commencer, pour des raisons de ruissellement inversé des richesses éhonté, et de prise de conscience de l'impasse que constitue notre société de consommation mondialisée....

à écrit le 22/07/2023 à 10:19
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Trop de vêtements de trop mauvaise qualité d'abord et avant tout.

à écrit le 22/07/2023 à 8:30
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Bref... les invendues s'étalent ! Tant que l"on restera dans le cercle : production, publicité, consommation, nous serons maintenue dans un monde artificiel ! :-)

le 22/07/2023 à 9:53
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Moi ce que je constate c'est que les rayons se vides dans les magasins, ce qui malheureusement prouve que les français ont changé de produits acheté a cause des prix. En conclusion la France des travailleurs est devenu très pauvre, bientôt on ne pour...

à écrit le 21/07/2023 à 23:46
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Dès lors que la grande distribution des produits alimentaires se gave sans ménagement aux concepts de "greedflation” et de “shrinkflation - tandis que les pantins du gouvernement ferme toujours les yeux malgré les effets de style - la grande distrib...

à écrit le 21/07/2023 à 20:17
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Les soldes, c'est dommage, j'ai rien à acheter, pas de besoin ni tentation. Même les promos de Lec*, ce sont souvent des produits que je ne consomme pas, acheter pour faire des 'économies' c'est pas toujours malin. "les clients font souvent le choix...

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