Taxe sur les superprofits : CMA CGM appelle à ne pas pénaliser « un champion français » qui « réinvestit 90% de ses bénéfices »

Interpellé ce mardi sur la question des superprofits à l'occasion d'une audition à l'Assemblée nationale, Rodolphe Saadé, le président du géant français du fret maritime, CMA CGM a répondu qu'il serait injuste que CMA CGM se voit priver d'une partie de ses profits alors que ses concurrents sont exemptés d'un tel impôt. Et parfois même subventionné directement par leur Etat comme en Chine ou en Corée. Le président de l'armateur marseillais a par ailleurs mis en avant la manière dont son entreprise réinjecte ses bénéfices dans la transition écologique et la rémunération de ses employés notamment en France en pleine période d'inflation.
Le PDG de CMA CGM Rodolphe Saadé.
Le PDG de CMA CGM Rodolphe Saadé. (Crédits : Sénat)

Rodolphe Saadé ne s'est pas économisé. Face à une poignée de députés, il a mené un réquisitoire argumenté contre une taxation de ses « superprofits ». Une telle fiscalité, même ponctuelle, serait selon lui inefficace pour renforcer le pouvoir d'achat et injuste pour une entreprise qui contribue à la souveraineté de la France.

Les bénéfices de CMA CGM se sont envolés depuis deux ans à 17,9 milliards d'euros en 2021 avant une année 2022 qui devrait battre ce record avec déjà 15 milliards d'euros dégagés sur les six premiers mois de l'année. Comme ceux de TotalEnergies ou d'autres groupes pétro-gaziers particulièrement visés par les politiques qui entendent prélever une partie de leurs profits. Rodolphe Saadé a immédiatement distingué la situation de son groupe des majors de l'énergie, grandes gagnantes de l'inflation énergétique et parfois qualifiés de « profiteurs de crise ».

« Contrairement aux autres groupes auditionnés (ndlr : pour évoquer la taxe des superprofits), nos résultats ne sont aucunement liés à l'inflation et aux prix de l'énergie. Loin de nous bénéficier, les prix de l'énergie nous ont déjà couté un milliard d'euros sur les six derniers mois », a déclaré le fils du fondateur de CMA CGM, Jacques Saadé.

Le dirigeant a entamé son audition par une description précise de la manière dont son entreprise gérait ses profits exceptionnels. A savoir en réinvestissement ces profits « à 90% » (contre seulement « 10% de dividendes » versés à ses actionnaires) dans la modernisation de son entreprise, notamment sur le plan écologique, et dans des mesures de soutien au pouvoir d'achat de ses employés et des consommateurs français. L'entreprise a lancé un « fonds vert » d'1,5 milliard d'euros sur cinq ans. Cette dotation doit lui permettre de financer le verdissement de sa flotte avec la promotion des carburants écologiques et l'électrification de sa chaîne logistique.

Les effectifs français ont doublé en 5 ans

Dans un secteur où la demande de transport excède largement l'offre disponible, l'entreprise compte réutiliser ses profits pour acheter prochainement 137 nouveaux navires, qui viennent s'ajouter à sa flotte de 550 bâtiments existants. 77 fonctionneront au GNL d'ici quatre ans, contre 29 aujourd'hui. L'héritier de Jacques Saadé a rappelé que les investissements colossaux était une nécessité pour demeurer profitable dans un secteur « cyclique » qui l'a vu perdre de l'argent de 2017 à 2019. Une manière de montrer que son éclatante santé financière actuelle permet aussi à l'entreprise de couvrir ses pertes passées.

Mais bien conscient que son industrie incarne la mondialisation et ses multinationales déracinées aux yeux du grand public, Rodolphe Saadé a voulu démontrer que la prospérité de CMA CGM ruisselle en France. D'abord autour du siège de l'entreprise qui domine la cité phocéenne. Il s'est dit « fier d'être installé à Marseille », d'y être le « premier employeur privé avec 3000 emplois directs et 5000 indirects », un incubateur et bientôt un centre de formation.

« Nous avons réalisé plus d'1,5 milliard d'investissement sur les 18 derniers mois, soit plus que ceux que le marché français nous rapporte, et 1250 recrutements en 2021. Nos effectifs en France ont doublé depuis 2017 », a poursuivi celui qui possède la cinquième fortune de France. Rodolphe Saadé a rappelé que CMA CGM faisait le choix de rester domicilié en France alors que l'Hexagone ne représente que « 6% de notre activité et 3% de notre bénéfice », selon son directeur financier Michel Sirat.

Par-delà les considérations financières, le discours du patron de CMA CGM a porté sur l'importance pour la France de protéger un de ses « champions » garant de sa souveraineté pour approvisionner ses citoyens. Pour montrer combien les autres pays soutenaient leurs géants du fret, Michel Sirat a souligné que l'Etat chinois, loin de surtaxer Cosco, lui accordait « cinq milliards d'euros de subventions par an ». Ainsi, les deux dirigeants interrogés se sont inquiétés de voir CMA CGM être le « seul » à subir un impôt exceptionnel dont ses concurrents européens et asiatique seront exemptés. Une distorsion de concurrence que Rodolphe Saadé a plusieurs fois dénoncé comme une injustice. « Je n'ai pas de problème à payer l'impôt, mais si je paie l'impôt, que font mes concurrents? », a interrogé Rodolphe Saadé.

Objectif commun du pouvoir d'achat mais échanges peu fructueux

Le PDG a aussi dit partagé le souci « du pouvoir d'achat du consommateur français » avec les députés, en citant les mesures prises par son entreprise. A savoir le versement en 2021 de « deux mois de salaires supplémentaire à tous les salariés de la division maritime et une prime annuelle supplémentaire sur le pouvoir d'achat de 4500 euros pr ceux qui touchent moins de deux fois le SMIC » et une diminution « de 750 euros par conteneur » des tarifs de transports de l'Asie vers la métropole et l'Outre-mer.

A l'Assemblée, Rodolphe Saadé a souvent opposé un air agacé aux questions des élus qui insistait davantage sur la nécessité « morale » d'une supertaxe plus que sur son efficacité pour les consommateurs et les finances publiques. Défendant une approche pragmatique, le sujet consiste d'après lui à savoir « comment faire au-delà de taxer, pour que l'argent arrive là où il doit arriver » dans le portefeuille des Français.

La dizaine de parlementaires présents, majoritairement d'opposition notamment de gauche, n'ont pas semblé très sensibles à l'argumentaire de Rodolphe Saadé, à commencer par le président de la Commission (et député de Marseille) Manuel Bompard. L'oeil noir et la colère contenue après deux heures d'échanges peu fructueux, Rodolphe Saadé a finalement paru lassé et impuissant à convaincre cette assistance, déjà acquise à l'idée d'une surtaxe des profits de l'armateur.

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Commentaires 7
à écrit le 28/09/2022 à 10:35
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Cma cgm a touché des miliards de subventions directe par le passé et en touche toujours actuellement de façon indirect. Ce qui est remarquable c'est que personne n'ose le reprendre de volée. Ah les nouveaux navires ( par centaines ), ils sont fabriqu...

à écrit le 27/09/2022 à 19:57
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Bravo à Mr Saadé pour sa réussite. On rêve tous de travailler dans une entreprise comme la sienne, et qui a encore des valeurs. A l'inverse, nous sommes vraiment gouvernés par des nuls. Ils ne gèrent pas l'Etat, il gèrent leur communication du type A...

à écrit le 27/09/2022 à 19:15
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"l'Hexagone ne représente que « 6% de notre activité et 3% de notre bénéfice" Donc non ne pourrait surtaxer que 3% du bénéfice... Il y a encore en France pas mal de gens qui croient qu'une entreprise de cette dimension puisse se considerer françai...

le 27/09/2022 à 19:48
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Le scandale de la politique des prix de transfert fut déjà mis sur le banc des accusés, durant la crise des dettes souveraines de 2010 à 2019, et pour quel véritable résultat? Rien, Nadal, niet!

à écrit le 27/09/2022 à 19:05
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bon, les gauchistes vont lui casser les pieds et essayer de lui faire les poches; alors il va reorganiser completement son business modele ( y a plein de trucs qu'on peut faire tres simplement, sans trop de couts), et il n'y aura plus rien en france,...

à écrit le 27/09/2022 à 18:39
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Ô Rodolphe, il va faire pleurer dans les chaumières et j'entends déjà les mêmes discours des chauvins qui ne connaissent rien à l'économie. En effet, la France est un paradis fiscal pour les entreprises du secteur maritime et, selon les données publi...

à écrit le 27/09/2022 à 18:11
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Respect à ce monsieur qui a essayé de montrer combien son entreprise concourait au rayonnement de la France et comment ses bénéfices servaient à participer à améliorer l’environnement avec des investissements colossaux et comment ses employés bénéfic...

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