Aigle Azur n'est plus. Après un mois de rebondissements, la deuxième compagnie aérienne française créée en 1946 a disparu. Elle laisse sur le carreau 1150 personnes, 800 basés en France, 350 en Algérie. Elle laisse aussi en jachère plus de 9000 précieux créneaux horaires de décollage à l'aéroport d'Orly, qui font saliver plus d'une compagnie aérienne, comme Air France et sa filiale low-cost Transavia, le Groupe Dubreuil, propriétaire d'Air Caraïbes et French Bee, ou encore Easyjet, Vueling, Corsair et bien d'autres.
Cohor ne reprendra les créneaux que dans un mois
A l'exception de Corsair, toutes les compagnies précédemment citées avaient regardé le dossier de reprise d'Aigle Azur moins pour la compagnie elle-même que pour ces créneaux extrêmement rares à Orly depuis le plafonnement de l'aéroport du sud de Paris il y a un quart de siècle.
Les créneaux vont être récupérés par Cohor, l'association qui gère les créneaux horaires en France. Comme il l'a indiqué dans un courrier envoyé début septembre à l'administratrice judiciaire, Cohor les conservera pendant un mois pour laisser une chance au liquidateur de pouvoir vendre des branches autonomes d'activité (composées d'avions et de personnels...), même si cette hypothèse reste aujourd'hui peu probable. Car si une telle reprise n'a pu se concrétiser dans le cadre du redressement judiciaire puis de la liquidation avec maintien d'activité, les chances qu'elle puisse se réaliser aujourd'hui dans le cadre d'une liquidation définitive sont quasiment nulles. Avec le retour des avions chez les sociétés de leasing et le licenciement du personnel d'ici à trois semaines, il n'y aura bientôt plus rien à céder puisqu'il sera impossible de constituer des branches autonomes d'activité nécessaires pour obtenir les créneaux horaires attachés à la branche reprise.
Les compagnies doivent déposer leurs de créneaux avant le 3 octobre
Aussi, pour respecter le calendrier de distribution des créneaux tout en attendant de les récupérer d'ici à un mois, Cohor doit, selon nos informations, envoyer un courrier à tous les transporteurs de la planète pour les informer de la distribution hautement probable d'un gros volume de créneaux horaires à Orly, et qu'à ce titre, les compagnies intéressées doivent formuler leur desiderata d'ici au 3 octobre, date limite des dépôts des demandes pour la prochaine saison estivale. Les créneaux seront distribués au plus tard début novembre.
Aigle Azur ayant perdu des créneaux en raison d'une baisse d'activité, le nombre de slots disponibles sera de 9150, non plus de 9800 créneaux, comme évoqué jusqu'ici. Ce qui représente 12,5 vols quotidiens.
L'Etat va ponctionner des créneaux
Comment vont-ils être redistribués ? Tout d'abord, l'Etat doit indiquer s'il ponctionne ou pas une partie des créneaux comme un arrêté de 2002 le lui permet pour les attribuer sur des lignes d'aménagement du territoire. L'Etat peut disposer jusqu'à 20% du pool maximum, soit un peu plus de 1800 créneaux, l'équivalent de 2,5 vols quotidiens environ. Selon nos informations l'Etat a bien l'intention de ponctionner des créneaux du pool d'Aigle Azur. Reste en revanche à savoir quel volume il demandera. S'il utilise la totalité qui lui est dû, il ne resterait qu'un peu plus de 7300 créneaux à distribuer, soit 10 vols quotidiens seulement. Voire un peu plus si des créneaux sont récupérés auprès d'autres compagnies n'ayant pas respecté les critères pour les conserver automatiquement (il faut les utiliser au minimum à 80% au cours de la saison pour les garder la saison suivante).
La redistribution ne vise pas à renforcer l'acteur dominant
Une fois l'Etat servi, la distribution des créneaux ne se fera pas au prorata des parts de marché des compagnies aériennes à Orly. Rien dans le règlement européen sur les créneaux horaires n'indique un tel procédé.
"Au contraire. L'idée d'une redistribution de créneaux horaires est de développer la concurrence et non de renforcer les positions de l'acteur dominant", explique un fin connaisseur du sujet.
Dit autrement, le groupe Air France, leader à Orly avec 47,6% des créneaux horaires et même 52,3% en tenant compte des créneaux horaires réservés aux lignes d'aménagement du territoire, n'aura jamais la moitié du pool disponible.
Pour rappel, sur les 4690 créneaux horaires d'Air Berlin à Orly distribués en janvier 2018 quelques mois après la faillite de la compagnie allemande, le groupe Air France, par l'intermédiaire de Transavia, n'avait obtenu que 208 créneaux, soit 4,6% du pool.
La moitié des créneaux aux nouveaux entrants
Selon les règles européennes, le "pool" sera partagé à 50-50 entre les nouveaux entrants et les compagnies déjà présentes à Orly. Soit, pour chacune des deux catégories de compagnies aériennes, un nombre de créneaux qui se situera entre 3650 (si l'Etat se sert à hauteur de 20%) et 4550 créneaux (si l'Etat devait ne rien prendre, ce qui ne sera pas le cas). Au final, le nombre de créneaux disponible permettra d'assurer 5 à 6 vols par jour pour les nouveaux entrants et la même chose pour les acteurs historiques. Reste à définir qui, parmi ces deux catégories de compagnies, en bénéficiera.
Chez les nouveaux entrants, les compagnies communautaires sont tenues d'assurer pendant deux ans les dessertes indiquées au moment de leur demande de créneaux. La priorité est donnée aux compagnies aériennes demandant des créneaux sur des lignes communautaires sur lesquelles il y a moins de trois acteurs, le seuil permettant une concurrence suffisante selon la Commission européenne.
Pour les 50% des créneaux disponibles réservés aux compagnies déjà présentes à Orly, rien dans les textes n'évoque là aussi une distribution au prorata de l'activité sur la plateforme aéroportuaire. Là encore, l'exemple de la distribution des créneaux d'Air Berlin en témoigne. Le groupe Air France, via Transavia, n'avait obtenu que 9,5% du contingent de créneaux réservés aux acteurs déjà présents à Orly (208 sur 2188)
Au final, "la distribution risque d'être un peu émiettée", prédisent les experts.
Difficile en effet pour Cohor d'attribuer de gros volumes de créneaux à quelques compagnies sous peine d'avoir de nombreux contentieux sur le dos de la part de candidats éconduits.
Les déçus seront forcément nombreux dans la mesure où le nombre de demandes de créneaux sera à coup sûr supérieur au volume disponible. Pour mémoire, la redistribution des créneaux d'Air Lib en 2003 concernait 30% environ de la capacité d'Orly environ (75000 créneaux). Or la somme des demandes équivalaient à la totalité des mouvements annuels de l'aéroport (250000 créneaux). Autrement dit, il y avait trois fois plus de demandes de créneaux que de créneaux disponibles. La distribution va tourner au casse-tête.
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