Air France-KLM attaque en justice l'Etat néerlandais contre les mesures environnementales à l'aéroport de Schiphol

Le torchon brûle entre KLM et La Haye. Mise en danger par les restrictions que veut imposer le gouvernement néerlandais sur l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol, la compagnie néerlandaise entame une action légale contre celui-ci. Elle est directement soutenue par sa maison-mère, le groupe français Air France-KLM. Comme quoi les choses ont bien changé en un an du côté des Pays-Bas.
Léo Barnier
KLM réagit en portant plainte face au risque de voir son activité se réduire à Schiphol.
KLM réagit en portant plainte face au risque de voir son activité se réduire à Schiphol. (Crédits : Piroschka Van De Wouw)

Le camp néerlandais s'est fissuré. Longtemps uni pour défendre l'intérêt national du temps de Pieter Elbers, l'ancien directeur général de KLM, la compagnie batave et le gouvernement néerlandais s'opposent désormais. La compagnie, filiale du groupe français Air France-KLM, a engagé, avec d'autres compagnies comme Delta,Transavia ou Easyjet, une action légale à l'encontre du gouvernement de La Haye, ainsi que du Royal Schiphol Group, gestionnaire de l'aéroport d'Amsterdam.

Selon un courrier interne que La Tribune s'est procuré, KLM dénonce la décision du gouvernement néerlandais de vouloir limiter le nombre de mouvements, déjà plafonnés, sur l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol en faisant passer le nombre de créneaux d'atterrissage et de décollage de 500.000 à 460.000 par an. Une mesure décidée selon des considérations environnementales.

Après une annonce l'été dernier (avec un objectif de descendre jusqu'à 440.000 mouvements), alors que l'aéroport était en proie à d'importantes perturbations dues à la reprise brutale du trafic, La Haye serait sur le point de passer à l'action. Le courrier indique ainsi que le calendrier s'est accéléré ces derniers jours et qu'un « règlement expérimental » est en préparation. Il pourrait être adopté dès les prochaines semaines « pour fixer un maximum de 460.000 mouvements dès le 1er novembre 2023 ».

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La plainte comme seul recours

Face à cette menace qui pèse sur l'activité de son hub, KLM estime en interne que « ce nouveau calendrier ne (lui) laisse d'autre choix que d'engager cette action légale ». La compagnie dénonce « une approche autoritaire, contraire à l'approche équilibrée prévue par les textes réglementaires européens et internationaux, alors qu'il existe d'autres scénarios pour atteindre le même objectif de réduction de bruit. » Toujours dans ce même courrier, Air France-KLM déclare qu'il « soutient sa compagnie néerlandaise dans sa démarche ».

Interrogé par La Tribune, le groupe a fait savoir qu'il « réitère son opposition au projet du gouvernement néerlandais de restreindre le nombre de mouvements à l'aéroport d'Amsterdam Schiphol. »

Air France-KLM va même plus loin en exprimant « ses préoccupations quant à l'impact et à l'efficacité réelle de la mesure envisagée par le gouvernement néerlandais et le groupe Royal Schiphol ». Il met en avant les risques économiques avec des conséquences sur la connectivité, l'attractivité et l'emploi aux Pays-Bas, ainsi que le risque de « fuite de carbone » avec un report du trafic vers d'autres pays. Le groupe estime par ailleurs être dans les clous pour respecter son objectif de réduction de 30 % de ses émissions de CO2 avec le renouvellement engagé de ses flottes.

Dans une volonté de trouver une porte de sortie, le groupe indique tout de même qu'il « reste à la disposition du gouvernement néerlandais pour discuter plus avant des moyens alternatifs de réduire l'impact environnemental de l'aviation tout en préservant les intérêts nationaux et européens plus larges. »

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Schiphol, pierre angulaire de KLM

De fait, il n'a guère d'autres choix au vu de l'importance vitale de Schiphol pour KLM, seul aéroport d'envergure internationale du pays par lequel transite l'ensemble de ses opérations et une bonne partie de celui de sa filiale à bas coût Transavia Holland. Une telle limitation contraindrait grandement les capacités de développement des deux compagnies, déjà limitées dans leurs perspectives par le plafonnement actuel. A elles seules, les compagnies du groupe Air France-KLM, qui comprennent également Martinair et KLM Cityhopper, représentent 60 % du trafic de l'aéroport.

Comme nous l'annoncions au moment de l'arrivée de Marjan Rintel en juillet 2022, cette question des créneaux est l'un des principaux à relever pour ses débuts en tant que directrice générale de KLM. Si ce règlement expérimental passe, elle va devoir faire des choix forts dans les activités qui seront préservées ou sacrifiées chez KLM, mais aussi chez Transavia Holland.

Cela s'est d'ailleurs déjà senti au moment de la commande d'A320 et A321 NEO passé par Air France-KLM. A l'inverse de Transavia France en pleine croissance, ces nouveaux appareils ne devraient leur servir qu'à remplacer leur flotte dans des proportions équivalentes, soit une cinquantaine d'appareils pour KLM et une quarantaine pour Transavia Holland. Leur seul relai de croissance est de jouer sur la taille des modules, avec l'utilisation des A321 NEO.

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Un gouvernement moins conciliant

C'est en tout cas un retournement pour la compagnie néerlandaise, qui avait souvent pu compter sur le gouvernement néerlandais pour préserver une certaine autonomie face à Air France-KLM. C'était notamment le cas du temps de l'ancien directeur général Pieter Elbers, parti début 2022. En 2019, le ministre des finances Wopke Hoekstra (CDA) avait même organisé dans le plus grand secret un achat d'actions pour accroître sa participation dans le groupe à 14 % et pouvoir gagner en influence au sein du groupe.

Puis, pendant la crise sanitaire, l'Etat néerlandais avait accordé un soutien financier de 3,4 milliards d'euros à KLM, dont un milliard d'euros sous forme d'un prêt direct. Une réflexion était même en cours pour porter le plafond de Schiphol à 540.000 mouvements.

Si des compensations étaient déjà exigées, la situation s'est durcie depuis l'arrivée du nouveau gouvernement néerlandais en janvier 2022 après de longs mois pour constituer une coalition. Si Mark Rutte entame son quatrième mandat de Premier ministre depuis 2010, Wopke Hoekstra a été remplacé par Sigrid Kaag (D66) au ministère des finances moins conciliante.

Léo Barnier

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Commentaires 3
à écrit le 04/03/2023 à 11:25
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Bonjour, Certe le transport aérien est une nuisances importante... Mais tous le monde dois pouvoir vivre et développer sont commerces.... Personnellement je ne comprends pas qu'ils sois impossible de trouver un accords économique et écologique... ...

à écrit le 04/03/2023 à 0:14
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Les Bataves ont raison, les avions sont une source majeure de nuisances.

à écrit le 04/03/2023 à 0:14
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Les Bataves ont raison, les avions sont une source majeure de nuisances.

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