Reprise : pourquoi les compagnies de "hub" sont désavantagées par rapport aux low-cost

En Europe, après un redémarrage des vols intérieurs, les vols intra-européens vont repartir progressivement avec l'ouverture sélective des frontières ce lundi d'une majorité des pays de l'Espace Schengen, puis suivra à partir de juillet une reprise des vols au compte-gouttes vers certains pays non communautaires. Ce schéma crée des différences entre les compagnies spécialisées sur les vols intra-européens comme les low-cost, et les compagnies positionnées sur le long-courrier comme Air France ou Lufthansa, qui mettront plus de temps à remettre de la capacité en ligne. Dans un système de hub, cette forte exposition au long-courrier impacte le moyen-courrier. Double peine. Elles vont également souffrir d'une exposition plus importante à la clientèle affaires qui risque de mettre plus de temps à reprendre l'avion que la clientèle loisirs. Parmi les low-cost, un modèle comme celui d'Easyjet est plus fragile que celui de Ryanair en cette phase de reprise. Explications.
Fabrice Gliszczynski

Après plus deux mois d'arrêt quasi-complet, les compagnies aériennes et les aéroports redémarrent progressivement leur activité. Comme c'est le cas partout sur la planète, cette reprise sera longue et lente et se fera par paliers : d'abord les vols domestiques en raison des restrictions au voyage vers les pays étrangers, ensuite les vols intra-zones et enfin les vols intercontinentaux. En Europe, après un redémarrage des vols intérieurs, les vols intra-européens vont commencer également à repartir, là aussi de manière très progressive, avec l'ouverture sélective des frontières ce lundi d'une large majorité des pays de l'Espace Schengen, puis suivra à partir de juillet une reprise des vols au compte-gouttes vers certains pays non communautaires.

Le long-courrier reprendra plus tard

Ce schéma de redémarrage se répète partout sur la planète avec des temporalités différentes en fonction de l'évolution de l'épidémie. De fait, il crée des différences entre les opérateurs qui sont spécialisés sur le long-courrier et ceux qui le sont sur le court et moyen-courrier. Et plus précisément en Europe entre les low-cost et les compagnies de "hub" comme Air France et Lufthansa. Disposant d'un réseau court et moyen-courrier destiné à alimenter un réseau long-courrier, ces compagnies de "hub" (moyen/long-courriers) sont de facto désavantagées par rapport aux compagnies spécialisées sur la desserte du marché intra-européen, comme c'est le cas des low-cost comme Ryanair et Easyjet. Pour ces dernières, en effet, l'ouverture des frontières intra-européennes leur permettra d'avoir la totalité de leur terrain de jeu ouvert beaucoup plus rapidement que celui des compagnies fortement exposées aux marchés long-courriers.

"Les low-cost vont bénéficier plus rapidement d'un retour des capacités et vont pouvoir obtenir plus rapidement des coefficients d'occupation corrects", explique Yan  Derocles, analyste chez Oddo BHF.

Le peu de clients long-courriers pèsera sur le moyen-courrier

Remettant en ligne peu de capacités long-courriers du fait des restrictions de voyage mais aussi du choix des passagers de privilégier les destinations proches de chez eux cet été, les compagnies classiques ("legacy" airlines) vont mettre plus de temps pour retrouver un niveau d'offre proche de ce qui était prévu avant la crise. Par conséquent, elles vont se retrouver fragilisées sur le réseau intra-européen car elles seront privées des passagers qui utilisent habituellement les vols court et moyen-courriers pour prendre (ou revenir) sur un vol long-courrier en correspondance. Résultat, une compagnie low-cost comme Easyjet prévoit de remettre 75% de ses capacités d'ici à fin août quand Air France table sur 40%.

Le marché business plombé

A cette opposition entre les modèles s'en ajoute une autre : le type de clientèle ciblé. Le marché affaires étant pour l'heure complètement plombé, les compagnies spécialisées sur la clientèle professionnelle comme le sont les compagnies classiques sont désavantagées par rapport aux compagnies à vocation loisirs, comme les low-cost. Contrairement aux voyage d'affaires, le trafic loisirs pourrait, selon les experts, être moins impacté, notamment celui des personnes se rendant chez des membres de leur famille ou des amis (VFR, visit friends et relative).

Cette différence de comportements entre les deux types de clientèle pourrait durer longtemps à cause des mesures d'interdiction de vols décidées par certaines entreprises pour des raisons sanitaires, mais aussi et surtout par la réduction des budgets voyages des sociétés et l'essor des visioconférences pendant le confinement.

"Sur les trois dernières crises, le marché loisirs est toujours revenu à son niveau d'avant crise, mais pas le marché business", fait valoir Yan Derocles.

Parmi les low-cost, Easyjet est moins avantagée

Mais au sein des compagnies low-cost, il existe des différences. Certaines sont en effet plus focalisées que d'autres sur la clientèle affaires. C'est le cas d'Easyjet notamment qui, depuis sa création il y a près d'un quart de siècle, n'a cessé de courtiser cette clientèle. Le choix d'opérer au départ des grands aéroports dans le but de développer un réseau de destinations et de fréquences apprécié des voyageurs professionnels ainsi que  la mise en place de services dédiés lui ont  permis de séduire un grand nombre d'entreprises. Selon la compagnie, plus de 20% de sa clientèle est composée de voyageurs professionnels.

Plus exposée que d'autres low-cost à la chute du marché affaires, Easyjet sera également fragilisée par la lenteur de la reprise du trafic long-courrier. En effet, même si elle n'assure pas de vols longue distance, la compagnie britannique pourra moins compter pendant plusieurs mois sur les passagers qui empruntaient ses vols pour se rendre vers un aéroport intercontinental comme Roissy-Charles de Gaulle pour prendre leur correspondance sur un vol long-courrier.

Fabrice Gliszczynski

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