Air France-KLM : Marjan Rintel, la nouvelle figure de proue de KLM entre en scène

A L'AFFICHE. Marjan Rintel s'apprête à prendre les rênes de la plus vieille compagnie aérienne du monde, KLM. Une compagnie néerlandaise mythique certes, mais ancrée au sein d'un groupe français - Air France-KLM - avec qui les relations n'ont pas toujours été faciles, en particulier sous la direction de son prédécesseur, le charismatique Pieter Elbers. Elle aura la lourde tâche de normaliser cette collaboration, tout en assurant la bonne marche de KLM qui affronte à la fois les difficultés opérationnelles de son hub de Schiphol et les velléités décroissionistes du gouvernement néerlandais sur l'aérien.
Léo Barnier
Après avoir dirigé les chemins de fer néerlandais, Marjan Rintel reprend sa trajectoire dans l'aérien à la tête de KLM.
Après avoir dirigé les chemins de fer néerlandais, Marjan Rintel reprend sa trajectoire dans l'aérien à la tête de KLM. (Crédits : DR)

Succéder à Pieter Elbers, patron charismatique de KLM depuis huit ans, autant adulé par ses troupes qu'honni par ses détracteurs, largement reconnu pour ses compétences stratégiques et son talent de meneur... c'est la lourde tâche dévolue à Marjan Rintel, qui devient directrice générale de KLM ce 1er juillet. Elle va non seulement devoir composer avec ce lourd héritage pour tenter d'imposer sa patte sur la compagnie, mais aussi normaliser les relations avec le groupe Air France-KLM et maintenir le dialogue avec l'Etat néerlandais.

La nouvelle patronne de la compagnie néerlandaise, qui s'apprête à fêter ses 55 ans, arrive dans une situation qui s'est améliorée depuis fin mars et l'annonce de sa nomination. Indéniablement, le groupe va mieux. Après avoir essuyé une crise sans précédent, où l'apport des Etats français et néerlandais a été déterminant dans sa survie, Air France-KLM est repartie de l'avant depuis le début de l'année. Le principal objectif de ces derniers mois, à savoir l'augmentation de capital du groupe, a été atteint avec succès, et la dynamique constatée au premier trimestre, qui fut meilleure que celle des concurrents Lufthansa et IAG, semble se confirmer cet été.

KLM s'apprête également à rembourser la dernière tranche des 942 millions d'euros empruntés à l'Etat néerlandais et aux banques en 2020 pour surmonter la crise. Marjan Rintel s'est réjouit de la nouvelle dans une première déclaration officielle, la veille de son entrée en fonctions : « Je suis heureuse de cette étape importante franchie par KLM. En allant de l'avant, je peux et je vais construire sur cette base pour atteindre une santé financière encore meilleure pour KLM dans le futur. »

Pas de round d'observation

Paradoxalement, ce contexte positif va obliger Marjan Rintel à plonger directement dans le grand bain, car le niveau d'activité remonte fortement, au point de tutoyer le niveau de 2019. D'où une pression certaine pour KLM, après deux ans d'activité réduite, voire très réduite. Sans période de rodage, la compagnie doit se montrer rapidement performante en dépit de baisses d'effectifs conséquentes, avec une réduction de 14 % de son personnel durant la crise (en équivalents temps plein). KLM a réussi à préserver en partie ses forces vives grâce au dispositif d'activité partielle et affirme  avoir ajusté ses effectifs dès le premier trimestre pour préparer à la reprise, mais la perte d'expérience n'est pas à négliger.

La nouvelle dirigeante va aussi devoir s'accorder avec le reste de l'écosystème, en particulier à l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol où les scènes chaotiques se sont multipliées ces dernières semaines faute d'effectifs suffisants, notamment chez les prestataires de sûreté. Le problème est si prégnant que le gestionnaire de la plateforme a décidé de l'imiter le nombre de passagers journaliers et juillet, et possiblement pour le reste de l'été. Une décision qui pèse évidemment sur KLM, déjà vent debout face à l'augmentation de 37 % des charges aéroportuaires sur les trois prochaines années.

Cerise sur le « kruimelvlaai », le gouvernement néerlandais en place depuis janvier vient d'annoncer l'abaissement de 14 % du plafond d'activité à Schiphol d'ici à novembre, à 440.000 mouvements annuels, là où le précédent envisageait de l'accroître à 540.000. Cette mesure, prise pour raisons environnementales, va, là aussi, marquer fortement le début de mandat de Marjan Rintel. Elle va devoir faire des choix forts entre les activités appelées à être préservées et celles qui seront sacrifiées, non seulement chez KLM, mais aussi chez sa filiale à bas coût Transavia Holland.

Quinze ans d'expérience dans le groupe

Face à ces défis, Marjan Rintel n'arrive pas démunie. Elle possède une solide expérience, des deux côtés de la barrière qui plus est. Elle a débuté sa carrière chez Schiphol Airport avant d'entrer chez KLM en 1999, où elle a occupé notamment les postes de vice-présidente en charge des opérations du hub puis des ventes pour les Pays-Bas. Elle a ensuite intégré le groupe Air France-KLM en tant directrice du marketing stratégique, où elle est restée jusqu'en 2014.

Bien que bref, ce passage chez Air France-KLM ne sera pas de trop non plus, car Marjan Rintel a en partie été choisie pour rétablir des relations normalisées avec le groupe. Celles-ci ont longtemps été mises à mal par les velléités autonomistes de Pieter Elbers, réputé pour avoir toujours fait passer l'intérêt de KLM avant celui d'Air France-KLM. Plus d'intégration, en particulier dans la collaboration et la coordination avec Air France ou entre les deux Transavia (France et Holland), est ainsi attendue, conformément à la volonté de Ben Smith, directeur général du groupe. Pour autant, Marjan Rintel ne devra pas heurter trop fortement la sensibilité de ses nouvelles troupes, que ce soit du côté des dirigeants dont une partie s'est construite dans le sillage d'Elbers ou du côté des salariés, toujours prompts à dénoncer les tentatives d'ingérence du groupe dans leur compagnie.

La nouvelle directrice générale devra donc faire rapidement l'étal de ses qualités de management, point déterminant dans le choix des dirigeants aux Pays-Bas. Elle a déjà pu les mettre à l'épreuve ces dernières années au sein de Nederlandse Spoorwegen (NS), principal opérateur ferroviaire des Pays-Bas, dont elle a pris la tête à l'été 2020. Le groupe fait alors face à l'effondrement de son trafic en pleine pandémie.

Un observateur néerlandais note d'ailleurs que NS et KLM possèdent une structure assez proche, ainsi qu'une relation similaire avec l'Etat néerlandais et les syndicats. La relation de Marjan Rintel avec ces derniers ne semble pas avoir été de tout repos : en dépit d'une volonté de dialogue affichée dans les médias ou sur son compte Instagram, un responsable de la section ferroviaire du puissant syndicat FNV pointait récemment dans la presse néerlandaise ses difficultés à faire le lien avec les salariés, sa politique effrénée de réduction de coûts, ainsi que son départ précipité après moins de deux ans aux manettes de NS. A l'inverse, le comité central d'entreprise de NS a salué le travail effectué avec elle, ainsi que "son attitude ouverte et impliquée envers tous les employés".

Marjan Rintel, reine des transports néerlandais

Née en 1967 à Rotterdam (Pays-Bas), Marjan Rintel ne se sera jamais éloignée du monde des transports jusqu'à en devenir une figure majeure aux Pays-Bas. Embauchée comme stagiaire à l'aéroport de Schiphol, elle traverse la rue pour entrer chez KLM en 1999 où elle gravit les échelons au sein des différentes directions : opérations, ventes puis marketing, jusqu'à prendre la tête de cette direction au sein du groupe Air France-KLM en 2013. Elle replie ses ailes fin 2014 pour découvrir le ferroviaire au sein de l'opérateur national Nederlandse Spoorwegen (NS). Un temps numéro 2, elle finit par prendre la tête en 2020, s'imposant ainsi sur le devant de la scène.

Léo Barnier

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