Les villes se penchent enfin sur la pollution lumineuse

ZERO CARBONE. Longtemps sous-estimé, ce phénomène, qui affecte l'environnement, la santé et la biodiversité, est désormais un chantier incontournable pour les collectivités. Parmi les défis à relever, celui de l'acceptabilité. C'était l'un des thèmes débattus lors du Forum Zéro Carbone, organisé le 30 novembre par La Tribune.
(Crédits : Reuters)

#ForumZéroCarbone Paris - La pollution lumineuse, une pollution oubliée ?


 
La pollution lumineuse a été jusqu'à il y a peu un angle mort des débats environnementaux. Pourtant, ses impacts sont nombreux... « C'est bien sûr une question de consommation, de gaspillage énergétique et de dépenses publiques », déclare Anne-Marie Ducroux, présidente de l'Association nationale pour la protection du ciel et de l'environnement nocturne. Mais les enjeux ne se réduisent pas aux seules économies d'énergie. « La prescription actuelle va vers des LED, une technologie qui nécessite des terres rares, extraites à grands frais environnementaux et venant de Chine, avec en conséquence un transport dont le coût carbone est élevé », enchaîne-t-elle. Or à ce jour, « il n'y a aucun bilan climatique complet des installations lumineuses en France, malheureusement », déplore cette militante. Surtout, la pollution lumineuse nuit à la biodiversité et à de nombreuses espèces, dont les papillons de nuit. Sans oublier la santé, notamment « la vision, affectée par certains éclairages, et le sommeil », conclut-elle.

Signe qu'une prise de conscience émerge, certaines collectivités s'emparent du sujet, à l'instar de la Ville de Schiltigheim, dans la banlieue de Strasbourg, lancée dans la lutte contre la pollution lumineuse depuis 2018 et aujourd'hui labellisée Villes et villages étoilés. « Nous avons fait le choix de procéder d'abord par expérimentation, dans un quartier. Nous n'avons pas éteint totalement. Nous avons laissé des lampadaires en bout de rue allumés tout en réduisant l'intensité de la lumière. Les retours ont été positifs et nous avons ensuite étendu l'expérience à d'autres secteurs de la ville - jusqu'à arriver à l'extinction totale dans les parcs publics », témoigne Danielle Dambach, maire de Schiltigheim et vice-présidente eurométropolitaine en charge de la coordination de la transition écologique et de la planification urbaine et nature. Au sein de la métropole de Strasbourg, les 33 communes échangent d'ailleurs sur leurs bonnes pratiques pour réduire la pollution lumineuse. Autant d'efforts qui ont battu en brèche quelques « idées préconçues » sur l'insécurité lorsqu'on diminue l'éclairage public. « Toutes les communes qui se sont engagées dans cette baisse et dans un début de trame nocturne (un environnement propice aux déplacements et cycles de vie de la biodiversité nocturne) n'ont pas constaté de hausse d'incivilités », assure l'élue.

Paris, pourtant Ville-Lumière, s'y met aussi. « La question de la pollution lumineuse est au centre de la préoccupation de la Ville, à travers l'adoption de différents plans biodiversité », affirme ainsi Christophe Najdovski, adjoint à la Mairie de Paris en charge de la végétalisation de l'espace public, des espaces verts, de la biodiversité et de la condition animale. La Ville, qui vient de renouveler son marché de l'éclairage public, a en outre intégré cet enjeu à son cahier des charges. « Dans le précédent marché, nous avons déjà eu une diminution de l'ordre de 30 % des flux lumineux dirigés vers le ciel, assure l'adjoint. Le nouveau sera encore plus ambitieux. »

Des arbitrages parfois complexes


Concrètement, « dans ce plan d'éclairage public, nous allons essayer de jouer sur plusieurs variables : nous visons aussi bien l'intégration d'objectifs climatiques, avec une réduction de la consommation énergétique, que la biodiversité », poursuit-il. Conjuguer les deux impératifs et placer le curseur au bon endroit ne sera pourtant pas simple... Dans la palette des solutions figurent, par exemple, des éclairages qui dirigent les flux lumineux vers le sol ou la gradation de couleurs : les ampoules jaunes ou plus orangées ont moins d'impact sur la flore et la faune. Elles sont cependant plus énergivores... « Tout l'enjeu va être de trouver un juste milieu entre une moindre consommation énergétique et un impact sur la biodiversité acceptable », abonde Hélène Delmas, ingénieure environnement au sein de la direction du développement durable d'Eiffage, membre du groupement Cielis qui a remporté le marché de l'éclairage de la Ville de Paris.

« Nombre d'acteurs confondent énergie et lumière... », regrette pour sa part Anne-Marie Ducroux. « Si vous ne fixez que des objectifs énergétiques, vous n'aurez pas forcément les effets voulus sur la réduction de la lumière. Vous aurez même un effet rebond des technologies comme les LED, qui contribuent à la pollution lumineuse », martèle-t-elle. Sa recette ? « Il faudrait se fixer un objectif de quantité de lumière émise pendant la nuit. En suivant cet indicateur, vous aurez des effets aussi bien sur le climat que sur la biodiversité », conclut-elle.
 
Enfin, si les solutions sont là, il reste le défi de l'acceptabilité - de la part des habitants mais aussi des acteurs privés, l'éclairage privé (vitrines des commerces, bureaux...) contribuant largement à la pollution lumineuse. A Schiltigheim, « en lien avec la police municipale, nous sommes allés vers les commerçants pour faire de la pédagogie afin qu'ils éteignent leurs vitrines la nuit. Cela a plutôt bien fonctionné, puisque deux tiers des enseignes respectent maintenant cette extinction », se réjouit Danielle Dambach. Pour sa part, Anne-Marie Ducroux en est convaincue : pour faire accepter une réduction de l'éclairage par les citoyens, « le dialogue est tout aussi important que la technique. »


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Commentaires 4
à écrit le 24/12/2021 à 9:28
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Dans ma ville de 8000 habitants, l'Intermarche du coin a mis 2 grands panneaux LED allumés h24, car c'est sur que les renards et cerfs doivent apprecier de voir la nuit les promos sur le papier toilette.

à écrit le 24/12/2021 à 9:26
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Dans ma ville de 8000 habitants, l'Intermarche du coin a mis 2 grands panneaux LED allumés h24, car c'est sur que les renards et cerfs doivent apprecier de voir la nuit les promos sur le papier toilette.

à écrit le 23/12/2021 à 19:01
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J'avais lu que c'étaient beaucoup de vitrines, panneaux publicitaires qui contribuaient à la pollution lumineuse, même les rues éteintes dans certaines villes, ça ne résout pas tout. Pouvoir lire des annonces immobilières la nuit, c'est sans doute ut...

à écrit le 23/12/2021 à 14:13
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Surtout que pollution lumineuse c'est sûr et certain, j'habite à la campagne et malgré cela du haut de ma colline j'ai vu ces dix dernières années se multiplier les éclairages de toutes sortes, mais également gaspillage d'énergie puisque 90% du temps...

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