Eolien marin : le crash test du Cotentin

Situé au large de Barfleur, le huitième parc éolien offshore français devrait sortir des flots en moins de cinq ans contre plus d’une décennie pour le premier. Le projet va mettre à l’épreuve le choc de simplification prescrit par le gouvernement : un nouveau cadre censé permettre à la France de combler son retard à l’allumage.
L'Etat a lancé un appel d'offres pour la réalisation d'un parc éolien marin de 900 à 1050 MW qui sera situé à environ 30 km au large de Barfleur, en Normandie. Si rien ne vient gripper la machine, il pourrait être mis en service à horizon 2024 ou 2025
L'Etat a lancé un appel d'offres pour la réalisation d'un parc éolien marin de 900 à 1050 MW qui sera situé à environ 30 km au large de Barfleur, en Normandie. Si rien ne vient gripper la machine, il pourrait être mis en service à horizon 2024 ou 2025 (Crédits : Reuters)

Le coup est parti. Les candidats à la concession du parc éolien offshore de Barfleur, le huitième français et le quatrième en Normandie, ont jusqu'au 12 mars, dernier carat, pour se faire connaître suite à l'appel d'offres lancé mi-janvier par la CRE (Commission de régulation de l'énergie). Selon toute vraisemblance, une bonne dizaine de consortium se placeront sur la ligne de départ.

Chez les français, EDF Renouvelables, qui vient d'annoncer le lancement de la construction du parc de Courseulles dans le Calvados, sera dans la course de même qu'Engie et Total. Côté étranger, tout laisse à penser que Shell, qui était déjà en lice à Dunkerque, fera acte de candidature comme, sans doute, plusieurs opérateurs nord-européens. Pour savoir lequel d'entre eux sortira du chapeau, il faudra toutefois attendre le premier semestre 2022.

Nouveau mode opératoire

Contrairement aux appels d'offre d'ancienne génération, Paris va en effet procéder à une première phase de pré-sélection des groupements en fonction de leurs capacités techniques et financières. Les candidats retenus seront ensuite admis à participer à une seconde étape de dialogue technique ; il s'agit pour le gouvernement de ne pas arriver avec un cahier des charges ficelé d'avance. Ce n'est qu'au terme de ces deux phases que seront déposées les offres définitives.

La procédure sera marquée par plusieurs autre différences résultant de la loi Essoc de 2018. Pour calibrer leurs propositions, les groupements présélectionnés ne seront plus contraints de réaliser, isolément, leurs propres études dites de « levée de risques » sur la zone concernée.

Comme au Danemark ou Allemagne, c'est désormais à l'Etat qu'il incombe de mutualiser l'information et de fournir aux concurrents les données relatives au site : puissance des vents, mesure de la houle, caractéristiques des fonds marins...  De même, la localisation des parcs, hier gravée dans le marbre au lancement de l'appel d'offre, pourra varier. Dans le Cotentin, les éoliennes devront être positionnées quelque part à l'intérieur de la macro-zone de 500 km2 qui été retenue à l'issue du débat public, organisé pour la première fois en amont de l'appel d'offres. Une autre des singularités du projet normand.

Objectifs : stimuler la concurrence, sécuriser les projets et éviter autant que possible les débats inflammables qu'a suscité l'emplacement du parc voisin de Dieppe/Le Tréport par exemple : « un château Latour halieutique » pour les pêcheurs.

A la recherche du temps perdu

Quant au futur concessionnaire du parc de Barfleur, il se verra attribuer ce que les professionnels appellent « un permis enveloppe ». Autrement dit, une autorisation plus souple (dite à caractéristiques variables) qui lui permettra, le cas échéant, de recourir à des turbines plus capacitaires ou à plus grand gabarit que celles prévues initialement dans son offre. A la clef, un gain de temps non négligeable.

« A Fécamp par exemple, EDF a du patienter dix mois avant d'obtenir le feu vert de l'Etat pour augmenter la puissance de ses éoliennes de 6 à 8 mégawatts » se souvient Anne Georgelin, responsable de la filière éolien en mer au sein du Syndicat des Energies Renouvelables (SER).

 Mais c'est surtout dans la dernière étape du marathon que les opérateurs peuvent espérer gagner quelques précieux mois. Depuis l'entrée en vigueur l'an dernier de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap), c'est le Conseil d'Etat qui est compétent pour juger en premier et dernier ressort des recours formés contre les projets de parcs éoliens en mer. Bien que la plus haute juridiction administrative ne soit tenue à aucun délai, cela devrait constituer un progrès considérable pour les tenants des moulins à vent marin.

Pour mémoire, il aura fallu sept ans ( !) avant que soit purgé le dernier contentieux portant sur le parc de Saint Nazaire. Attribué en 2012 à EDF Renouvelables, il sera mis en service... en 2022.

Encadré

A quand une boussole ?

Gouverner, c'est prévoir. La formule vaut aussi pour l'éolien offshore. La stratégie de planification, promise par Jean Castex lors du Comité Interministériel de la mer au Havre, se fait encore attendre. L'enjeu n'est pas mince. Il s'agit de déterminer, par avance, les grandes zones littorales où pourraient être installées les futurs parcs (posés ou flottants) prévus par la programmation pluriannuelle de l'énergie pour arriver à 50 gigawatts en 2050. Contrairement à ses proches voisins, la France n'a pas encore jugé bon produire une cartographie digne de ce nom, d'où cette impression tenace que l'Etat navigue sans boussole. Pour le SER, c'est l'une des raisons qui expliquent le retard à l'allumage de l'éolien offshore bleu, blanc, rouge. « Quand on cherche des zones au coup par coup, on allonge les délais de réalisation » regrette Anne Georgelin.

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Commentaire 1
à écrit le 05/03/2021 à 14:04
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Il faudrait qu'on en lance une bonne centaine de parcs de ce type, l'éolien offshore et l'hydrolien étant deux énergies renouvelables permanentes qui imposent à ce que l'on fonce sans se poser de question les investissements et améliorations suivront...

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