Transport aérien : Willie Walsh (IATA) et Guillaume Faury (Airbus) optimistes sur la solidité de la reprise

Le trafic aérien va-t-il se maintenir après l'été ? Alors que la crainte du feu de paille estival commence à se faire sentir, deux des dirigeants parmi les plus influents de l'aviation affirment que la reprise de l'activité sera durable après deux ans de hauts et de bas. Alors qu'ils ont parfois affiché des divergences au moment de faire des prévisions, comme l'an dernier un peu avant le Paris Air Forum, Guillaume Faury et Willie Walsh sont bien accordés cette année.
Léo Barnier
(Crédits : HANNAH MCKAY)

Après l'engouement de ces derniers mois sur la force de la reprise du trafic cet été, de premières inquiétudes ont commencé à se faire sentir depuis quelques semaines. C'était notamment le cas de plusieurs compagnies françaises lors du congrès de la Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (Fnam) début juin. Pourtant d'autres acteurs, et pas des moindres, restent confiants sur la durabilité de cette reprise au-delà de la saison estivale en dépit d'une situation économique précaire, marquée par l'inflation et la stagnation de la croissance, et d'un climat géopolitique toujours aussi tendu depuis l'invasion de l'Ukraine. C'est le cas de Willie Walsh, directeur général de l'Association internationale du transport aérien (IATA) et Guillaume Faury, président exécutif d'Airbus, interrogés juste avant et pendant le Paris Air Forum, le 7 juin dernier.

Les analyses des deux dirigeants s'avèrent très proches l'une de l'autre. Chacun reconnaît que la force de la demande actuelle bénéficie de la privation de voyage lors des deux dernières années, perturbée par la crainte des gens à se retrouver à bord d'un avion en pleine pandémie et bien sûr par la multiplication des contraintes sanitaires, à géométrie variable qui plus est. Pourtant, ils affirment l'un comme l'autre que le dynamisme de la demande va au-delà de ce phénomène ponctuel.

"Nous pouvons nous demander s'il n'y a pas un effet rebond et si cela ne va pas se calmer un peu par la suite", interroge ainsi Guillaume Faury avant de répondre lui-même à la question : "Mais pour le moment la "pent-up demand" (la demande en suspens, NDLR) est très forte. Elle est tellement forte que le problème est d'arriver à offrir des vols et des sièges en quantités suffisantes. Toutes les compagnies aériennes, les aéroports, souffrent du manque de bras, d'avions, de personnels au sol, d'équipages... Nous sommes passés d'une crise de la demande à une crise de l'offre."

Et le patron d'Airbus ne voit pour l'instant aucun indicateur indiquant un retournement de conjoncture d'ici la fin de l'année. Bien au contraire même. Il affirme ainsi que la reprise semble s'accélérer malgré les perturbations encore présentes en Asie et particulièrement en Chine : "Selon les données fournies par nos clients, la reprise arrive plus vite et plus fort que prévu. Y compris sur les vols business, ce qui était très incertain."

Une demande persistante

De son côté Willie Walsh ne dit pas autre chose : "Je pense qu'il y a clairement des demandes en suspens de la part de personnes qui ne pouvaient pas voyager mais, de façon intéressante, l'analyse que nous avons faite suggère que même si cela peut avoir un certain impact, il est en fait minime. Vous savez, si nous regardons à plus long terme, l'inflation, le PIB, nous prenons tout cela en compte, je pense que la demande d'aviation sera toujours assez forte."

Le principal représentant des compagnies mondiales concède pourtant que des facteurs négatifs sont à l'œuvre actuellement, notamment la remontée importante du prix des billets pour encaisser le choc de la flambée des prix du kérosène, résultant à la fois de la hausse des prix du pétrole brut et de l'envolée des marges de raffinage. "Je pense qu'une augmentation des tarifs a toujours un impact sur la demande, mais je ne vois pas d'alternative. Sortant d'une période de 10 ans, entre 2010 et 2019, où le Brent coûtait en moyenne 80 dollars et où le carburant représentait 27% de la base de coûts des compagnies, si cela passe à 37 ou 40%, le transport aérien ne peut pas absorber ce coût supplémentaire parce qu'il n'a tout simplement pas la capacité financière de le faire. En fin de compte, cela doit se retrouver dans le prix des billets."

Willie Walsh admet même qu'au vu de la santé financière actuelle des compagnies, la répercussion des hausses de coûts du kérosène sur le prix des billets. Pourtant, il explique que l'effet sur la demande ne sera pas pour autant proportionnel : "Une augmentation de 10% du prix du billet n'entraîne pas une réduction de 10% de la demande. Ce n'est pas quelque chose de scientifique, mais nous avions l'habitude de travailler sur une base simple selon laquelle 10% aurait probablement un impact de 1% sur la demande. Mais cela change en fonction de la compagnie aérienne, de la région du voyage, de la classe du voyage..."

Des évolutions plutôt qu'une récession

Le directeur général de l'IATA croit d'ailleurs davantage à une évolution de la demande, avec peut-être un ralentissement, qu'à un recul : " Cela peut ralentir la croissance à l'avenir, mais je ne pense pas que cela entraînera une chute significative. Et si vous revenez en arrière, en 2008-2009 avec la crise financière mondiale, le nombre de passagers n'a pas chuté alors que c'était une profonde récession."

Il précise le fond de sa pensée : "Ce que nous avions vu alors, c'est que les rendements avaient diminué car les compagnies aériennes avaient maintenu le nombre de passagers mais à des niveaux de prix inférieurs. L'impact financier pour l'industrie ne venait donc pas d'une baisse du nombre de gens qui voyageaient, mais des gens qui payaient moins cher leurs billets." Avant d'ajouter : "Ces problèmes sont souvent à court terme, les gens veulent toujours voyager, pour faire une pause, voir leur famille..."

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Léo Barnier

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