
La guerre en Ukraine a fait bondir les prix partout sur le Vieux continent. Après 20 ans de calme plat, l'inflation en zone euro a atteint des niveaux spectaculaires en 2022. L'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) a grimpé à 8,4% en moyenne dans l'Union monétaire et pourrait descendre à 5,4% en 2023 selon les dernières projections de la Banque centrale européenne (BCE). L'inflation ne se rapprocherait de sa cible (2%) qu'à partir de 2025.
En France, l'inflation pourrait ralentir à 5,6% (IPCH) en 2023 après 5,9% en 2022. Les prix pourraient frôler la cible de la BCE de 2% à partir de 2024 (2,4%) et 2025 (1,9%) d'après la Banque de France. Sur le Vieux continent, le coup de frein brutal de l'inflation à 2% en Espagne a laissé espérer un retour durable de la baisse des prix. Mais il reste encore beaucoup d'incertitudes.
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L'inflation sous-jacente qui correspond à l'indice des prix sans les produits les plus volatils, comme l'énergie ou l'alimentation, reste à des niveaux élevés. Dans l'Hexagone, elle pourrait atteindre 4,4% à la fin de l'année 2023. Dans ce contexte, les craintes d'un niveau des prix durablement plus élevé s'amplifient.
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Des prix alimentaires toujours au sommet
Le détail de l'indice général montre que les prix continuent de rester à des niveaux très élevés pour certaines catégories de biens ou services. Le coup de frein dans la surchauffe des prix en est grande partie liée à la baisse des tarifs dans l'énergie. Au moment de l'éclatement de la guerre en Ukraine, les prix du gaz et du pétrole avaient considérablement flambé sur le Vieux continent compte tenu de la dépendance de certains pays comme l'Allemagne.
Dans l'alimentaire, les prix continuent de frôler des sommets autour de 14%. Ce qui reste considérable pour les ménages les plus modestes au regard du poids de ces dépenses dans leur budget. Les prix des produits de nettoyage et d'entretien (+13,6%) ou des services de transports demeurent encore à des niveaux record. Enfin, parmi les autres catégories concernées par des prix élevés, figurent les biens manufacturés (+5,1%).
Des facteurs nouveaux d'inflation selon Artus
Chez les économistes, la question d'un retour de l'inflation à son niveau d'avant pandémie divise profondément. « L'inflation ne va probablement pas revenir à son niveau d'avant-crise car il y a des facteurs nouveaux de hausse des prix comme les coûts de relocalisations de production stratégique », a expliqué à La Tribune, le chef économiste de la banque Natixis, Patrick Artus. La volonté de relocaliser certaines productions stratégiques et de réindustrialiser est portée par plusieurs Etats en Europe.
Dans l'Hexagone, le gouvernement a présenté au printemps son projet de loi industrie verte actuellement en débat au Parlement. Mais le chemin pour réindustrialiser la France et atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 est semé d'embûches. A cela s'ajoutent « le marché du travail qui va se tendre par le vieillissement démographique et la baisse des gains de productivité qui vont apporter un gain d'inflation structurelle », poursuit l'économiste. Au final, « l'inflation moyenne en zone euro pourrait être probablement de 3% », dans les prochaines années.
La Banque centrale européenne (BCE) déterminée à serrer la vis
Face à cette persistance de l'inflation, la Banque centrale européenne a enclenché un durcissement de sa politique monétaire inédit depuis l'été 2022. Après la fin du quantitative easing (QE, ou assouplissement quantitatif), l'institut de Francfort a procédé à une hausse inédite des taux d'intérêt record depuis l'arrivée de l'euro au début des années 2000. La présidente de la BCE Christine Lagarde a montré sa détermination à serrer encore la vis ces dernières semaines. Mais cette poursuite d'une politique monétaire restrictive comporte de nombreux risques. « Aujourd'hui, la demande en volume s'écroule », a souligné Jean-François Robin, responsable de la recherche macro chez Natixis.
La consommation en France a plongé et les investissements marquent le pas dans le privé et le public. La récession technique enregistrée en zone euro sur les six premiers mois de l'année pourrait se prolonger au-delà de 2023 creusant le fossé entre les Etats-Unis, la Chine et l'Union monétaire. Chez les économistes, plusieurs plaident pour un relèvement de l'objectif d'inflation de la banque centrale. « La Banque centrale européenne doit-elle garder une cible d'inflation à 2% alors que l'inflation est nettement supérieure à 2% ? Dans cette configuration, elle risque d'avoir une politique monétaire durablement restrictive. Ce qui entraînera une politique budgétaire restrictive compte tenu des taux d'intérêt élevés », prévient Patrick Artus. Même son de cloche chez l'ancien chef économiste du FMI Olivier Blanchard. Reste à voir s'ils seront entendus à la BCE.
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