Des taxis volants 100% électriques, silencieux et non-polluants, survolant Paris pour transporter leurs passagers d'un « vertiport » (aéroport vertical) à un autre, ce décor de science-fiction pourrait bien devenir réalité en France d'ici à 10 ans. Promis comme un remède aux embouteillages et à la pollution, ce mode de transport futuriste, tout-électrique et moins bruyant qu'un l'hélicoptère, existe déjà dans de grandes mégalopoles en Asie comme à Dubaï, ou aux Etats-Unis, à Miami, ou à l'état de tests bien avancés. En Europe, un pas de plus vers le développement (encore embryonnaire) de ces nouvelles micro-mobilités futuristes va bientôt être franchi.
Un vertiport va voir le jour à Cergy-Pontoise (Île-de-France), au nord-ouest de Paris. Cette infrastructure, encore à l'état de prototype, la première de ce type en France, va être installée par la société britannique Skyports, entreprise britannique, spécialisée dans les infrastructures de décollage et d'atterrissage pour les véhicules de transports de passagers et de marchandises à décollage vertical électrique (eVTOL). Skyports s'associe, dans le cadre d'un partenariat technique avec SITA, entreprise spécialisée dans les technologies aéroportuaires. Le groupe ADP (Aéroports de Paris) participe également au projet.
Ces deux acteurs du transport aérien du futur, qui présentaient leur projet mardi lors d'une conférence de presse à Paris, veulent mettre en service ce vertiport pour septembre 2022.
«Trois mois suffisent pour construire un vertiport. C'est très modulable. Il faut une surface optimale de 3.000 m2 jusqu'à 200 m2 minimum » explique le PDG de Skyports, Duncan Walker. Cette infrastructure a un coût, «autour de 5 millions d'euros, principalement pour électrifier le système. On n'achète pas le terrain, il est loué», précise-t-il.
Pour rendre ce déplacement fluide, sûr et le plus rapide possible, SITA met à disposition son savoir-faire en matière de «technologie digitale d'accompagnement, de biométrie et d'outils de reconnaissance faciale» et s'occupe de la partie « expérience voyageur ». Concrètement, dans ce futur vertiport, le passager pourra monter dans un de ces eVTOL, (petits avions tout électriques, comme les drones ou taxis volants) en quelques minutes.
Pas besoin d'arriver 2 heures à l'avance comme à l'aéroport. Le checking se fera en quelques clics, avec son mobile et le contrôle, via un portique utilisant un système de reconnaissance faciale. Pour prendre un taxi-volant, SITA souhaite que ça soit «si possible, aussi facile que d'appeler un taxi».
«Avec votre téléphone mobile, vous pourrez réserver un vol, faire votre enregistrement. Votre visage sera votre carte d'enregistrement. (...) Autant de technologies de pointe que nous allons tester et qui devraient aussi être appliquées dans les aéroports traditionnels », souligne Sergio Colella, président de SITA Europe.
La reconnaissance faciale est promue comme un gain de rapidité. Cette technologie, déjà testée à l'aéroport d'Orly, fait baisser de 32% le temps d'embarquement dans un aéroport traditionnel, complète Duncan Walker. De quoi déjà intéresser les aéroports existants, qui redoutent d'être saturés cet été, avec la forte reprise des voyages.
Objectif JO 2024
L'objectif de Skyports et de SITA est de « commencer à tester l'expérience des passagers dans les mois à venir ». Probablement d'ici à fin 2022, avec en ligne de mire un usage plus développé à l'occasion des Jeux Olympiques de Paris 2024. Les athlètes installés à proximité, pourront peut-être rejoindre un ou deux autres sites olympiques depuis ce vertiport de Cergy-Pontoise en empruntant par exemple un Volocopter, de la start-up allemande du même nom.
La phase de tests devrait durer encore quelques années, avant une commercialisation espérée à plus grande échelle à horizon 2030. Au-delà du transport de passagers, ce vertiport pourrait être utilisé par les autorités locales, notamment les services d'urgence, ainsi que des opérateurs logistiques.
« C'est une nouvelle industrie, une nouvelle infrastructure, un nouvel écosystème que nous testons pour voir son acceptabilité », explique Sergio Colella.
Question de la certification
« Dans deux ans : nous serons prêts. Je suis 100% confiant que ça va voler, ajoute Duncan Walker. Maintenant, obtenir la certification c'est plus dur...»
Si les technologies sont prêtes assurent ces deux acteurs, pour que ce projet entre effectivement dans les usages de la mobilité urbaine, encore faut-il qu'il obtienne le feu vert des autorités de régulation, la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC). Aujourd'hui, par exemple, il n'est pas possible de voler au-dessus de Paris à moins de 2.000 mètres. Or, les drones sont des engins de mobilité de proximité, qui volent à moins de 3.000 mètres d'altitude. Une certification, si elle est accordée, prendra du temps, des années.
Une concurrence mondiale
Toujours est-il que ces deux entreprises comptent d'ores et déjà se positionner sur ce marché de niche appelé, certes, à grossir mais sans parvenir à se démocratiser au regard des tarifs évoqués : 200 euros le vol pour relier Cergy-Pontoise au centre de Paris ou Roissy à La Défense.
De nombreuses entreprises dans le monde planchent sur le développement de drones ou taxis volants tout électrique, capables de transporter des passagers (ou des marchandises) en zones urbaines denses.
Le vertiport de Cergy-Pontoise n'est pas le premier en Europe. À Londres, un prototype d'aéroport urbain, un vertiport éphémère, développé par Urban-Port, a été présenté en avril à Coventry (centre de l'Angleterre). Un vol inaugural a symboliquement fait s'élever dans les airs six bouteilles de vin pétillant pesant environ 12 kilos depuis l'aire de lancement. D'autres démonstrations sont prévues au Royaume-Uni et au-delà dans les mois qui viennent, avec un objectif de 200 sites à travers le monde. Aux Etats-Unis, deux sociétés, Archer et Joby espèrent lancer leurs premiers services de taxis aériens d'ici fin 2024, avec des pilotes. Wisk Aero, startup de Boeing et de Larry Page - cofondateur de Google -, planche sur un eVTOL autonome. Archer a reçu une pré-commande de United Airlines pour 200 véhicules et vise Los Angeles et Miami pour commencer. De quoi attiser les appétits des entreprises du secteur.
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