« Vive la slow information ! » (Gilles Vanderpooten)

Directeur général de l’ONG Reporters d’Espoirs, Gilles Vanderpooten milite pour un journalisme de solutions. Un journalisme capable de mettre en avant des initiatives répondant à des problèmes économiques, sociaux et surtout environnementaux. Et sans jamais perdre le regard critique sur aucun des sujets. (Cet article est extrait de T La Revue n°12 - « Climat : Et si on changeait nous aussi ? », actuellement en kiosque).
(Crédits : DR)

Il y a une forme d'élégance dans sa discrétion. Une constance dans son sourire et sa bonne humeur. Mais rien de béat dans son attitude. Gilles Vanderpooten connaît la complexité du monde, un monde qu'il a choisi de regarder à travers un prisme bienveillant, empathique et optimiste. Trois adjectifs qui caractérisent également sa conception de l'information.

À la tête de l'ONG Reporters d'Espoirs, il s'affaire au quotidien à prouver que le journalisme a toute sa place dans l'analyse et le décryptage des réalités de notre société. En caricaturant à peine, Gilles Vanderpooten préfère s'intéresser aux trains qui arrivent à l'heure plutôt qu'à ceux qui sont en retard. Face à la défiance toujours plus grande à l'égard des médias (seulement 44 % des Français et Françaises jugent les médias traditionnels crédibles selon la dernière étude Kantar), lui continue de croire qu'il est possible de mettre en avant des initiatives répondant aux problèmes économiques, sociaux et environnementaux.

En prenant la tête de Reporters d'Espoirs, association créée en 2004 par Laurent de Cherisey, il promeut ainsi le « journalisme de solutions ». Ses moyens ? Des conférences, un prix portant le nom de l'ONG, la création d'un laboratoire offrant des outils aux médias (études et recherches) ou encore un guide sur le traitement informationnel du climat, mais aussi « La France des solutions », événement rassemblant une cinquantaine de médias autour d'initiatives concrètes et inspirantes, notamment en matière environnementale.

Dernier « bébé » conçu par Gilles Vanderpooten, une revue semestrielle destinée à répertorier des reportages publiés récemment et donnant envie d'agir, d'autres sur les coulisses de la fabrication de l'information, et quelques chroniques avec une volonté claire et déclarée de « participer à la construction d'un vivre ensemble ».

Tout cela pourrait paraître quelque peu « utopique » ou un condensé de bons sentiments. Et pourtant... Rien de plus pragmatique dans la démarche de Gilles Vanderpooten. Plus on parle d'initiatives positives et plus l'envie d'agir essaimera à la fois dans les médias et la société civile, concourant ainsi à la fabrique d'un « journalisme d'impact ».

LE DÉCLIC

À 37 ans, Gilles Vanderpooten a toujours les plus grandes difficultés à expliquer son intérêt pour le journalisme de solutions et son engagement au sein de Reporters d'Espoirs. Comme si tout cela lui était tombé sur la tête...

En reprenant le fil de sa vie, son action d'aujourd'hui résonne plutôt comme une évidence. À commencer par son rapport à la terre. Né dans l'Ariège, il a grandi loin de la ville. Ses parents ont choisi de quitter Paris dans les années 1970 pour s'installer à la campagne et exploiter une cinquantaine d'hectares de terre.

Il a 7 ans quand la famille déménage dans le Tarn-et-Garonne. Toujours dans un environnement rural. Après avoir lancé une entreprise de développement informatique destiné à trouver des solutions pour les agriculteurs, son père change de voie, décide de reprendre des études de psycho et d'histoire. Il soutient une thèse relative aux légumineuses et aux petits pois. « Avec mon frère, on n'a jamais cessé de nous moquer de lui à ce sujet » raconte en souriant Gilles Vanderpooten, précisant au passage que son frère est devenu jardinier.

La terre et encore la terre lui fait-on remarquer, de quoi se forger une opinion sur le devenir de la planète et avoir envie de participer à sa défense. Il le reconnaît mais concède volontiers qu'à l'heure d'entamer des études, il se passionnait avant tout pour les voitures ! Il s'imaginait alors travailler dans l'automobile ou l'immobilier.

Grâce à son père, devenu prof à l'université, il découvre l'existence des classes préparatoires, passe les concours pour les écoles de commerce et dit : « Au moment des oraux, et je ne sais pas pourquoi, je développe un raisonnement sur le développement durable. Et je constate que cela intéresse le jury ».

En 2005, il intègre Audencia à Nantes et remarque que dans les couloirs de l'école, les étudiants parlent défense de l'environnement, commerce équitable et RSE (Responsabilité sociale des entreprises).

L'heure de l'action a sonné... Avec des camarades, Gilles Vanderpooten crée une association sur ces thématiques, association qui donne naissance au festival du film environnemental de Nantes. S'ensuit le Tour de France du développement durable à l'été 2008. Un voyage à travers le pays à la recherche d'initiatives qui se retrouvent consignées dans un livre préfacé par Edgar Morin. Autant d'aventures associatives qui le sensibilisent à une forme de journalisme citoyen.

Voilà pour les premiers déclics, consolidés par plusieurs rencontres déterminantes dont une avec Stéphane Hessel. Avec lui, il publie Engagez-vous, vendu à plus de 250 000 exemplaires et traduit en 17 langues.

Et une autre avec Laurent de Cherisey, créateur de Reporters d'Espoirs, désireux de promouvoir « L'info solution ». Ce dernier cherche quelqu'un pour le poste de directeur des contenus. Gilles Vanderpooten quitte alors son poste au Crédit mutuel où il s'occupe de lobbying à Bruxelles sur les problématiques RSE, et débarque au sein de l'ONG en janvier 2012.

L'ENGAGEMENT

« Ces rencontres ont été fondamentales pour moi. Elles participent à une forme d'engagement. Cela donne du sens à mon travail, à mon quotidien » reconnaît Gilles Vanderpooten.

Quitter le monde classique du travail pour aller voir comment cela fonctionne dans le monde alternatif et associatif participe aussi à son engagement. En parallèle, il prend conscience au fur et à mesure du pouvoir des médias et la façon dont ils peuvent être moteurs au cœur de la société.

Au sein des rédactions, Gilles Vanderpooten découvre des journalistes convaincus par sa démarche et la nécessité de mettre en avant des initiatives positives. Parfois, il mesure que l'intérêt de certains d'entre eux est opportuniste mais il affirme « ne pas avoir de jugement. Le plus important c'est que cela existe ». Et de préciser, « demain, l'expression "journalisme de solution" peut disparaître. On continuera notre travail ».

S'il minimise avec modestie le terme d'engagement concernant son action à la direction de Reporters d'Espoirs, il glisse toutefois dans la conversation : « L'ONG, j'en bouffe 24 heures sur 24. »

EN 2050

« J'aurai 63 ans et j'espère avoir encore les mains dans le cambouis. Pour le reste, je suis très mauvais en prospective. Mais je serai heureux de savoir que le Lab fonctionne, qu'une chaire de recherche est née et que la revue existe toujours » imagine Gilles Vanderpooten.

Dans cette époque incertaine marquée notamment par la crise climatique, il conserve son optimisme. Et se demande si le temps ne sera pas venu en 2050 de refaire confiance à la presse papier. « Il y aura des journaux de référence, car nous avons besoin de repères. Nous allons revenir de cette surconsommation des écrans. Avec la sobriété énergétique, ce sera aussi la sobriété numérique. Et vive la slow info ! » dit-il en souriant.

En fin observateur des médias, il forme le vœu de combattre « l'infobésité » pour faire le pari de la création et surtout de l'intelligence collective. « Il nous reste à construire les médias de demain avec les journalistes et les citoyens dont la participation à cette fabrique de l'information sera nécessaire. »

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T La Revue n°12

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Commentaire 1
à écrit le 15/01/2023 à 9:22
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Le journalisme aujourd'hui se confond avec "interprétation", "répétition" et non, avec simple notification des faits !

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