Pourquoi les marges de l'industrie agroalimentaire résistent mieux que celles des distribution

Les grands groupes agroalimentaires voient leurs coûts de production diminuer alors que les prix, arrêtés en mars, restent hauts. Leurs niveaux de marges provoquent la colère du gouvernement et des distributeurs, toujours prompts à des dénoncer les tarifs de leurs fournisseurs.
(Crédits : Reuters)

Dans l'interminable guerre des prix que se livrent industriels agroalimentaires et distributeurs, Bruno Le Maire joue les juges de paix. Cette semaine, le ministre de l'Economie a pris le parti de la grande distribution, qui accuse ses fournisseurs de profiter de l'inflation pour gonfler ses marges.

Lire aussi« Les profiteurs de crise », un mythe des périodes d'inflation

« Nous ne laisserons pas les grands industriels faire des marges indues ou des rentes sur des prix de gros qui sont en train de baisser », a-t-il pointé mardi sur RMC, avant d'exhorter les grands groupes de l'agroalimentaire à « revenir à la table des négociations avec les distributeurs ».

Deux rapports sont venus avertir Bercy de l'état des marges des industriels agroalimentaires. Selon l'Inspection des finances, l'inflation alimentaire qui culmine à 15,9% en mars s'explique, entre autres, par « la restauration des marges dans le secteur de l'industrie agroalimentaire au second semestre 2022 ».

Négociations habiles

L'étude annuelle du cabinet McKinsey sur la distribution en Europe est venue appuyer ce constat. L'an dernier, les marges des distributeurs se sont contractées de 1% quand celles des industriels ne reculaient que de 0,8%.

Si les deux secteurs affichent en temps normal des niveaux de marges faibles, les multinationales ont su les optimiser avec habileté dans un contexte inflationniste.

« Les grands groupes internationaux comme Nestlé, Danone, Unilever ont su passer les hausses de prix aux distributeurs de 10% en moyenne, en invoquant l'envolée des matières premières, de l'énergie lorsqu'elles étaient au plus haut. Ils ont d'ailleurs fait plus que répercuter la hausse de leurs coûts de production. Cela s'est vu dans leurs profits », explique Rodolphe Bonnasse, consultant spécialiste de la grande distribution, qui souligne les excellents résultats de l'exercice 2022 d'Unilever, dont le bénéfice a crû de 26% en 2022.

Après la saison des négociations industriels-distributeurs de décembre au 1er mars, les prix sont en théorie figés. Or, les cours du blé, du fret ou du pétrole sont de nouveau orientés à la baisse. « Les industriels profitent d'un effet d'aubaine. Leurs prix restent fixés haut et leurs coûts diminuent », poursuit Rodolphe Bonnasse. Agacés, distributeurs et gouvernement appellent désormais les marques de l'agroalimentaire à rouvrir des négociations exceptionnelles.

Sous la pression du gouvernement et des fournisseurs

« Cela pourrait permettre de faire baisser les prix à la rentrée. Les prix de certains produits comme les pâtes ou le café, ou même les céréales, pourraient déjà être revus à la baisse. Mais, le problème, c'est que les industriels ne veulent pas se mettre autour de la table », dénonçait lundi le PDG de Système U Dominique Schelcher dans un entretien à La Tribune.

Le scénario de 2022 devrait se répliquer, à l'envers. En avril de l'année dernière, distributeurs et industriels avaient accepté de rediscuter leurs prix. A l'époque, c'était à la demande des industriels, frappés par la hausse des prix des denrées alimentaires, de l'énergie et des matériaux d'emballage. Bercy est aujourd'hui à la manœuvre.

Lire aussi« L'inflation sur les produits alimentaires est devenue structurelle » (Dominique Schelcher, Système U)

Dans son obsession du pouvoir d'achat, Bruno le Maire a pris la plume pour demander aux industriels de raboter leurs prix. Le ministre souhaite imposer des clauses de revoyure permanente dans les négociations, afin que la moindre détente sur les coûts de production se traduise par une baisse de prix rapide en rayon.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.