Les prix des billets d'avion s'écroulent sur les DOM-TOM (Air France, French Bee, Air Caraïbes, Corsair, Air Austral, Air Tahiti Nui)

Alors que la quasi-totalité des lignes long-courriers au départ de Paris souffrent, les lignes vers les Antilles françaises, la Réunion et la Polynésie française résistent un peu mieux. Les compagnies cassent les prix pour attirer les passagers et stimuler la demande. Le maintien de capacités en sièges importantes entraîne une surcapacité et une baisse automatique des prix. Jamais les prix n'ont été aussi bas.
Fabrice Gliszczynski

Des billets aller-retour entre Paris et les Antilles vendus à 229 TTC, d'autres à 268 euros TTC entre Paris et La Réunion comme ce fut le cas il y a une quinzaine de jours avant de remonter à 298 euros, d'autres enfin à 828 euros entre Paris et Papeete : la guerre des prix fait rage sur les DOM TOM. Sur ces lignes hautement concurrentielles, Air France, Corsair, Air Caraïbes, French Bee, Air Austral et Air Tahiti Nui se battent comme des chiffonniers pour tenter de stimuler une demande laquelle, même si elle reste fortement impactée par la crise du coronavirus, résiste un peu mieux sur ces lignes vers l'Outre-mer que sur l'ensemble des autres destinations long-courriers pénalisées par des restrictions de voyages et par la peur des passagers de rester bloquer sur leur lieu de vacances. Les Antilles françaises, la Réunion et la Polynésie font partie des rares destinations touristiques long-courriers encore ouvertes.

Effondrement des prix depuis début septembre

Commercialisées cet été à des prix similaires à ceux des années précédentes (entre 530 et 600 euros sur la Réunion par exemple), les tarifs se sont écroulés depuis fin août-début septembre au moment d'entrer dans une période traditionnellement creuse, qui devenait encore plus compliquée dans le contexte de rebond du Covid-19.

"Les prix n'ont jamais été aussi bas", assure un professionnel du secteur. "C'est un bain de sang", confie Michel Monvoisin, le PDG d'Air Tahiti Nui.

Habituellement, en cette période de basse saison, le prix d'appel se situe davantage autour de 350 euros sur les Antilles, et "12 à 13% de plus" qu'ils ne le sont aujourd'hui sur Papeete, selon un connaisseur de ce marché.

Il y avait bien eu sur les Antilles les fameux billets à 99 euros l'aller simple d'Air Lib quelques mois avant avant sa liquidation début 2003, puis de Level (qui a arrêté ses activités en juillet) lors de son arrivée sur le marché fin 2017. Mais jamais ces prix n'avaient concernés autant de sièges qu'aujourd'hui. Car tous les transporteurs (Air France, Corsair, Air Caraïbes) se marquent à la culotte et, de gré ou de force, s'alignent tous sur les prix les plus bas. Car tous les acteurs misent sur ces lignes et maintiennent un niveau de capacité très élevé qui génère une surcapacité et entraîne une baisse automatique des prix. Entre Paris et les Antilles (Martinique, Guadeloupe), il y a aujourd'hui près de six de vols par jour, tous assurés par des avions allant de 350 à 470 places !

Ce phénomène est encore plus marqué sur la ligne Paris-La Réunion où le choc tarifaire est considéré par certains acteurs comme étant le plus violent. Probablement parce qu'il y un acteur supplémentaire sur cet axe, qui-plus-est très efficace en termes de coûts, French Bee. Aujourd'hui, entre Paris et Saint-Denis de la Réunion, bataillent en effet, non pas trois compagnies comme sur les Antilles ou Papeete, mais quatre : Air France, Corsair, la compagnie réunionnaise Air Austral et French Bee, qui appartient aux mêmes propriétaires qu'Air Caraïbes, le Groupe Dubreuil et CMA CGM.

French Bee est d'ailleurs pointé du doigt par certains de ses concurrents pour être à l'origine de cette baisse tarifaire sur la Réunion. Mais si la low-cost long-courrier a déclenché les hostilités, l'agressivité d'Air France est également soulignée par tous et sur toutes les routes, que ce soit la Réunion, les Antilles et Papeete.

"Dire que c'est X ou Y qui mène une guerre des prix montre que certains sont dans le déni et qu'il y a toujours une raison d'expliquer ses problèmes en rejetant la faute sur les autres", se défend Marc Rochet, président de French Bee et vice-président d'Air Caraïbes.

Ce dernier trouve un appui inattendu auprès d'Air Tahiti Nui.

"Tout le monde s'accuse. Le bain de sang sur la Polynésie ne vient pas de French Bee. En ce moment ce n'est pas French Bee qui est en train de tirer les prix à la baisse, c'est Air France, avec un billet aller-retour à 900 euros entre Paris et Papeete, un tarif qui doit couvrir seulement le carburant", explique Michel Monvoisin.

"C'est facile de venir casser les prix quand on a été fortement aidé par l'Etat et qu'on va l'être à nouveau", s'étrangle un concurrent d'Air France.

"On a donné du cash à des compagnies qui l'utilisent pour mettre en place des vols, et pour les remplir et utilisent des tarifs de prédation", ajoute Michel Monvoisin.

Les Antilles et la Réunion au coeur de la stratégie d'Air France

"Les prix pratiqués sur les vols long courriers sont déraisonnables. Une fois les taxes payées, il est impossible de couvrir les coûts, même très bas. Cela veut dire que les compagnies volent à perte, ce n'est pas une situation économiquement saine ni durable", explique de son côté Julien Houdebine, directeur Programme et revenue management de Corsair.

En tout cas, Air France assume son agressivité sur les DOM TOM. Ces destinations  sont aujourd'hui au coeur de sa stratégie. Alors que son réseau long-courrier est exsangue avec une offre en retrait de 80% par rapport à la période pré-covid, les lignes vers les Antilles, la Réunion et la Polynésie sont les seules qui peuvent faire entrer du cash et déployer des avions.

"Nous sommes présents sur une grande partie de notre réseau long-courrier mais avec des capacités réduites par rapport à notre activité d'avant crise. Mais des destinations comme les Antilles ou La Réunion tirent leur épingle du jeu parce qu'il s'agit de vols intérieurs avec des frontières ouvertes et de destinations à fort potentiel de touristes et de clients allant rendre visite à des amis ou à des membres de leur famille. Aussi, vu le faible nombre de destinations viables sur l'activité passagers, nous faisons tout pour couvrir, non pas le coût complet du vol, mais les coûts variables, dans le but de générer du cash, ce qui reste notre priorité aujourd'hui", explique Jean-Michel Mathieu, vice-président du réseau Caraïbes-océan Indien.

Marc Rochet, le président de French Bee et le vice-président d'Air Caraïbes ne dit pas autre chose :

"L'objectif est de couvrir nos coûts variables. Nous le faisons", explique-t-il. D'ailleurs les prix sont d'autant plus bas que les coûts variables ont baissé avec la chute du prix du baril de pétrole. "Tous les acteurs cherchent à mettre des capacités. Cela entraîne évidemment une surcapacité qui fait mécaniquement baisser les prix", explique Marc Rochet.

La surcapacité tire les prix à la baisse

En termes de capacités, c'est Air France qui y va le plus fort. La compagnie dirigée par Anne Rigail prévoit en effet d'augmenter ses capacités en sièges par rapport à l'an dernier, en prolongeant par exemple jusqu'à fin mars ses six vols quotidiens sur les Antilles qui seront proposés à partir de mi-décembre.

Cette baisse drastique des prix stimule-t-elle le trafic?

"Nous pensons qu'il est illusoire de penser que l'on peut stimuler la demande alors que la confiance n'est pas retrouvée dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons aujourd'hui", déclare Air Austral.

"La guerre des prix actuelle sur les Antilles et la Réunion n'est que dilutive. Elle ne stimule pas la demande qui reste très inférieure au niveau de l'année dernière à la même époque. Il y a encore beaucoup de freins aux déplacements - les situations sanitaires locales, les tests obligatoires, les incertitudes sur l'évolution de la propagation du virus", indique de son côté Julien Houdebine de Corsair.

"Il est très difficile de répondre à une telle question, mais je pense que cela stimule un peu la demande", admet de son côté Marc Rochet, en précisant que les avions d'Air Caraïbes et de French Bee sont remplis à 75-80% en moyenne.

Pour Air France, pas de doute, ces prix attractifs "induisent du trafic".

"Nos ventes ont doublé voire triplé depuis le début de notre campagne promotionnelle (elle s'achevait hier : 249 euros TTC l'aller-retour sur les Antilles, 299 euros sur la Réunion)", assure Jean-Michel Mathieu.

Au point d'espérer transporter plus de passagers sur les Antilles et la Réunion cette année que l'an dernier. Et même être rentable sur les coûts variables et proche de la rentabilité en prenant les coûts complets, grâce à la bonne tenue du fret.

On en est loin aujourd'hui.

"Le marché est en baisse de 60 à 70% en volume", raille un concurrent.

Les prix ont atteint un plancher

Les prix peuvent-ils encore baisser? "Je ne pense pas, mais si tel devait être le cas, nous nous alignerons", assure Jean-Michel Mathieu. "Les prix ont atteint un plancher", reconnaît Marc Rochet. "On peut les faire baisser d'une dizaine d'euros encore".

 En tout cas, les prix d'appel affichés pour les vacances de fin d'année redeviennent "classiques" (autour de 800 euros sur les Antilles par exemple). Pour autant, ces prix d'appel restent ouverts à la vente plus longtemps et sont disponibles sur un nombre de sièges beaucoup plus grand.

Fabrice Gliszczynski

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