En disant, lundi, que l'État était prêt à soutenir les compagnies aériennes françaises autres qu'Air France à condition que leurs actionnaires "puissent faire leur part du chemin", Bruno Le Maire a pu entretenir l'illusion d'une aide de l'État à Corsair qu'il a citée dans ses propos. Il n'en est rien. Vu la position des deux actionnaires privés de Corsair, l'entreprise allemande Intro Aviation, qui détient 53% du capital, et le groupe touristique TUI (27%) (les 20% restants sont détenus par les salariés), la déclaration du ministre des Finances peut être également interprétée comme une fin de non-recevoir aux appels à la rescousse de la compagnie. Comme s'il posait une condition dont il connaissait la réponse.
Pas de participation à une recapitalisation
Car, selon des sources concordantes, les deux actionnaires ont indiqué il y a plusieurs semaines à Corsair qu'ils ne remettraient pas au pot dans la compagnie en cas de recapitalisation. De taille modeste, Intro Aviation n'a pas les reins suffisamment solides pour une telle opération, et elle est par ailleurs fragilisée par la crise. Selon certaines sources, Intro est même prêt à se désengager du capital dans lequel il est entré l'an dernier lors du désengagement de TUI.
Après avoir soutenu à bout de bras la compagnie pendant 17 ans jusqu'à la cession de 73% de ses actions l'an dernier, TUI, lui aussi fortement impacté par la crise, n'a pas l'intention de jouer les chevaliers blancs. A fortiori si l'actionnaire majoritaire ne joue pas son rôle.
Les propos de Bruno Le Maire peuvent-ils les pousser à revoir leur position? Les prochaines semaines le diront. Mais les chances semblent extrêmement faibles.
Interrogé sur nos informations et les propos de Bruno Le Maire, Peter Oncken, le directeur général d'Intro Aviation, a répondu de manière laconique que "des discussions avec les institutions gouvernementales sont en cours et doivent rester confidentielles". Interrogé de son côté, le groupe TUI n'a pas souhaité faire de commentaire.
Prêt garanti par l'État pour l'heure refusé
En attendant, Corsair bataille pour obtenir un prêt bancaire garanti par l'État. Dans une interview mi-avril au Parisien, Pascal de Izaguirre, le PDG de Corsair, indiquait avoir besoin de 50 millions d'euros. Or, comme pour la quasi-totalité des transporteurs français, sa demande a jusqu'ici été refusée. Avec des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social, la compagnie n'est pas éligible à de tels prêts, alors même qu'elle n'a aucune dette et dispose d'une trésorerie confortable après la recapitalisation l'an dernier de TUI (37 millions d'euros) et la vente d'un A330 en début d'année, et qui sera renforcée par la vente de trois Boeing 747-400 d'ici à début juin.
Financer la reprise
Corsair n'a pas besoin de liquidités supplémentaires à très court terme. Mais la compagnie en a besoin pour passer le cap difficile de la reprise et faire la soudure jusqu'au début des premières ventes de la saison d'été 2021. Cette période de reprise, dont le début est très complexe à appréhender en raison des incertitudes sur l'évolution des restrictions des voyages et de l'ouverture des frontières, s'annonce difficile pour les opérateurs. Une grande partie des charges étant gelée aujourd'hui en raison du financement du chômage partiel par l'État, du report des charges, des loyers d'avions..., la reprise se traduira mécaniquement par une hausse des coûts, alors que la demande sera peu dynamique et fera l'objet d'une rude bataille entre les différentes compagnies pour se l'arracher.
Prêts bancaires ou pas, Corsair est condamnée à baisser ses coûts, qui sont parmi les plus élevés du secteur en France. Reste à savoir quand l'activité reprendra. Comme d'autres compagnies, Corsair avait l'espoir de reprendre en mai-juin en rouvrant des vols entre Paris et les Antilles et la Réunion. Mais avec l'incertitude des conditions sanitaires imposées dans les aéroports et les avions, et les réticences des populations locales à accueillir des voyageurs de métropole, il sera compliqué de remplir les avions.
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