Transports : l'Etat met les bouchées doubles pour mettre sur les rails les RER métropolitains

Suite aux annonces du président Macron et de la Première ministre Elisabeth Borne d'investir 100 milliards d'euros pour le transport ferroviaire d'ici à 2040, le groupe Renaissance de l'Assemblée nationale vient de dévoiler une proposition de loi relative aux « services express régionaux métropolitains ». Comme communiqué à l'époque par le duo de l'exécutif, la Société du Grand Paris (SGP), l'établissement public qui construit le métro du Grand Paris Express, prendra la main sur des projets...non-franciliens. Décryptage.
César Armand
(Crédits : Reuters)

C'était il y a près de quatre ans. Peu après la crise des « Gilets jaunes » qui avait mis en lumière les fractures territoriales entre les citadins bien desservis en transport en commun et les périurbains contraints d'être dépendants de la voiture individuelle du fait de la flambée des prix immobiliers les éloignant chaque jour davantage des centres-villes. Lors d'un colloque à Bordeaux le 28 mai 2019 organisé par SNCF Réseau en partenariat avec Bordeaux Métropole et le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, la ministre des Transports - une certaine Elisabeth Borne - appelait le gestionnaire du système ferroviaire à construire un schéma directeur national des RER métropolitains.

Lire aussiMétropoles régionales : qui va payer la facture des « RER Macron » ?

Chose promise, chose due: le 9 octobre 2020, le directeur général délégué de SNCF Réseau, Matthieu Chabanel (PDG depuis octobre 2022, Ndlr) a remis son rapport sur le développement de « services express métropolitains » au ministre des Transports de l'époque, Jean-Baptiste Djebbari. À cette occasion, ce dernier a annoncé, dans le cadre du plan de France Relance de 100 milliards d'euros, une enveloppe de 30 millions d'euros « pour étudier ces nouveaux services », et fixait à « l'horizon 2023-2024 la mise en œuvre des premiers travaux ».

100 milliards d'euros pour le ferroviaire d'ici à 2040

Sauf que, sans attendre l'échéance 2023-2024, le président de la République, en personne, a donné un coup d'accélérateur. Dans une vidéo postée sur Youtube et relayée sur Twitter dans laquelle il répond aux questions des internautes, Emmanuel Macron a annoncé, le 27 novembre, un objectif de dix villes métropolitaines équipées RER. « C'est un super objectif pour l'écologie, l'économie, la qualité de vie », s'est enthousiasmé le chef de l'Etat, faisant savoir, au passage, qu'il est petit-fils de cheminot et rappelant que « le RER, ce n'est pas que sur Paris ».

Des paroles aux actes, la Première ministre, Elisabeth Borne, a communiqué, le 24 février dernier, sur un plan de 100 milliards d'euros d'ici à 2040 rien que pour le transport ferroviaire, sur la base du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (un organe administrativo-politique inconnu du grand public chargé de plancher sur le sujet). Aux côtés de SNCF Réseau, la Société du Grand Paris (SGP), l'établissement public qui construit le métro du Grand Paris Express, sera le pilote du chantier.

Lire aussiRER métropolitains : chaque territoire devra contribuer au financement

Instauration, simplification et accélération du déploiement

À peine deux mois après, le groupe Renaissance de l'Assemblée nationale - le parti du président de la République - vient de déposer une proposition de loi relative aux « services express régionaux métropolitains » visant à leur instauration et à leur mise en œuvre, mais aussi à la simplification et à l'accélération de leur déploiement. Le rapporteur du texte sera Jean-Marc Zulesi, député (Renaissance) de la 8ème circonscription des Bouches-du-Rhône et président de la commission de l'aménagement et du développement durable.

« Lorsque j'étais responsable de la loi d'orientation des mobilités (LOM, 2019), j'avais déjà proposé que la Société du Grand Paris (SGP) joue un rôle pour la métropole Aix-Marseille, mais je n'avais pas gagné l'arbitrage. J'ai continué à suivre ce que faisait la SGP tant est si bien que j'ai co-construit cette loi avec la SGP, les collègues et SNCF Réseau », confie aujourd'hui Jean-Marc Zulesi à La Tribune.

Dans le détail, l'article 1 de la proposition de loi définit les « services express régionaux métropolitains » (SERM) comme des « offres multimodales, s'appuyant en particulier sur l'amélioration des dessertes ferroviaires, tout en organisant également l'intermodalité de l'offre ferroviaire avec les autres modes de transport et comprenant, le cas échéant, des dessertes complémentaires, par exemple par des réseaux de cars express ». Autrement dit, comme ce qui se pratique déjà à Strasbourg, il ne s'agit pas simplement de créer des « RER Macron », mais de penser une offre globale de transports en commun.

Lire aussiTrajets domicile-travail: quand les « bus express » arrivent en ville

La Société du Grand Paris, maître d'ouvrage de projets... non-franciliens

L'article 2 du texte propose, lui, de modifier la loi du 3 juin 2010 du Grand Paris pour étendre les missions de l'actuelle Société du Grand Paris - qui pilote la construction du métro francilien Grand Paris Express - « afin qu'elle puisse contribuer au déploiement du programme et, le cas échéant, intervenir sur d'autres opérations de transports collectifs à la demande de l'Etat ou des collectivités. ».

Lire aussiTransports : le Grand Paris Express veut étendre son influence au-delà de l'Île-de-France


Précisément, la SGP pourra être désignée comme maître d'ouvrage de projets d'infrastructures nouvelles du réseau ferré « national » et maître d'ouvrage par l'Etat ou les collectivités et leur groupement de projets de création ou d'extension d'infrastructures de transport public urbain ou périurbain de personnes ou de marchandises « non-franciliens ».

De même que la Société du Grand Paris pourra participer au financement des projets de création, d'extension, d'amélioration ou de modernisation d'infrastructures entrant dans le périmètre d'un service express régional métropolitain (SERM). L'article prévoit en effet que la SGP puisse intervenir dans ces SERM au travers de filiales ou de groupes, aux côtés d'autres partenaires, qui piloteront la réalisation du projet.

Pour toutes ces raisons, il est recommandé d'effacer la mention Grand Paris et de renommer l'établissement public sous ses initiales « SGP ».

La nécessité d'adapter la « règle d'or » de la SGP

Autre élément-clé de cet article 2 : l'adaptation de la « règle d'or » de la Société du Grand Paris. Aujourd'hui, la SGP doit remettre un rapport annuel démontrant que des mesures sont prises pour maintenir sous 35 milliards d'euros le pic d'endettement net. De même qu'actuellement, toute contribution supplémentaire mise à la charge de la SGP doit entraîner l'affectation de recettes à ladite Société du Grand Paris.

Lire aussiBagarre fiscale sur les recettes du Grand Paris : Matignon promet d'enterrer la hache de guerre

Pour résoudre cette équation, la proposition de loi propose de remplacer ce plafond par une durée d'amortissement de 50 ans pour chaque projet, d'étendre le principe de compensation à toute contribution financière supplémentaire et de garantir la séparation des financements entre le Grand Paris Express et les services express régionaux métropolitain.

Dans un autre registre, le texte clarifie le partage des compétences avec SNCF Réseau, la filiale de la SNCF actuellement chargée de commercialiser l'accès au réseau ferré national, de développer, de moderniser et de sécuriser les infrastructures pour maximiser la circulation des trains sur l'ensemble du réseau. Demain, « seul SNCF Réseau sera habilité à intervenir sur le réseau ferré national en exploitation [en circulation, Ndlr] en raison de la technicité et du savoir-faire que cela requiert »est-il indiqué.

« Nous avons la volonté de sortir du cadre technique et d'en faire un objet politique », martèle le député Jean-Marc Zulesi, rapporteur de la proposition. La loi vient d'être inscrite dans la niche réservée aux textes du groupe Renaissance la semaine du 12 juin. Sans attendre, il s'apprête à en discuter avec ses homologues sénateurs pour qu'à l'issue de son adoption au Palais-Bourbon, le texte soit repris, sans tarder, par le Palais du Luxembourg.

César Armand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.