Pour ou contre : faut-il une hausse générale des salaires face à l'inflation ? (Jonathan Marie face à Sylvain Bersinger)

Plus forte que les hausses salariales en 2022, l'inflation grignote le pouvoir d'achat des Français. Dans les cortèges de manifestants, les demandes de hausses des salaires reviennent aussi souvent que les slogans hostiles à la réforme des retraites. Faut-il pour autant une hausse générale des salaires face à l'inflation ? C'est le débat de la semaine entre Jonathan Marie, membre des Economistes atterrés, et Sylvain Bersinger, économiste du cabinet Asterès.
(Crédits : DR)

La hausse des prix va encore durer plusieurs mois. Même si la Banque de France vient de réviser à la baisse ses prévisions d'inflation pour 2023, à 5,4% en moyenne annuelle contre 6% attendu jusqu'ici, un retour à une stabilité des prix ciblée à +2%, n'est pas attendue avant deux ans (+ 2,4% en 2024 et +1,9% en 2025). Surtout, l'évolution de la structure de l'inflation impacte le pouvoir d'achat des Français. Et pour cause : avec une hausse qui pourrait atteindre 15% sur un an en juin, les prix alimentaires ont pris le relais de ceux de l'énergie comme principal moteur de l'inflation. De quoi rogner le budget des ménages qui n'est pas protégé par un bouclier alimentaire comme c'est encore le cas dans l'énergie.

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Dans les cortèges de manifestations, les revendications sur les hausses salariales côtoient les demandes de retrait de la réforme des retraites. Si le salaire mensuel brut a progressé de 3,8% en 2022, le rythme reste inférieur à celui de l'inflation annuelle (+5,2%), synonyme de baisse du pouvoir d'achat réel. Plus qu'une simple augmentation, 87% des Français souhaiteraient même réindexer les salaires sur l'inflation, comme c'était le cas jusqu'en 1982, au risque d'alimenter une boucle salaire-prix qui pourrait perpétuer l'inflation.

Alors, faut-il une augmentation générale des salaires face à l'inflation ?

POUR Jonathan Marie

L'inflation demeure élevée et progresse même depuis janvier, atteignant 6,3% par an en février 2023 en France indique l'Insee. Depuis mars 2020, les prix à la consommation ont déjà augmenté de près de 11%. La progression nominale des salaires est plus faible : les salaires réels diminuent. La part des salaires dans le PIB se contracte, au profit de celle de la rémunération du capital. Depuis l'été 2022, la Banque Centrale Européenne a décidé de modifier sa politique monétaire, pour « éviter le déclenchement d'une boucle prix-salaires ». Selon le discours officiel, la hausse des taux d'intérêt vise, par l'augmentation du coût de l'endettement, à freiner la demande, tout en favorisant la reformulation des anticipations d'inflation sur un rythme d'inflation de 2%. Ainsi, salariés comme entrepreneurs s'abstiendraient de rechercher des hausses de salaires ou de prix supérieures à ce rythme. C'est cette logique qui a poussé la BCE à augmenter ses taux directeurs une nouvelle fois le 16 mars, portant le principal taux à 3,50% quand il était de 0% jusqu'au 27 juillet 2022.

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Cette politique est inefficace. Elle ne s'attaque pas aux causes de l'inflation actuelle, initiée par des chocs externes et qui se propage par capillarité à l'ensemble de l'économie via la recherche du maintien des marges des entreprises. Dans certains secteurs, les taux de marge s'élèvent dans une boucle « prix-profits ». La désinflation est alors bien moins rapide qu'escomptée. Inefficace et déstabilisante, il faut changer de politique désinflationniste. Et ne pas perdre de vue d'autres objectifs : rechercher le plein-emploi et favoriser la transition écologique.

A court terme, il faut décourager la réalisation de surprofits ; des contrôles de prix peuvent ici être utiles, tout comme la fiscalité, pour décourager de nouvelles hausses de prix. A plus long terme, il faut réduire la dépendance aux importations et donc la possibilité de survenue de chocs externes, et articuler étroitement politiques industrielles et commerciales avec les objectifs de transition écologique. Cette dernière nécessite des investissements massifs : la politique monétaire ne doit pas être restrictive.

Enfin, pour éviter la récession qui menace mais aussi pour permettre de déclencher de nouveaux modes de consommation cohérents avec la transition, les salaires réels ne doivent plus continuer de se réduire. Il est indispensable que les salaires progressent, pour limiter les effets de répartition récessifs induits par l'inflation récente. L'indexation des salaires est un outil utile.

CONTRE Sylvain Bersinger

Face au choc inflationniste inédit depuis une quarantaine d'années, la tentation est grande de procéder à des hausses de salaires au moins égales à la progression des prix. Cependant, une envolée généralisée des salaires se traduirait par encore plus d'inflation, ce qui ne génèrerait pas nécessairement des gains de pouvoir d'achat. Le choc inflationniste et les pertes de pouvoir d'achat qu'il entraîne implique de procéder à certaines hausses de salaires.

Ainsi, le SMIC est indexé sur l'inflation (plus précisément sur l'inflation supportée par les 20 % des Français les plus modestes), une mesure judicieuse pour préserver le pouvoir d'achat des salariés les plus modestes. De plus, il est légitime pour les salariés de demander une hausse de rémunération dans un contexte où les entreprises sont globalement parvenues à maintenir leurs marges (avec de grandes disparités selon les entreprises et les secteurs), ce qui implique qu'elles aient répercuté leurs hausses de coûts dans leurs prix.

Cependant, passer à une indexation généralisée des salaires sur l'inflation (comme c'est le cas pour le SMIC) accroîtrait les coûts des entreprises, et attiserait encore plus l'inflation. Suite à un choc inflationniste, comme cela a été le cas depuis 2021 avec la flambée du prix des matières premières, la crainte est celle d'une « boucle prix-salaires », c'est-à-dire une situation dans laquelle la flambée des prix entraîne un bond des salaires qui, à son tour, conduit à une hausse des prix, créant un cycle auto-entretenu d'inflation.

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Actuellement, la France n'est pas dans une telle situation : d'après la Dares, au quatrième trimestre 2022, le salaire mensuel de base était en progression de 3,8 % en glissement annuel, alors que les prix étaient en hausse de 6,0 %. Il n'y a donc pas de surréaction des salaires aux prix, rendant peu probable une spirale inflationniste durable (d'autant plus que le prix des matières premières est orienté à la baisse).

Cette situation conduit à une perte de pouvoir d'achat momentanée des salariés. Les chocs inflationnistes passés se déroulent généralement en deux phases : une première phase dans laquelle les prix augmentent plus vite que les salaires, impliquant une perte de pouvoir d'achat pour les salariés, puis une seconde phase au cours de laquelle l'inflation baisse mais la progression des salaires se maintient, générant un gain de pouvoir d'achat pour les salariés. Une hausse généralisée des salaires réduit la perte de pouvoir d'achat dans la première phase du choc inflationniste, mais réduit également les gains dans la deuxième phase du fait d'une inflation durablement plus élevée.

Commentaires 31
à écrit le 24/03/2023 à 14:32
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Indexer les salaires sur la hausse des prix est une erreur qui a déjà été commise dans le passé, et a bien déréglé les économies in fine, mais on peut raisonnablement penser qu'un peu plus d'argent sur les feuilles de paie des revenus modestes, se re...

le 24/03/2023 à 23:01
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Les augmentations de salaires finissent toujours par creuser le déficit de la balance commerciale car nous importons une grande part de la consommation courante. Les relances de consommation en France relancent l'industrie Chinoise

à écrit le 24/03/2023 à 10:21
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Si l'on baisse les prix, il n'y a plus besoin d'une hausse de salaire ! C'est les "intermédiaires" qui sont à supprimer ! ;-)

le 25/03/2023 à 13:18
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une interuption de salaire pour ceux qui dirige le pays et suppression des pension et retraite au ex dirigeants serais plus digne et logique que les responsables soit sanctionne

à écrit le 24/03/2023 à 10:20
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Si l'on baisse les prix, il n'y plus besoin d'une hausse de salaire ! C'est les "intermédiaires" qui sont a supprimer ! ;-)

à écrit le 24/03/2023 à 7:42
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Il faudrait revaloriser ceux qui sont entre 1500 et 2000 euros, ces métiers intermédiaires qualifiés qui se font rattraper par le smic.

à écrit le 24/03/2023 à 2:23
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L'inflation est le meilleur allié pour résoudre le casse tête des retraites. En augmentant les pensions de 2 à 3 points de moins que l'inflation,, une économie substantielle serait réalisée.

le 24/03/2023 à 7:41
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Sauf qu’on est en gerontocratie, et Macron ne va pas aller contre ses seuls soutiens.

à écrit le 23/03/2023 à 22:23
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"Sylvain Bersinger, économiste du cabinet Asterès." Je pense qu’en disant non ,il aura une augmentation individuelle par son cabinet ,pour la peine ..

à écrit le 23/03/2023 à 18:02
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oui, votre economiste est effectivement afflgeant et a rate ses cours de troisieme annee.......meme ma femme qui n'a pas fait d'etudes d'economie me dit que si on augmente son salaire de 10% et que le boulanger fait pareil, en augmentant le prix de l...

le 23/03/2023 à 20:12
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Sauf que le boulanger a augmenté son pain de 20% en passant de 1,75 euros à 2,10 euros , augmentation largement supérieure au cout de l'énergie sans augmenter les salaires de son personnel .

le 23/03/2023 à 20:58
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alors avec son augmentation elle aura encore moins, ou demandera 20% qui seront refactures au boulanger et a ses employes......c'est dans les cours de troisieme annee (eenfin, c'etait, vu le niveau des gens il est probable que ce soit postpostpost do...

le 23/03/2023 à 23:22
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Ah bon et que font les gens juste au dessus du smic ou à moins 2000€ net et qui n’ ont pas d augmentation de salaire ou d épargne pour amortir? Ils volent ? Ils vous cambriolent ? Tout le monde n est pas comme vous un cadre sup parisien a 4-5000€ ...

à écrit le 23/03/2023 à 16:11
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S'en tenir aux seules augmentations de salaires ne règlera rien si les directions d'entreprises ne redéfinissent pas leurs postes de travail au regard des attentes de leurs collaborateurs entre autre la répartition de la richesse créée captée par l...

le 23/03/2023 à 16:35
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Ce n'est pas le chiffre d'affaire qui fait vivre l'entreprise, mais la rentabilité. Et la première mesure de rentabilité commence par la Valeur Ajouté. Or si l'on regarde ce qui se fait en France, on constate que près de 70% de la VA part dans la Mas...

le 23/03/2023 à 20:21
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idefix il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre oui l'encadrement et les fonctionnels captent l'essentiel de la valeur ajouté au détriment des productifs c'est à dire les vendeurs et tous ceux qui ont les mains dans la cambouis avec...

à écrit le 23/03/2023 à 15:38
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Question stupide dans ce genre de questionnement. La France est constituée à 85% de PME ou TPE, généralement moins de 10 salariés. Donc il y aura les secteurs d'activité et de performance des entreprises CAPABLES d'augmenter de manière substantielle ...

à écrit le 23/03/2023 à 15:17
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Hausse des salaires. Et les retraites aussi!

le 23/03/2023 à 18:34
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Et hausse de l'inflation en conséquence, donc résultat = zéro pourvoir d’achat de plus.

le 23/03/2023 à 23:26
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Certainement pas c est nous les actifs qui payont . Vous voulez plus de sous ? allez bosser !!

le 23/03/2023 à 23:26
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Certainement pas c est nous les actifs qui payont . Vous voulez plus de sous ? allez bosser !!

le 23/03/2023 à 23:27
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Certainement pas c est nous les actifs qui payont . Vous voulez plus de sous ? allez bosser !! Nous on a besoin d épargner pour la retraite qu on aura pas au même niveau que vous vu l endettement que votre génération nous laisse

le 23/03/2023 à 23:27
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Certainement pas c est nous les actifs qui payont . Vous voulez plus de sous ? allez bosser !! Nous on a besoin d épargner pour la retraite qu on aura pas au même niveau que vous vu l endettement que votre génération nous laisse

à écrit le 23/03/2023 à 15:17
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C'est suivant qui le propose, car certain, suivez mon regard, veulent nous le donner d'une main pour mieux nous le reprendre de l'autre !

à écrit le 23/03/2023 à 15:11
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Contre, bien sûr. Il faut accepter la paupérisation de la France. être dans le déni n'est jamais bon

à écrit le 23/03/2023 à 14:57
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Le problème étant qu’une hausse des salaires, aussi souhaitable qu’elle soit, ne se décrète pas. Il faut qu’il y ait une contrepartie en terme de richesse produite et de productivité sinon l’entreprise courre rapidement à sa perte……

à écrit le 23/03/2023 à 14:49
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C'est quoi un salaire trop bas? C'est un salaire qui ne permet pas de vivre dignement. Reste à définir le seuil d'indignite. La qualité du logement est un premier élément de dignité. Les aides aux logement sont au delà du salaire une composante esse...

le 23/03/2023 à 15:39
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Il faudrait définir clairement le but des aides au logement: système pérenne, ou aide temporaire en cas de difficulté. Dans un système fonctionnant bien, il devrait être sensé de vivre de son salaire. Maintenant tout dépend de ce qu'on met dans les...

le 25/03/2023 à 1:30
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Le gros problème, c'est qu'en France, le pouvoir ne tient généralement qu'en achetant la loyauté de ses partisans avec des avantages injustifiés, dit autrement en créant des dysfonctionnements. On en a une illustration caricaturale avec l'électorat d...

à écrit le 23/03/2023 à 14:15
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Si on pense à soi oui mais si on pense aux autres pourquoi faire ? Pour les plus pauvres cela devrait être automatique afin qu'ils ne deviennent pas encore plus pauvre.

le 23/03/2023 à 15:35
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Où place-t-on le seuil de pauvreté ? Cela diffère d'un président à l'autre, mais surtout de la composition familiale et du lieu de vie

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