Non, le voyage en avion ne protège pas « l'avenir de la planète » : une pub de Lufthansa interdite au Royaume-Uni

Le transporteur aérien allemand Lufthansa a été rappelé à l'ordre mercredi par l'autorité britannique de la publicité (ASA) pour une réclame dans laquelle il affirmait « protéger le futur » de la planète, ce qui « donnait une impression trompeuse de l'impact environnemental » des activités de la compagnie aérienne. Un rappel à l'ordre qui suit les appels d'ONG comme Carbon Market Watch à siffler la fin de la récré pour ces multinationales qui se présentent faussement en « leaders pour le climat ».
Épinglée pour avoir voulu convaincre l'opinion publique des vertus supposément écologiques du voyage en avion, Lufthansa a dit « regretter » que cette publicité « ait pu donner une impression trompeuse ».
Épinglée pour avoir voulu convaincre l'opinion publique des vertus supposément écologiques du voyage en avion, Lufthansa a dit « regretter » que cette publicité « ait pu donner une impression trompeuse ». (Crédits : Lufthansa)

Non, Lufthansa ne protège pas encore « le futur de la planète », comme le groupe semblait s'en vanter en juin dernier dans une réclame, a considéré le gendarme de la publicité britannique, l'ASA (Advertising Standards Authority) en épinglant la compagnie aérienne allemande sans langue de bois :

« Nous avons considéré que cette affirmation était susceptible d'être comprise par les consommateurs comme signifiant que Lufthansa avait déjà pris des mesures d'atténuation importantes pour s'assurer que l'impact environnemental net de son activité n'était pas préjudiciable. »

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La publicité en cause (voir l'image en tête de cet article) est un astucieux composite en deux parties : l'arrondi de la carlingue d'un avion vu de face se complète en un cercle parfait avec la courbe d'une demi-planète Terre vue de l'espace qui occupe la moitié inférieure de l'image. Le tout barré d'un slogan « Connecter le monde. Protéger son avenir » et d'un lien vers le site de la compagnie de transport.

Les voyages en avion « contribuent de manière substantielle au changement climatique »

Aujourd'hui, les voyages en avion, certes « connectent le monde » mais ne « protègent pas l'avenir du monde ». L'ASA l'a donc rappelé à cette occasion : en 2022, les voyages en avion « produisent des niveaux élevés d'émissions de CO2 et autres, qui contribuent de manière substantielle au changement climatique », tout en précisant que bon nombre des initiatives climatiques mises en avant par Lufthansa ne « produiront des résultats que dans des années ou des décennies ».

La compagnie allemande, qui vise la neutralité carbone en 2050 et compte diviser par deux ses émissions de CO2 d'ici 2030 (comparé à 2019), se voit interdite à l'avenir de produire ce genre de publicité et devra désormais « veiller à ce que ses futures affirmations environnementales reposent sur une base claire et ne donnent pas une impression trompeuse de l'impact » environnemental d'un voyage en avion, écrit le régulateur.

Au cours de la procédure menée par l'ASA, Lufthansa avait donné son interprétation au régulateur, assurant que, selon elle, la publicité ne pouvait être comprise comme « une promesse absolue (...) que ses services ne causent aucun dommage à l'environnement » et estimant qu'elle serait plutôt perçue comme une façon « d'attirer les gens vers le site internet pour les sensibiliser aux questions environnementales ».

Lufthansa dit « regretter » que cette publicité « ait pu donner une impression trompeuse ».

Les sachets de thé « biodégradables » de Tesco, intacts après 12 mois sous la terre

Le géant britannique des supermarchés Tesco est par ailleurs visé par une procédure devant les autorités irlandaises de la concurrence et de la protection des consommateurs contre une affirmation que certains de ses sachets de thé sont « biodégradables ».

La procédure a été engagée par des scientifiques de l'University College de Cork, après une étude scientifique ayant montré que ces sachets étaient intacts après avoir été enterrés 12 mois .

Mais Tesco a répliqué en assurant que les conclusions de cette étude « sont trompeuses » car « la méthode de décomposition des sachets utilisée dans l'étude ne reflète pas les conseils sur l'emballage ». Selon le distributeur et fabricant, l'emballage indique clairement que ces sachets de thé ne sont pas autorisés à être enterrés ou destinés au compostage domestique, mais seulement à un « compostable industriel », explique le journal britannique The Guardian.

Pour l'ONG « Carbon Market Watch », les entreprises ne doivent plus communiquer sur leur « neutralité carbone » tant que cela n'est pas effectif

Pour Gilles Dufrasne, de l'ONG « Carbon Market Watch », les pouvoirs publics devraient interdire les affirmations sur la « neutralité carbone » avancées par des entreprises, « des pratiques trompeuses qui contribuent à affaiblir la perception de l'urgence climatique, et de la nécessité de changer de comportement ».

Il explique :

« "Neutralité carbone", "bon pour la nature", "bon pour la planète"... le consommateur moyen ne comprend tout simplement pas ce que ces déclarations recouvrent. En particulier la "neutralité carbone" : la plupart des gens pensent que le produit bénéficie d'une empreinte (carbone) plus faible, c'est-à-dire que les émissions ont été réduites, alors que la vérité, c'est que les émissions n'ont été que "compensées".

Et d'enfoncer le clou :

« Parce que si nous pouvons déjà tout faire en étant "neutres en carbone", que ce soit voyager en avion ou se nourrir de hamburgers, alors, pourquoi faudrait-il changer de comportement ? »

Gilles Dufrasne estime néanmoins que « certaines entreprises essaient vraiment de bien faire mais sont mal conseillées par tous les consultants qu'elles paient ».

Le 13 février dernier, l'étude publiée par le think tank New Climate Institute et l'ONG Carbon Market Watch analysait les pratiques de 24 grandes multinationales (commerce, agroalimentaire, fret maritime, tech...) représentant à elles seule en 2019 environ 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et spécialistes de la promotion de leurs engagements en faveur du climat jusqu'à se présenter en « leaders pour le climat ».

Exemple cité par notre confrère Ouest-France, celui de ces multinationales dont « les allégations de neutralité carbone concernent seulement 3% de leurs émissions totales. Cela veut dire qu'elles ne calculent pas les émissions de l'ensemble de leur chaîne de valeur. C'est par exemple le cas pour Carrefour [un des plus mauvais élèves selon le classement de cette l'étude, Ndlr] qui exclut de ses calculs 99 % de ses émissions indirectes. »

 (avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 02/03/2023 à 19:30
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Le non-voyage en avion protège la planète, sauf si l'avion circule à vide, pour conserver son créneau d'aéroport (encore une aberrrrration !). Le compostage, c'est comme les sacs à base de produits végétaux, pas pur pétrole mais se désagrègent à l'a...

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