Voiture électrique : ce risque de black-out en Corse qui freine le développement des bornes

ENQUÊTE 4/5. Quatrième volet de notre série de cinq enquêtes sur le business complexe des bornes de recharge électrique, qui sont publiées chaque jour depuis lundi jusqu'à vendredi. La Tribune propose ce jour un état des lieux de chaque région en présentant leur feuille de route. En Corse, plus mauvaise en la matière, c'est notamment la capacité de production d'énergie qui entrave le développement de l'infrastructure alors que l'île de beauté est proche, chaque été, du black out. Le véhicule électrique étant un nouveau consommateur d'électricité, il risque d'amplifier cette pression sur la demande. Pour autant, les initiatives d'opérateurs de bornes privés se multiplient et le parc de véhicules électriques connaît une croissance jamais enregistrée auparavant.
(Crédits : DR)

À ce jour, la Corse est la région la plus pauvre en équipements électriques. Le parc de véhicules électriques y est encore peu développé, moins de 1% des habitants étant détenteurs d'une voiture électrique. Même constat en matière d'infrastructures de recharge : le maillage en Corse est aujourd'hui rudimentaire, avec seulement 369 points de charge, parmi lesquels 27% de rapides et 8,4% d'ultra-rapides.

Au 1er mai 2021, la région comptait 1 point de recharge pour 31 véhicules électriques, soit un ratio 2 à 4 fois inférieur à celui du continent et symptomatique du déficit de points de recharge en Corse. Un constat confirmé par l'application Chargemap, qui recense en moyenne 4 points de recharge pour 100 km2 en Corse, soit 20 fois moins qu'en Île-de-France. Enfin, même si les grands axes sont peu nombreux en Corse hormis celui reliant Ajaccio à Bastia, on est encore loin de l'objectif d'un point de recharge tous les 60 kilomètres annoncé par Bruxelles en juillet dernier.

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Des initiatives privées en passe de se multiplier

Faute d'infrastructures de recharge suffisamment nombreuses, certaines initiatives émanant d'acteurs privés se fraient un chemin en Corse. Aujourd'hui, un opérateur est largement majoritaire, Driveco, qui fournit 80% des bornes de la région. Les bornes restantes sont quant à elles fournies par Virta ou, pour 10% d'entre elles, accessibles au public sur les parkings des enseignes Géant Casino et Leroy Merlin.

Fin juillet, un financement de 950.000 euros a également été octroyé par la Banque des territoires à l'opérateur E-motum, filiale du groupe Filippi (franchisé exclusif sur l'île du loueur Hertz), en vue d'installer une cinquantaine de bornes supplémentaires en Corse. Coût total du projet ? 2 millions d'euros. Objectif ? Mailler le territoire pour assurer la présence d'une borne de charge rapide tous les 50 kilomètres.

Quelques avancées prometteuses au cours des dernières années

Outre les initiatives en matière d'infrastructures de recharge, la croissance du parc de véhicules électriques - et hybrides rechargeables - au cours des toutes dernières années est particulièrement encourageante.

Sur l'année 2020, la Corse a ainsi connu une progression hors-norme avec 2.601 immatriculations de véhicules électriques et hybrides, soit trois fois plus qu'en 2019 (813 immatriculations). Cette croissance est historique et s'avère donc prometteuse. À titre de comparaison, le parc de véhicules électriques et hybrides avait augmenté de seulement 9% en Corse entre 2018 et 2019.

30.000 véhicules électriques en Corse visés pour 2030

Selon l'agence corse de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), dès 2028, la Corse vise une diminution drastique des consommations énergétiques liées à la mobilité et mise sur la voiture électrique pour réaliser plus de la moitié de cette réduction. À horizon 2030, l'objectif visé par la région est d'atteindre 30.000 véhicules électriques et 20.000 véhicules hybrides rechargeables, soit 20% du parc de véhicules insulaires, contre 1% à l'heure actuelle.

Autre cap pour la Corse : installer environ 7.000 points de recharge ouverts au public d'ici à 2030. Cela reviendrait à 1 point de recharge pour 8 véhicules rechargeables en haute saison. Un tel ratio, qui dépasserait les attentes de référence fixées par l'UE, à savoir 1 point de recharge pour 10 véhicules électriques, permettrait de pallier le fait que 46% des ménages corses ne disposent pas d'une place de stationnement à leur domicile.

Pour l'heure, la mobilité électrique ne bénéficie d'aucun financement de la part de la région corse, contrairement à d'autres régions. En revanche, en 2018, Emmanuel Macron avait annoncé une aide de l'État de 500 millions d'euros sur 5 ans pour la Corse, au service des grands travaux et de l'innovation, dans le cadre du PTIC (Plan de transformation et d'investissement pour la Corse). Actuellement, l'Ademe Corse s'efforce de convaincre l'État d'allouer 58 millions d'euros -soit un peu plus de 10% de l'enveloppe du PTIC- pour déployer 7.000 nouveaux points de charge d'ici à 2030.

Des problématiques propres à la Corse jusque-là sous estimées

Si la Corse peut sembler à la traîne par rapport aux autres régions en matière de mobilité électrique, elle est confrontée à des problématiques spécifiques qui freinent sa propension à se transformer.

D'une part, le mix énergétique corse est fortement carboné : il est de 450g de CO2/KWh en moyenne, soit cinq fois plus que sur le continent. Ce qui s'explique en grande partie par le fait que la Corse ne dispose d'aucune centrale nucléaire. Dans le détail, la production électrique de l'île est assurée à 30% par des énergies renouvelables, à 40% par deux centrales thermiques au fioul et enfin à 30% par un raccordement avec l'Italie dont la provenance énergétique n'est pas connue. Conséquence : la conversion du parc automobile à l'électrique soulève des doutes quant au bénéfice écologique à en tirer.

D'autre part, une autre problématique se pose en Corse : le risque d'un déséquilibre entre l'offre et la demande d'électricité. Cet été, un black-out était déjà à craindre entre 18h et 20h, horaires de retour à la maison et de mise en route de la climatisation en Corse. Le véhicule électrique étant un nouveau consommateur d'électricité, il risque d'amplifier cette pression sur la demande. Afin d'y remédier, EDF et la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) souhaitent rendre 75% des points de recharge - à domicile et sur les parkings de flotte - pilotables. Intérêt d'une telle technologie ? Être en mesure de réduire la puissance des bornes concernées pour prévenir un risque de coupure du réseau.

>> Cliquez sur la carte pour poursuivre l'enquête en région :

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