En arrivant d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine, les vaccins contre le Covid-19 seront sur le marché beaucoup plus tôt que prévu par la plupart des États, jusqu'à l'annonce de la découverte d'un vaccin par le couple Pfizer-BioNtech le 9 novembre. Une bonne nouvelle pour l'ensemble des secteurs d'activité et plus particulièrement pour celui du monde du voyage, dévasté depuis le début de la crise sanitaire.
Même si plusieurs inconnues demeurent concernant les résultats des essais cliniques de ces vaccins, mais aussi leur diffusion aux quatre coins de la planète, et l'acceptation des populations, les récentes annonces sur la découverte d'un vaccin écartent en effet le scénario du pire pour les compagnies aériennes : celui d'une durée beaucoup plus longue pour l'élaboration d'un vaccin, voire celui d'un échec. Elles apportent désormais de la visibilité à un secteur qui naviguait à vue jusque-là, brûlant du cash comme jamais et affichant des pertes financières colossales. Selon l'association internationale du transport aérien (IATA), les résultats financiers cumulés des compagnies aériennes vont se solder en 2020 par une perte nette de 118,5 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires de 328 milliards de dollars.
Pour autant, l'arrivée des vaccins de manière anticipée change-t-elle vraiment la donne pour ce secteur aujourd'hui quasiment à l'arrêt dans de grandes parties du globe, même s'il commence à repartir en Asie et a déjà même retrouvé son niveau d'avant crise en Chine ? Va-t-elle accélérer la reprise du secteur et permettre aux compagnies aériennes de ne pas passer à côté de la prochaine saison d'été, cruciale pour l'ensemble des acteurs du transport aérien ?
Pas d'effet "dopant" du vaccin avant le deuxième semestre
Aujourd'hui, à part Ryanair (voir encadré ci-dessous), personne ne révise pour l'heure ses prévisions d'un retour au niveau de trafic d'avant crise : 2024 pour Alexandre de Juniac, le directeur général de l'IATA, "2024, voire 2025" pour Olivier Jankovec, le directeur général de l'ACI Europe, l'association des aéroports européens. Selon eux, l'arrivée des vaccins ne devrait pas avoir "d'effet dopant sur la reprise" d'après l'expression du directeur de l'ACI Europe, avant le deuxième semestre, voire le dernier trimestre 2021, en raison du rythme de diffusion et de la vaccination, ont-ils dit au Paris Air Forum qui s'est déroulé du 20 au 26 novembre. La plupart des opérateurs interrogés à l'occasion de cet évènement organisé par La Tribune ne voit pas non plus de véritable reprise avant l'été prochain. Résultat : l'an prochain, le trafic aérien mondial devrait encore être en retrait de 50% par rapport à 2019, selon IATA. Même chose en Europe pour l'ACI, qui a néanmoins élaboré un scénario pessimiste à -63%.
Généralisation des tests antigéniques
Aussi, pour la prochaine saison estivale, période traditionnellement stratégique pour le transport aérien à ne surtout pas manquer, plus que la vaccination qui sera encore loin de concerner l'ensemble de la population mondiale à ce moment-là, l'enjeu sera davantage de lever les quarantaines qui existent dans de nombreux pays par la généralisation des tests antigéniques dans les aéroports pour les passagers au départ, afin de créer des "corridors sanitaires". Ce qui passe par la reconnaissance par les États de ces tests rapides, à la fiabilité moindre que les tests PCR. Ce qui n'est pas encore le cas, comme en Espagne par exemple.
"Le vrai scénario de reprise qu'on a dans le viseur, c'est le printemps [qui correspond au début de la saison été dans le transport aérien, Ndlr], cette saison fatidique que l'on ne doit pas manquer. Pour cela, le facteur clé, c'est de lever les quarantaines", explique Thomas Juin, le président de l'Union des aéroports français (UAF).
En l'absence de coordination au niveau européen, ce dernier demande à l'État français de négocier de manière bilatérale avec un certain nombre de pays comme les principaux pays européens, du bassin méditerranéen, le Royaume-Uni, les Etats-Unis... des accords de réciprocité sur l'acceptation de ces tests. Pour autant, tempère Nathalie Stubler, PDG de Transavia, ces tests peuvent encourager la reprise hors phase de confinement. Et personne aujourd'hui ne peut garantir qu'il n'y aura pas de troisième vague au printemps.
Au final, l'année 2021 sera évidemment moins mauvaise que 2020, mais affichera toujours des pertes vertigineuses. Selon l'IATA en effet, le secteur devrait perdre 38,7 milliards de dollars.
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